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Par Kiara Jinn



Environ un an avant TPM, après Eriadu.

Qui-Gon : 59 ans
Kiara : 34 ans
Obi-Wan : 25 ans
Karvan Sills : 20 ans (jeune Jedi sombre repenti, en fuite)
Sarra-Nour : 55 ans (sœur de Qui-Gon)

Les protagonistes du récit ont décidé de repartir pour le laboratoire, où Kiara était prisonnière, afin de récupérer son fils, Seyfer, qu'elle avait du laisser dans sa fuite. Ils sont depuis quelques jours chez la sœur de Qui-Gon.
L'épisode raconté par Kiara a lieu avant leur départ...

Plus qu’une vingtaine de minutes avant le départ. Je mis un bonnet de laine sur ma tête afin de masquer la marque étoilée sur mon crâne rasé. Mes mains tremblaient. J’avais du mal à ajuster le chapeau qui glissait sur mon crâne chauve et je dus m’y prendre à plusieurs reprises afin de le placer correctement sur ma tête. Je me regardais dans le miroir au-dessus de la cheminée. J’étais très pâle. L’expression hagarde de mes yeux reflétait ma peur.
Je me retournais et me dirigeai lentement vers les trois hommes qui m’attendaient à l’entrée de la pièce. J’étais terrifiée. Ma démarche était mal assurée. Je tremblais tellement que je tenais à peine sur mes jambes. J’eus, à ce moment, envie de tout laisser tomber. Je m’arrêtais au milieu de la pièce. Je ne pouvais aller plus loin. J’avais l’impression qu’un poids terrible venait de chuter sur mes épaules, trop lourd pour moi, celui de ma responsabilité et ma peur de l’échec, indirectement le constat amer de ma nullité de mère.

Les trois hommes s’approchaient de la porte. Qui-Gon, qui fermait la marche derrière le jeune Jedi sombre, se retourna. Il m’aperçut, immobile, et revint vers moi. Les deux autres venaient de sortir de la pièce.
-Courage, me dit-il. Bientôt, vous serez avec votre fils. Plus que quelques jours de patience. Vous avez parcouru et subi le plus dur. Vous n’avez plus qu’une épreuve à traverser, peut-être la plus difficile pour vous mais c’est la dernière et ensuite, vous pourrez serrer votre enfant dans vos bras. Il sera libre et vous aussi. Vous pourrez recommencer à réapprendre à vivre, tous les deux, loin de toute haine, loin de la peur. Votre cauchemar sera enfin terminé.
-Je le sais, murmurais-je en le regardant à la dérobée. C’est mon vœu le plus cher. Je voudrais tant que cela soit déjà terminé. Mais j’ai peur que cela tourne mal. Je ne sais pas pourquoi. Je ressens une sourde angoisse comme si quelque chose de terrible allait arriver. J’ai un mauvais pressentiment.
Le Chvalier Jedi me regarda gentiment en secouant doucement la tête.
-C’est de la peur que vous éprouvez. C’est normal.
-Je ne devrai pas, pourtant. Je me bats pour mon fils, pour sa libération. J’ai tenu pour lui pendant des années. Je ne vais pas craquer maintenant, si près du but. Mais j’ai tellement peur.
-Celui qui dit aller au combat sans éprouver de peur se ment ou est un fou. C’est une réaction humaine face au danger me dit doucement le Maître Jedi en me relevant la tête et en me regardant dans les yeux. Mais ne craignez rien. Ne la laissez pas vous contrôler, gagner sur vous. Concentrez vos pensées sur votre fils. Visualisez en vous l’expression de son visage et le bonheur que vous ressentirez quand vous repartirez de la base avec lui. Ne pensez à rien d’autre, surtout pas. Répétez-vous comme un leitmotiv que vous venez le libérer. Pensez uniquement au présent, à ce que vous vivez et ressentez au moment précis de l'action. Rien d'autre. Surtout pas au passé ni à l'avenir. Uniquement le présent.
-C'est ce que vous dites à votre élève. Je vous ai entendu parler de cela dans le vaisseau. Ressentir, se fier à son instinct. Ne pas se laisser perturber. Obéir à ce que vous avez appelé la Force vivante.
-Oui me dit-il. Excusez-moi, C'est le maitre qui parle. Je… Je suis un peu trop dogmatique quelquefois.
Il baissa un instant les yeux et les posa à nouveau sur moi.
-Vous verrez, tout va bien se passer. Ayez confiance en vous et en ce que vous faites. Puisez dans la Force en vous. Elle vous aidera. Vous vous battez pour la cause la plus belle et la plus noble qui soit, l’amour et la liberté d’un enfant, le vôtre.
Il avait baissé la tête vers moi, ses yeux posés sur moi. Il me regardait avec une certaine bienveillance dans le regard. Mais il me sembla déceler un certain trouble dans ses yeux. Je ne savais plus. Bouleversée, je le dévisageais sans répondre.
Ses yeux bleus accrochèrent mon regard. Sur son visage, je voyais l’expression d’une grande écoute et d’une intense compassion. Mes lèvres tremblaient. Je luttais pour ne pas pleurer mais soudain les larmes jaillirent et je me mis à sangloter.

Qui-Gon me prit par les épaules et se pencha vers moi. Il me murmura des mots de réconfort et d’encouragement à l’oreille. Mais je ne les entendais pas vraiment. Je percevais seulement le timbre rassurant et doux de sa voix. Je tremblais de plus en plus. J’étais totalement paniquée. D’un seul coup, le Chevalier Jedi passa ses bras autour de moi et, les ramenant en avant, me serra contre lui. Je ne réalisais pas ce qui se passait. J’avais perdu toute faculté de réaction et me laissais totalement aller. J’enfouis ma tête au creux de sa poitrine comme si je voulais m’y incruster et pleurais de plus belle, m’accrochant aux revers de sa vareuse de lin. Il resserra son étreinte autour de moi puis ne bougea plus. Je sentais ses cheveux contre ma joue, son visage près du mien, son souffle. Il ne parlait pas. Je sentais sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration et les battements rapides de son cœur.
Nous restâmes ainsi sans bouger. Combien de temps ? Je ne savais pas. Petit à petit mes sanglots se calmèrent. Il me tenait toujours étroitement serrée contre lui. Je ressentais une émotion que je ne pouvais analyser sur le moment. C’était une vague rassurante qui me submergeait petit à petit. Je ne réagissais pas, me laissais complètement aller contre lui. J'avais perdu la notion du temps, du lieu. Il ne restait que cette poitrine large et rassurante contre laquelle j'étais blottie, cet homme qui me serrait contre lui. Je ne pouvais clairement définir ce qu'il représentait pour moi en ce moment précis, l’ami, le protecteur. Je ne pouvais définir ce que j'attendais vraiment de lui, de moi. Je tremblais toujours autant. De peur ? Je refusais de penser à autre chose. Quelque chose que je refusais de voir, d’admettre. Quelque chose qui ne pouvait m’arriver. Je ne voulais pas y mettre de nom. Je ne le pouvais pas surtout. J’avais de plus en plus de mal à me situer par rapport à moi et à cet homme qui me tenait toujours étroitement serrée contre lui. Il me semblait sentir sa main caresser doucement mon épaule par moment. J’eus même l’impression qu’il l’y avait laissée. Je respirais profondément, tentant de calmer les battements de mon cœur affolé.

Je ne sus pas exactement combien de temps nous restâmes ainsi, l’un contre l’autre. Quelques secondes ? Des minutes ? Le temps s’était arrêté. Puis, lentement, très lentement, il s’écarta de moi. Il prit mon visage entre ses mains et essuya, avec sa large manche, les larmes qui avaient coulé sur mes joues, sans mot dire, avec une certaine douceur. Il me regardait fixement. Je baissais la tête. Je ne pouvais toujours pas expliquer ce que je ressentais à ce moment précis.
Qui-Gon me releva doucement la tête d’un doigt et me souhaita bonne chance, d'une voix pratiquement inaudible. Ses paroles avaient rompu cette chose indéfinissable qui s’était installée entre nous. J’étais embarrassée, essayant de me reprendre.
-Je suis désolée, j’ai craqué murmurais-je d’une voix tremblante en esquissant un pauvre sourire.
-Ce n’est rien. C’est normal me répondit-il d’une voix très douce.
Je me remis à trembler en baissant la tête. Il avait à nouveau posé ses mains sur mes épaules, des mains larges, rugueuses mais si légères. Je levais les yeux et vis ses lèvres bouger.
Il me sembla qu’il murmurait quelque chose. Son visage paraissait refléter les émotions que j’avais vues furtivement dans ses yeux. Je n’osais soutenir son regard qui me troublait alors que je pensais bien ne plus jamais ressentir une telle émotion.
Il me paraissait ému. Je ne cherchais pas à comprendre ce qu'il pouvait ressentir. Je le vis déglutir sa salive à plusieurs reprises, sans parler. Ses lèvres tremblaient légèrement. A ce moment, il baissa les yeux et arrangea le bonnet de laine qui avait glissé. Il le plaqua sur le lobe de mes oreilles, d’un geste très doux.
Sans réaliser vraiment ce que je faisais, j’esquissais un geste vers lui, effleurant à peine sa joue d’un doigt malhabile, sentant sa barbe sous mes doigts, l’ourlet de ses lèvres. Me rendant compte de mon geste, je sursautais subitement. J’allais retirer ma main quand il attrapa mes doigts, les serra et les lâcha tout aussi rapidement. Il me souhaita à nouveau bonne chance d'une voix pratiquement imperceptible.
J’allais le remercier quand, se penchant vers moi, il prit mon visage entre ses mains et m’embrassa très doucement sur le front, juste au-dessus des yeux. Puis il me lâcha, se retourna et sortit rapidement de la pièce.

Je restais debout, plantée au milieu de la pièce sans trop comprendre ce qui m’arrivait. Les battements fous et désordonnées de mon cœur commençaient à se calmer. Je tremblais un peu moins. Je réalisais peu à peu ce qui venait de se passer comme si j’émergeais de quelque chose que je ne pouvais encore définir. Qui-Gon m’avait serrée dans ses bras et je ne l’avais pas repoussé. Il m’avait pris la main. Il m’avait embrassée sur le front. J’avais osé lever les doigts vers son visage. Quelque temps avant, je me serais violemment débattue, comme je l’avais fait quand Obi-Wan avait tenté de m’empêcher de frapper Karvan. Le geste n’avait certes pas la même signification mais un homme avait posé une main sur moi. Cette fois, je n’avais pas bougé. Surtout, je me rendais compte que je ne voulais pas que ce moment prenne fin. Je ressentais même une sorte de manque. Je me surprenais à espérer que ces instants se reproduiraient. Je m'étais remise à trembler, me sentis rougir. Mon cœur battait à nouveau très fort. J'inspirais profondément plusieurs fois pour reprendre mes esprits. Je me secouais et me tançais
" Allons Kiara, me disais-je dans ma tête. Il est très gentil, il a voulu te réconforter. Toi, il t’a prise dans ses bras parce que tu pleurais. C’était par pure gentillesse, par compassion ou par amitié. N’y vois rien d’autre ".
De toute façon, il n’y avait certainement rien d’autre. Tout ceci n’était que de l’imaginaire, le délire d’une femme perturbée par des années de captivité et de rapports faussés entre les êtres. Je n’osais même pas imaginer qu’il put s’agir d’autre chose. C’était impossible. C’était seulement la divagation d’une femme complètement déroutée et perdue dans son affectif. Quoi qu’il en soit, il ne fallait pas qu’il se passe autre chose. Je n’avais pas le droit d’espérer et, de toute façon, je me l’interdisais. Je n’étais plus et ne serai jamais ce que j’étais avant. Les sentiments et les situations qui régissaient ma vie avant ma détention, m’étaient désormais inconnus et ne devaient surtout pas refaire surface. Je ne pourrai pas les assumer. Je n’en aurai pas la volonté ni la force.

Obi-Wan et Karvan attendaient devant la maison. Ils ne bougeaient pas, silencieux. Sarra-Nour était debout près d’eux, la tête levée. Elle regardait le ciel. Le soleil se couchait. L’astre rougeoyant disparaissait derrière le chêne dont l’ombre se dessinait sur le sol. La nuit promettait d'être fraîche. Ils entendirent le pas du Maître Jedi crisser sur les gravillons. Obi-Wan se tourna vers lui et l’interrogea du regard.
-Nous sommes prêts, Maître. Où est Kiara ?
-Elle arrive, répondit Qui-Gon doucement en évitant le regard de son élève.
Il se retourna et regarda loin devant lui en croisant les bras. Il pensait à ce qui venait de se passer. Il ressentait une impression qu’il croyait disparue ou enfouie au plus profond de lui. Quand Kiara s’était arrêtée, tremblante de peur, il s’était approché d’elle avec l’intention amicale de la réconforter. Etant le plus vieux d’entre eux, il pensait que c’était son rôle. Il se sentait responsable d'elle et surtout redevable. Puis, il avait ressenti ce besoin impérieux de la prendre dans ses bras et de la serrer contre lui. Il l’avait fait. Elle n'avait pas résisté. Elle s’était blottie contre sa poitrine, ses mains s’étaient agrippées à sa vareuse. Il voulait seulement la réconforter. Il avait senti ses sanglots. Il avait baissé la tête tout près de son visage et avait senti ses larmes. Alors, il avait eu, soudainement, envie de l’embrasser, de lui caresser les cheveux mais il avait eu peur de sa réaction. Alors, il avait séché ses larmes, avait arrangé son bonnet pour masquer son trouble et le tremblement de ses mains. Il s’était contenté d’un baiser furtif sur son front et de quelques très légères caresses sur son épaule.
Il aurait tant voulu… Non, il ne pouvait pas, il ne devait pas. Il s’en était fait le serment des années auparavant. Il ne voulait pas que l’histoire recommence. Pourtant, il avait traversé un bon nombre d’épreuves qu’il avait toujours réussi à surmonter, même les plus difficiles d’entre elles. Il pensait que Kiara n’endurerait pas une nouvelle souffrance mettant son cœur à l’épreuve. Il ne le voulait pas. Il ne pouvait pas la lui imposer.
Il se trompait peut-être à propos de la jeune femme. Cependant, il avait eu l’impression, en la tenant blottie contre lui, qu’elle attendait plus sans oser le faire savoir. Elle ne l’avait pas repoussé, bien au contraire. Pourtant, le contact, en regard de ce qu’elle avait enduré, aurait dû lui être pénible, voire abject. Il lui avait semblé, il ne se trompait pas, qu’elle se serrait encore plus contre lui, comme si elle lui adressait une prière muette. Il n’avait pas rêvé, il en était certain.
Il ressentait à nouveau ce trouble qu’il avait connu bien des années avant, quand il avait connu Ellya, la seconde femme qu’il eut aimée, pour qui il aurait peut-être même, cette fois, complètement renoncé à sa vie de Jedi si elle le lui avait demandé. Mais elle n’en avait pas eu le temps. La vie en avait décidé autrement. Il se souvenait aussi de Tahl. Il avait juste eu le temps de lui déclarer son amour avant qu’elle ne soit enlevée. Il l’avait retrouvée et elle était morte dans ses bras. Il se souvenait surtout de l’amour plus intense qu’il avait éprouvé pour Lusiana, son premier amour, cet amour sacrifié à l’exigence du code. Il se souvenait de sa faute et sa fuite aussi. Les yeux verts de Lusiana, celle qu’il avait aimée d’amour fou, passèrent brièvement devant lui.

Qui-Gon étouffa un soupir et s’étira légèrement. Tout ceci était passé mais cela semblait tellement présent maintenant. Son cœur avait battu comme cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps quand il avait serré Kiara contre lui. Il pensait bien que cela ne lui arriverait plus à son âge. Et pourtant !
Il se surprenait à l’espérer, à le souhaiter, même. Qui-Gon repoussa cette idée. Il avait une mission à accomplir et celle-ci resterait au premier plan. Il devait délivrer le petit garçon de l’emprise des Sombres. Il le ferait coûte que coûte.
Ensuite, peut être que .….. Pourquoi pas … Non ! Il voulait seulement la réconforter. Il l’avait prise sous sa protection et il la protégerait tant qu’elle serait avec eux. Point. Rien d’autre n’arriverait. De toute façon, ce n’était même pas la peine qu’il y pense, elle le refuserait certainement, dans l’état d’esprit où elle était, en raison de tout ce qu’elle avait enduré. Et pourtant… Le visage triste de la jeune femme s’imposa dans son esprit.
Le Jedi secoua légèrement la tête. Il soupira.

Je sortis lentement de la maison. Les trois hommes m’attendaient. Je les rejoignis en m’excusant. Karvan s’avança vers moi et me tendit mon poncho. Je sentais que je rougissais. Obi-Wan me regarda longuement d’un drôle d’air puis posa les yeux sur son Maître qui, je n’en fus pas certaine, évita son regard. Sarra-Nour nous serra l’un après l’autre dans ses bras. Elle embrassa Obi-Wan et le jeune homme. Puis, elle serra longuement son frère contre elle et lui glissa quelque chose à l’oreille.
Enfin, elle vint vers moi et me serra également dans ses bras en me disant :
-Prenez soin de mon frère. Je vous le confie. Vous savez comme je l’aime. Vous êtes la seule personne qui puissiez veiller sur lui comme je le ferai moi-même. Il…
Elle ne termina pas sa phrase. Je la regardais, étonnée.
J’aurais bien voulu connaître la fin de sa phrase et la raison de cette demande. Mais je n’osais le lui demander. Par peur de la réponse ? Certainement.
-Bonne chance. J’espère que nous nous reverrons très bientôt me dit-elle dans un souffle.
-Je ne sais pas, murmurais-je mais je l’espère très sincèrement.
-Que vous dit votre cœur ? me demanda t-elle à l’oreille.
-Peut-être ! Je ne sais pas.
Sarra-Nour me regardait fixement. Je murmurais.
-Il me dit que oui.
-Alors, nous nous reverrons. A bientôt.
Elle m’embrassa et se recula légèrement pendant que nous nous mettions en marche.