C'est la mort que tu côtoies tous les jours, quand tu croises le regard d'un autre pilote, c'est peut-être sa fin que tu dévisages.
Quand tu bois un verre avec tes amis, c'est avec la mort que tu trinques.
Quand tu vas te coucher le soir, dans tes quartiers de soldat, c'est en te disant que demain tu iras au feu, que tu combattras la mort.
Quand tu t'endors, c'est à côté de la mort que tu vas passer la nuit, car à une paroi de toi, il y a un homme qui se prépare à mourir le lendemain.
Quand tu te réveilles le matin, en sursaut, c'est la mort qui te sourie. C'est elle qui t'habille de noir, quoi que tu portes, où que tu ailles.
Quand tu déjeunes, c'est le dernier repas du condamné que tu avales sans appétit.
Quand tu mets le moteur de ton chasseur en marche, c'est la bombe de ton dernier soupire que tu actives.
Quand le compte à rebours défile sur ton écran, c'est celui de la fin de ta vie qui passe devant tes yeux.
Quand tu as froid, quand tu as soif, quand tu as faim, quand tu es heureux ou triste, malade ou bien portant, toi, Soldat, c'est vers la mort que tu vas, c'est elle qui te couve, te protège, te souffle tes souvenirs à l'oreille.
Quand ton commandant lève le bras pour saluer, c'est sur ton cercueil que se posent déjà ses yeux.
Quand tu suis ce long couloir pour sortir du hangar, c'est vers la lumière sombre de la mort que tu avances.
Quand tu reviens, le soir, sans la moitié de tes amis, tu sais que tu as eu de la chance.
Quand tu vis avec la mort, tu es forcément un héros. Lentement, tu t'habitues à sa présence glacée à tes côtés, à son souffle brûlant dans le creux de ton oreille.
Tu t'habitues à voir tomber des âmes sur le chemin de la guerre.
Quand tu te regardes dans la glace, tu vois un visage qui n'est pas le tien, un visage miné, fatigué, usé, celui que tu n'avais pas, celui que la mort a transformé.
Quand tu embrasses ta famille avant de partir en mission, c'est un dernier Adieu que tu leur fais, car malgré toi, tu sais que tu ne les reverras jamais.
Quand tu t'amuses, tu te sens coupable, coupable d'être en vie alors que d'autres n'ont jamais pu reposer leur chasseur sur le bitume du hangar.
Quand tu poses le pied au sol, tu n'es plus le même. Tu es moins assuré, moins confiant, car la mort t’emboîte le pas. A partir de cet instant et jusqu'au prochain envol, tu ne pourras pas mourir en étoile.
Et quand la mort te prend, tu es muet, tu es las, tu as froid, tu as faim. Quand la mort s'empare de ton cœur, qu'il ne bat plus, c'est ta vie qui vient de s'éteindre.
Un autre royaume ? Non... Ici, c'est ton enfer. Les gens ne te voient plus, mais te pleurent, ne te sentent plus, mais prient pour ton Ame.
Ils prient trop tard, car tu es déjà condamné.
Quand tu te lèveras le matin, quand tu déjeuneras, quand tu t'endormiras, quand tu boiras un verre, ce sera seul... Seul, sans la mort.
Sans cette faucheuse de vie qui a tant voulu ton âme et t'a abandonné, laissé sur place. Quand tu te lèveras le matin, quand tu déjeuneras, quand tu t'endormiras, quand tu boiras un verre, ce sera sans goût,
sans odeurs, car de corps tu n'as plus, de rêves tu ne peux plus faire, seuls les cauchemars et un seul souvenir restent.
Le souvenir de la Mort...