Après la mort de Qui-Gon Jinn contre le Seigneur Sith Darth Maul. Obi-Wan s'est retiré dans un appartement mis à sa disposition au Palais. Ses souvenirs reviennent en force.
Un carillon tinta légèrement à la porte et une jeune fille très mince entra avec un plateau. Elle se déplaçait sans bruit. Assis dans un fauteuil, Obi-Wan regarda d’un œil torve les plats qu’elle disposait, avec grâce, sur la table de verre fumé qui était au centre de la pièce. Elle se retourna ensuite vers lui et dit d'une voix très douce.
-Ceci restera chaud très longtemps. Peut-être aurez-vous faim un peu plus tard ?
Le jeune homme la regarda tristement et la suivit des yeux sans parler.
Elle s’inclina légèrement devant lui et ferma la porte derrière elle, toujours sans faire de bruit.
Obi-Wan se leva avec difficultés, s’approcha de la table et regarda la nourriture. Son estomac était vide. Il n’avait rien avalé depuis des heures maintenant mais il n’avait pas faim.
Il se retourna et regarda le sabre laser de Qui-Gon, qu’il avait détaché de sa ceinture et posé sur son lit. Les dernières images du combat s'imposèrent à son esprit.
-Pourquoi ? cria-t-il dans un accès de colère. Pourquoi ne m’avez-vous pas attendu ? Pourquoi êtes-vous parti si vite ? Vous auriez dû m’attendre juste un peu !
Les larmes coulaient sur son visage. Il traversa la pièce à grands pas. Il attrapa le plateau sur la table et le lança contre le mur.
Il hurlait.
-Vous auriez du m’attendre. Vous étiez si fatigué ! Le Sith vous avait épuisé ! J’étais si près de vous ! Je vous appelais ! Si seulement vous m’aviez attendu ! Maître ! Pourquoi ….
Obi-Wan tomba lentement à genoux en sanglotant. Il se blessa sur les morceaux de verre du plateau de la table qu’il avait également envoyé valser d’un coup de pied rageur. Il baissa la tête et leva vers lui ses mains pleines de sang, appuyant les paumes sur ses yeux remplis de larmes. Ses épaules s’affaissèrent et il tomba sur le sol en position fœtale, en gémissant sourdement.
-Ce n’est pas votre faute Maître ! C’est la mienne ! J’étais trop lent ! Je suis arrivé trop tard ! Pardonnez-moi Maître !
Il sanglotait, recroquevillé sur le sol.
-C’est ma faute ! Ma faute ! Maître !
Il répétait sans cesse cette phrase, en gémissant sourdement.
Il se laissait aller, tombant dans les griefs, la culpabilité, la colère. Il criait, criait encore ! Contre le Sith, contre lui ! Contre… Il s'arrêta subitement. Il se retourna sur le dos et laissa ses mains tomber sur le sol. Il ouvrit les yeux. Il se rendait compte qu’il était en train de chuter et que la colère l’entraînait vers les affres du côté obscur.
Il redressa la tête et se frotta les yeux. Il lui semblait avoir vu une forme évanescente non loin de lui mais il n’y avait personne.
La voix en lui se manifesta à nouveau. " L'enfant ! Tu l’entraîneras bien Obi-Wan ! Tu en feras un grand Chevalier. Sois fort mon jeune Padawan ".
-Oui Maître. Vous serez fier de moi.
Obi-Wan se redressa et essuya ses mains douloureuses sur sa tunique déchirée. La douleur était toujours aussi intense, prenant son cœur comme dans un étau mais il avait à l’esprit, brillant en lettres d’or la promesse qu’il avait faite à son Maître, rien d’autre que l’espoir que Qui-Gon était près de lui et qu’il serait fier de lui.
Il se releva péniblement en s’appuyant sur le cadre de fer forgé de la table et sur les accoudoirs du fauteuil. Il devait se remettre debout. Il savait qu’il pourrait le faire.
Il devait dépasser le stade de la douleur, passer les prochains jours, ceux, si aiguës qu’il aurait à traverser. Il prit subitement conscience de sa solitude à venir sans le soutien affectueux et attentionné de son Maître. Son Maître ! Son ami ! Celui qui avait été un père pour lui !
Il s’approcha lentement de la fenêtre et regarda les toits alentours. Il voulait, c'était comme une impulsion en lui, se rendre au Temple funéraire, surveiller les préparatifs du dernier voyage de son Maître.
Il se dirigea vers le communicateur près de la porte et appuya sur le bouton ouvragé.
-Oui Monsieur Kenobi ?
Le visage de Sabé apparut sur l’écran.
-Je voudrai voir le Temple funéraire, s’il vous plait. Sa voix n'était qu'un murmure.
-J’arrive, monsieur le Chevalier.
La jeune femme arriva quelques minutes plus tard. Obi-Wan vit qu’elle avait changé de tenue et portait une longue robe blanche. Sabé remarqua aussitôt le plateau et la nourriture renversés ainsi que les nombreux morceaux de verre qui jonchaient le sol.
Elle ne dit rien et regarda longuement Obi-Wan.
-Vous êtes prêt ? dit-elle gentiment.
Elle s’approcha aussi du fauteuil et vit les traces de sang sur les accoudoirs. Elle se tourna lentement vers lui et prit les mains d'Obi-Wan dans les siennes. Elle tourna lentement ses paumes vers le haut. Elle remarqua les blessures. Obi-Wan ne résistait pas, la laissant faire.
-Il faut vous soigner, Monsieur le Chevalier.
Elle essuya doucement les mains d'Obi-Wan avec sa large manche.
-Venez avec moi. Nous allons nous arrêter au centre médical et nettoyer ces blessures.
Le jeune Jedi la suivit.
Quelques minutes plus tard, ils arrivaient au Centre médical du Palais. La Reine l'avait ouvert au public. Il y avait beaucoup de monde. Avec les combats qui s’étaient déroulés dans la ville, ce n’était pas surprenant.
Un groupe de personnes s'était approché d’Obi-Wan pour le féliciter. Il ne répondit pas. Sabé l’entraîna avec elle dans un box vide et sortit une trousse médicale. Obi-Wan s’installa sur le bord du lit. Elle tira un siège et s'installa devant lui. Elle lui prit les deux mains, qu’elle posa sur ses genoux.
-Il y a du verre dans ces plaies. Cela doit vous faire mal.
Obi-Wan n’y avait pas vraiment fait attention. Ses mains ne l’avaient pas inquiété outre mesure à côté de l’intense douleur qui était en lui depuis la mort de son Maître.
La jeune fille nettoya soigneusement les blessures. Elle le faisait très doucement pour ne pas le faire souffrir. Elle examina ses mains. Elle vaporisa un spray anti-infection avant d’utiliser de la colle cicatrisante.
Quand elle appliqua la glue, Obi-Wan se réfugia dans ses souvenirs, dans le flou de son esprit, dans la Force, passant le stade de la douleur physique que ses mains blessées lui causaient. Il ne sentait plus rien, comme si son corps était mort.
Il se voyait traversant le large hall d’envol, sortant d’un vaisseau spatial sur la planète minière de Bandomeer. Il se revoyait arriver juste à temps au centre médical pour voir le robot-médecin appliquer la même colle sur les nombreuses et graves blessures infligées à Qui-Gon par la lame de Xanatos. Des blessures au bras et surtout à l’abdomen. Obi-Wan se souvenait que l'ex-Padawan lui avait même envoyé un coup de pied rageur dans le visage, lui brisant le nez.
Il se souvenait de la face livide de Qui-Gon, de son propre silence quand il s’était assis près de sa couche pendant que le droïde faisait son travail. Il savait que Qui-Gon souffrait beaucoup mais rien sur son visage ne laissait voir une telle souffrance. Pendant les soins sur Bandomeer, Obi-Wan était resté assis près de celui qui allait devenir son Maître. Qui-Gon n'avait pas parlé, ni même tressailli. A un moment, cependant, le Chevalier Jedi avait tourné lentement la tête vers lui et lui avait conseillé de se reposer.
Obi-Wan en avait été stupéfait.
D'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, Qui-Gon n’avait jamais manifesté la moindre plainte même en cas de douleur physique intense. Même, et les yeux du jeune homme se remplirent de larmes, quand la lame rouge du Sith l’avait blessé, le Chevalier Jedi n’avait pas émis un seul son. C’était lui, Obi-Wan, qui avait hurlé comme un animal blessé en voyant la lame rouge transpercer le corps de son Maître. La douleur était pourtant présente dans ses yeux quand il avait regardé son agresseur alors que ce dernier retirait, en souriant le sabre de la blessure.
Il sursauta.
Sabé avait mis un pansement autour de ses mains et les avait reposées sur ses genoux. Il ouvrit les yeux. Elle refermait la trousse médicale.
-Ces blessures seront vite guéries lui dit-elle gentiment.
Obi-Wan rencontra ses yeux, retombant dans le présent. Il esquissa un léger sourire en la remerciant. Sabé caressa doucement sa joue et Obi-Wan sursauta. C’était un geste de réconfort.
-Vous êtes un homme bon, Chevalier Kenobi.
Elle déposa un léger baiser sur sa joue et se leva. Obi-Wan se leva derrière elle.
Le soleil était ascendant quand ils arrivèrent sur la place. L’air commençait à perdre de sa fraîcheur. La jeune suivante précéda Obi-Wan sur un pont qui surplombait le Solleu. Le jeune chevalier contempla un instant le fleuve qui descendait en rouleaux majestueux jusqu’à ses chutes, formant une magnifique cascade.
-Le temple funéraire est sur le versant opposé fit Sabé en montrant l’endroit d’un bref geste de la main.
Le Temple Funéraire avait la forme d’un dôme auquel on accédait par un escalier circulaire. Des accrolierres s'enroulaient autour des balustres et retombaient de chaque côté. Leur vert soutenu tranchait sur la teinte sable des pierres.
Le bûcher était en cours de préparation. Obi-Wan regarda les hommes empiler les morceaux de bois au centre de la pièce ouverte. Les torches éteintes étaient placées autour du monticule de bois. Les larmes aux yeux, Obi-Wan s’assit par terre, près du cadre de bois où serait posé le corps de son Maître, juste avant la crémation.
Sabé était debout derrière lui, silencieuse. Elle ne bougeait pas, l’observait. Le jeune homme avait la tête baissée. Une larme unique roula sur sa joue.
Dans quelques jours, quatre tout au plus, la cérémonie funèbre allait commencer. Les membres du Conseil Jedi allaient bientôt arriver sur Naboo. Le Vice-Roi de la Fédération et ses adjoints étaient emprisonnés. La vie reprenait son cours et son Maître était mort. Il se leva lentement et caressa du doigt les branches d’aracacia qu’il avait fait préparer pour la crémation.
Il regarda la jeune fille.
-Je vous raccompagne à vos quartiers lui dit-elle simplement. Aurez-vous besoin d’autre chose ?
-Non. Je vous remercie. Je vais aller me recueillir sur la dépouille de mon Maître en attendant l’arrivée des membres de notre Conseil.
Ils repassèrent sur le pont surplombant les chutes et la suivante laissa Obi-Wan devant la porte de sa chambre.
Le jeune homme entra et passa dans la salle de bains. Il se regarda dans le miroir et s’aperçut que son visage était indemne de sang. Pendant qu’il avait déconnecté au centre médical, Sabé avait essuyé les traces avec une compresse parfumée. Il s’aperçut alors que sa tunique était déchirée puis il se souvint qu’à un moment, Darth Maul l’avait touché avec son sabre laser.
Il sentait la colère et la peine remonter en lui. Il se doucha et sortit de la pièce en traînant les pieds. Il se sentait lourd.
Il redressa le fauteuil qu’il tira près de la fenêtre et s’y installa. Il laissa son regard dériver. Il regardait sans le voir le soleil qui arrivait à son zenith. Il voulait dormir, tout oublier. Son corps entier était sensible, d’une sensibilité exacerbée. Son dos et ses épaules étaient douloureux, certainement dus à une blessure qu’il avait dû recevoir, sans s’en rendre compte, durant le combat.
La sensation de vide, en lui, était aiguë comme une immense vague douloureuse et rien, aucun geste, aucune nourriture, aucune attention humaine ne pourrait l'effacer.
Il se sentait profondément seul. Même la Force l’avait abandonné, avait permis la mort de son Maître. Il baissa la tête et se mit à pleurer.