Chapitre 1
-Je dois avouer aujourd’hui que ma rencontre avec Quinlan Vos n’a pas été aussi brève que je l’ai laissé entendre. Je sais que vous vous inquiétez pour moi car vous ressentez ma peine, c’est parce que j’ai ressenti sa mort dans la Force… Voilà pourquoi je suis si amorphe ces derniers temps… Vous comprenez, je n’arrive même pas à le pleurer… Je sais comment il est parti même si je ne l’ai pas vu : dans la dignité, il est mort pour ses idéaux, il n’y a aucun doute! Mais a-t-il pensé à moi une seule seconde? Je n’étais peut-être rien d’autre qu’une gamine perdue pour lui? Oh, je n’ai pas le droit de dire cela… Et pourtant comme j’aurai aimé revoir son visage une dernière fois, caresser ses yeux, poser un baiser sur ses lèvres. C’est tellement égoïste! Faîtes taire mon cœur, il est si gonflé, j’ai peur qu’il n’explose!!
Maître Kiara regardait Aïgal, elle connaissait les ravages de la perte d’un être cher, elle connaissait ce refus, cette plainte, cette volonté de ne pas vouloir laisser l’autre partir, de vouloir le ramener à soi, le désir de cette présence irremplaçable et cette agonie en soi, cette partie de nous-même qui mourait quand la seule âme à nous avoir vraiment compris s’envolait…
-Je ne te ferai sûrement pas taire, parle-moi au contraire de votre histoire, partage ta peine, je l’ai déjà vécue et c’est le seul moyen que tu ais de l’alléger.
Aïgal releva les yeux vers sa Maître, « vous avez raison » (comme toujours ajouta-t-elle intérieurement tandis qu’un pâle sourire se dessinait sur son visage).
Je l’ai rencontré sur Nar Shaddaa, il était en mission pour le Conte Dooku mais en fait pour le compte du Conseil même si la plupart des Jedi ne le savaient même pas. J’étais sur cette planète, je ne sais plus trop dans quelles circonstances, tout ce dont je me rappelle, c’est que je n’étais jamais allée sur un territoire contrôlé par les Hutt et que bien que débrouillarde, j’étais plus ou moins terrifiée par le mode de vie en place. Je m’étais déjà fait agressée plusieurs fois et il me tardait de quitter cette planète. J’étais dans un statioport quand j’ai entendu la voix de Quinlan dans ma tête, pour cela, je ne vous ai pas menti.
Seulement, il s’est montré à moi. J’ai été littéralement soufflée par ce qu’il dégageait. Il m’a pris par le bras fermement et m’a dit qu’il m’emmenait dans un endroit sûr. Je ne savais pas trop ce qu’il se passait, mais ce qui était sûr, c’est que lui résister était impossible au vu de la puissance qui se percevait dans la pression qu’il exerçait sur mon bras pour que j’accélère mon pas! Réfugiés dans quelques bars mal éclairés, il me regarda et me dit :
- La Force est puissante en toi.
- La quoi?? De quoi vous parlez? Et qui êtes vous d’abord? Qu’est ce qui vous permet de m’emmener ainsi sans un mot?
- Hé, je fais ça pour t’aider, tu n’as pas la moindre idée de ce qu’il se serait passé si je t’avais laissée toute seule là-bas.
-Eh bien, expliquez-moi! Dis-je en ravalant ma fierté.
-Ce n’est pas très compliqué, tu es dépositaire de la Force et il y a des forces en mouvement ici qui auraient pu t’enlever et te former à des fins horribles.
-Mais qu’est la Force? Et pensez-vous que je ne sois pas en mesure de me protéger toute seule??!!
Il se pencha alors vers moi, plongea son regard dans le mien et me dit :
-La peur appartient au Côté Obscur et je la ressens en toi en ce moment. Prends y garde.
Se rasseyant, il me dit:
-Ces gens-là sont très persuasifs… Et tu n’es pas formée, tu aurais donc eu vite fait de tomber dans leurs mains même si tu as l’air d’avoir du cran.
- Merci de me reconnaître cela, lui répondis-je de façon sacarstique, maintenant si vous pouviez être encore plus imprécis dans vos propos, ça m’aiderait énormément!
- Il n’est pas encore temps pour un cours, peut-être ne le sera-t-il jamais d’ailleurs, dit-il d’un air inquiet. Trouve-toi un endroit retiré, cache-toi, je te retrouverai d’ici deux jours, là, j’ai des choses à faire.
Il se leva, regardant partout autour de lui.
-Vous pouvez m’expliquer comment vous allez me retrouver?!
-Ne t’inquiète pas pour ça, m’assena-t-il dans un sourire, à bientôt.
Dans ma tête, tout se mélangeait… Avais-je enfin une piste? Étais-je sur le point de trouver les réponses à mes questions? Je me remémorai notre courte discussion, j’étais menacée! Je prenais alors toute la mesure de ses propos, des ennemis invisibles pourraient s’en prendre à moi pour quelque chose qui était en moi et que je soupçonnais à peine! A moins que cet homme soit atteint de folie… Mais il m’avait parlé de façon télépathique ! Toutes ces multiples affirmations s’entrechoquaient dans mon esprit. En attendant la lumière, je pensai qu’il serait utile de me mettre à l’abri, quoi qu’il arrive, Nar Shaddaa était loin d’être un havre de paix…
Je me réveillai le lendemain dans une chambre presque correcte. J’avais réussi à trouvé ça la veille sur un coup de chance. J’avais faim mais pas vraiment envie de manger. A ce moment-là et vous le savez Maître, j’ignorai tout de ce qu’était la Force, j’essayais de comprendre mais cela me restait hermétique malgré la sensation que ce mot avait une répercussion forte en moi. Au soir du deuxième jour, je commençai vraiment à douter de la crédibilité de Quinlan et de la vraisemblance de ses propos quand soudain il apparut. J’en restai bouche bée, comme si je n’avais jamais vraiment cru possible qu’il sache me dénicher et en même temps quelque chose en moi se sentait soudain rasséréné. Il avait l’air encore plus sombre que la première fois que je l’avais vu.
-Bonsoir. Tu vas bien? Il ne t’est rien arrivée?
-Non, à part que cette planète est vraiment miteuse et qu’avant que vous ne m’ayez arrêtée, j’allais en partir illico presto , tout va bien! Maintenant, je me sens un peu cloîtrée et je n’aime pas vraiment vivre dans la paranoïa, alors je crois que je mérite quelques explications tout de même! D’abord qui êtes- vous?
-Je m’appelle Quinlan Vos mais ne t’inquiète pas s’il arrive que des gens m’appellent Korto, c’est un nom d’emprunt. Je suis un Jedi et je suis en mission sur cette planète, je ne peux t’en dire plus sur les raisons de ma présence ici. Par contre, je peux t’aider à comprendre certaines choses. Je t’ai dit la dernière fois que la Force avait une forte résonance en toi, sais-tu ce que cela veut dire?
-Seulement de façon très vague, lui répliquai-je sur un ton explicite.
-C’est étrange que l’on ne t’ai pas repérée durant tes premières années… Que faisaient tes parents durant ton enfance?
-Nous avons beaucoup voyagé jusqu’à mes 8, 9 ans a peu près et après, nous sommes allés nous enterrer sur Dantooine. Qu’entendez-vous par « repérée »?
- Oh, je comprends mieux maintenant. Il existe ce que l’on appelle des Jedi, ils sont définis de manière triviale par leur taux de midi-chloriens élevé et qui font d’eux des personnes très sensibles à la Force. Celle-ci est une sorte de « fluide » qui réunit chaque être vivant. Comme je suis moi-même sensible à la Force, j’ai été formé pour développer mes capacités et ainsi je peux ressentir les tiennes. Comprends-tu?
-Je crois, bien que cela soit un peu flou… Qu’est qu’un Jedi? J’en ai entendu parler mais je n’ai jamais vraiment su ce qu’ils étaient… Les gens sont capables d’inventer tant de choses…
-Le Jedi est un être à qui l’on a enseigné les voies de la Force, il œuvre pour la paix et la justice dans la Galaxie, son rôle est celui d’un médiateur. Il est aussi un détenteur de sagesse.
Je réfléchissais un instant, la Galaxie était en ce moment à feu et à sang, et qu’avais-je entendu dire déjà? Que les Jedi étaient les Généraux de l’Armée Républicaine!?
-Mais ne sont-ils pas engagés dans la Guerre??
-Si, mais cela est un autre problème.
Il s’était levé et marchait en long et en large dans la pièce.
-Je me demande bien ce que je vais pouvoir faire de toi!
-Vous pourriez déjà commencé par me demander mon avis et puis au fait qui vous a donné le droit de me tutoyer ainsi?
-Tu es une gamine et d’ailleurs qu’est ce que tu fais sur une planète comme Nar Shaddaa, toi? Ce n’est pas un lieu très fréquentable pour les jeunes filles!
-Ton point de vue là-dessus ne m’intéresse pas une seconde. Je vais où bon me semble et même si je dois avouer que cet endroit me file la frousse, j’arrive très bien à me débrouiller pour une « gamine »! Ta condescendance, je n’en veux pas.
-Ce n’est pas de la condescendance mais de la curiosité.
-Ben voyons! De toute façon, je dois te dire quelque chose qui sûrement abondera dans le sens des dons que tu m’attribues. Il y a quelques mois de cela, j’ai été clouée au lit pendant plus d’une semaine et le début de ma « maladie » (qu’on n’a jamais pu identifier par ailleurs) coïncidait avec la Bataille de Géonosis. J’étais rentrée chez mes parents à ce moment-là et lorsque je suis arrivée aux portes de mon école, j’ai su que je ne pouvais y rester, qu’il fallait que je trouve des réponses à cette histoire. Depuis, je voyage. Et me voilà ici maintenant.
Il avait l’air songeur.
- Ainsi tu as ressenti la mort de tous ces Jedi dans la Force…
-C’est de cela dont il s’agit? Lorsque cela m’est arrivée, je me suis vue tombée dans un gouffre de peine et d’angoisse, comme si quelque chose d’irrémédiable venait de se produire et que j’avais perdu une partie de moi-même…
Je m’étais mise à trembler, encore des mois après, je ressentais toujours cette douleur en moi. C’était comme un déchirement, et comme je n’en avais jamais vraiment reparlé, à chaque fois que je l’évoquai, la cicatrice se rouvrait. Je levai les yeux vers lui, j’étais perdue et lui seul avait su me dire ce qu’il se passait en moi. Il me regarda à son tour, conscient de l’état émotionnel dans lequel j’étais. Son regard m’enveloppa toute entière, dans ses yeux, une flamme brillait :
-Je vais te dire quelque chose dont il faut que tu te souviennes, il s’agit du Code Jedi, médite-le, il représente nos lois mais il peut aussi être d’un grand secours et d’un grand réconfort :
Il n’y a d'émotions, il y a la paix.
Il n’y a pas d'ignorance, il y a la connaissance.
Il n’y a pas de passion, il y a la sérénité.
Il n’y a pas la mort, il y a la Force.
Après avoir prononcé chacune de ces maximes d’une voix pénétrée, il ajouta :
Je dois partir maintenant, tu peux aller et venir mais ne t’éloigne pas trop d’ici, tu t’es bien débrouillée pour cette chambre. Je reviendrai te voir.
Il me laissa ainsi totalement désemparée. Je tremblais de plus belle, bien sûr j’allais trouvé une compensation dans quelques vagues mots, ersatz de doctrine! J’étais en colère, parce que je n’arrivais toujours pas à saisir certaines choses, je n’arrivai pas à lever le voile sur tout ça! J’étais perdue!!
Cela faisait un an que je me baladais à travers toute la Galaxie et maintenant que j’étais en mesure de savoir, mon esprit me faisait obstacle! N’avais-je pas fui mon passé par facilité finalement? Ce que j’avais ressenti n’était pas si grave que cela, j’avais voulu partir à l’aventure, voilà tout. Et ce que je découvrais maintenant me faisait peur… Je n’en avais vraiment pas l’envergure! Bientôt fatiguée par tant de remous, par toutes ces émotions dont habituellement je me préservais tant, je m’endormis.
Je me réveillai, sentant une présence, une main me secouait doucement.
-Malia, c’est toi?dis-je à moitié endormie.
-Qui est cette Malia? Me répondit la voix de Quinlan.
Je me levai en sursaut. La nuit ne m’avait pas portée conseil et la colère d’hier m’était restée intacte.
-Oh mais vous êtes là vous! Je croyais ne pas vous revoir avant quelques mois, je pensais que vous m’auriez laissée moisir avec votre histoire de Code et de Jedi! Attendant que tout d’un coup je comprenne toute seule, ça aussi vous pouvez le sentir non?! De toute façon, toutes vos histoires ne sont pas pour moi, je vais rentrée sur Dantooine, reprendre ma vie là où je l’avais laissée et ne plus me poser de questions, la plupart des gens font comme ça d’ailleurs, je vois pas pourquoi moi je n’y arriverai pas!
-Tu ne vas me dire qu’après avoir enfin trouvé ce que tu cherchais, tu vas t’en détourner??
Il avait touché un point sensible, j’étais courageuse et avais l’habitude de prendre les évènements de front. Je ne savais que dire ou que faire et le silence s’installa… Pourquoi provoquait-il cela en moi? J’avais déjà été malmenée par une vérité qui s’offrait nouvellement à moi, j’avais déjà connu une remise en question sauvage et profonde, je savais ce que c’était de faire face aux autres en ayant l’air d’avoir de l’aplomb malgré ses propres blessures. Pourquoi je le laissais ainsi me toucher? Où était passé mon orgueil? Celui qui me contraignait à ne jamais faire part de mes sentiments, celui qui me permettait de ne jamais me mettre en colère car cela était réprouvé par la maîtrise de moi-même que je m’infligeai, où était mon masque? Je le regardai à nouveau, il se tenait debout et m’observais :
-Tout ce tulmute en toi, c’est normal.
-Oui, ça l’est mais, ce qui l’est moins, c’est que je te le laisse sentir ostensiblement.
-Tu sais, si je suis revenu ce matin, c’est parce que j’ai ressenti avec énormément de prescience ton désarroi.
Mon désarroi,… Ainsi même si je ne pouvais lui cacher certaines choses, même si j’avais essayé, il n’en aurait pas été dupe! Je le regardai furtivement, je me rendais compte que je lui en voulais à lui aussi, peut-être plus qu‘à moi-même mais pourquoi?? Il débarquait dans ma vie, m’annonçait qu’un danger planait sur moi, que j’avais un pouvoir entre les mains, partait vers d’autres horizons, en revenait à chaque fois plus sombre et plus agité… En l’espace de quatre jours, cet inconnu, cet homme que je connaissais à peine, je le voyais se décomposer au fil des jours et cela faisait si peu de temps que je le connaissais! Je dus bien m’avouer que j’étais troublée et que son état m’alarmait.
-Assis-toi et excuse-moi, tout cela est tellement nouveau pour moi que j’en perds la maîtrise de mes émotions…
-C’est mieux ainsi, tu sais, si tu ne te révoltais pas un minimum, cela voudrait dire que ça n’aurait aucune incidence sur toi! Normalement, les personnes douées de la Force sont emmenées très tôt hors de leur foyer pour le Temple Jedi.
- Je comprends, enfin du moins je crois, mais toi,… Tu n’as pas l’air d’aller bien…
-C’est difficile à expliquer et en même temps, je ne voudrai vraiment pas t’y mêler. De toute façon, cela te dépasserait.
J’étouffais en moi le ressentiment que j’avais à nouveau d’être prise pour ce que j’étais : un jeune femme perdue et démunie qui ne savait pas très bien ce qu’elle faisait là… S’il me disait cela, il avait sûrement ses raisons… J’avais accepté de me terrer plus ou moins ici et je devais peut-être essayer de lui faire confiance, en fait, je n’avais pas vraiment le choix!
-En tout cas, si je peux t’être d’une quelconque aide, même à mon niveau…
Il esquissa enfin un sourire. Son visage s’illumina pour quelques instants.
-Ca va aller, ne te soucie pas de moi, par contre, je ne crois pas que je vais te laisser ici, je vais devoir m’en aller et tant que je n’ai pas pris certaines dispositions, je ne peux te laisser partir. Je vais t’amener chez quelqu’un en qui j’ai toute confiance.
-Et pourquoi ne resterai-je pas ici?
-Parce que cet endroit reste un endroit à risque, là où je t’emmènerai, tu ne risqueras vraiment rien! Ramasse tes affaires, nous partons.
Je fourrais en hâte mes fringues et un bouquin qui ne me quittait jamais dans mon sac. Il m’emmena alors dans un de ses bordels tenus par un Chasseur de Prime Vilmarh Grahrk qui avait voulu se « ranger ». Avoir accepté de le suivre signifiait pour moi abandonner mes appréhensions quelques instants, il n’était pas en train de me livrer comme prostituée, je le savais… Mais bon, je n’étais pas tout à fait rassurée pour autant.
-Hé, Villie, je te confie cette fille, t’ as intérêt d’y faire très attention, j’te fais confiance!
« Villie » était de la race des Devaroniens et afficha un sourire sardonique à notre encontre.
-Toi pas avoir peur, fille en sécurité avec Villie, toi avoir habitude, sais Villie gentil!
-Oui, justement, n’essaie pas de l’être trop, d’accord?
Cet entretien m’amusait, on sentait une réelle complicité entre ces deux hommes que tout aurait dû séparer…Je pris à mon tour la parole:
-Je crois que je m’en sortirai, je me tournai vers Quinlan, -votre ami a l’air sympathique-, glissant un clin d’œil à Villie qui n’échappa pas à Quinlan, j’affichais un de mes plus beaux sourires, la tension commençait à se relâcher légèrement.