J’avais programmé l’ordinateur du vaisseau sur un itinéraire de saut hyperspatiaux complètement aléatoires afin de brouiller les pistes. J’avais même mis un leurre à l’intérieur au cas où. Le voyage ne devait pas nous prendre plus de dix jours.
Akurungu et Peek ne disaient rien. Ils me désapprouvaient d’avoir quitté ainsi le Legacy. Mais ils avaient tenu à m’accompagner malgré tout. Mais je m’en voulais tout de même de n’avoir pu les en dissuader. Je savais que mon entreprise était à la fois téméraire et stupide. Mais ça me regardait si je pensais que c’était ce que j’avais à faire. Ce que je n’avais pas le droit en revanche c’était de les laisser risquer leur vie à cause de moi. D’un autre coté, je me disais que leur aide serait sans doute la bienvenue, même si c’était une très mauvaise idée. Tout était tellement confus. Et puis que pouvais-je faire d’autre ?
Il fallait avant tout que je calme mes angoisses. Il n’était plus temps de se poser des questions. J’avais décidé de partir. Et même si je pouvais encore revenir sur ma décision, j’étais persuadé que je devais rallier Coruscant le plus rapidement possible.
Ce qui m’inquiétait c’était les visions que j’avais lorsque je méditais. Au lieu de retrouver un peu de calme, mes angoisses s’accroissaient au contraire. J’avais en permanence cette impression d’urgence. Il fallait faire vite. Mais la prudence me recommandait de ne pas réduire le nombre de saut, sous peine de trahir le Legacy. Je rongeais mon frein. Mon impatience avait toujours été une de mes faiblesses. Il fallait que je m’occupe l’esprit pour éviter de voir sans cesse ce que je percevais dans la Force, lorsque je pensais à Coruscant, à Mace ou à nos filles, ou même aux autres Jedi.
Peek avait décidé de mettre ce temps à profit pour s’entraîner au maniement du sabre laser. Il avait déjà de bonne base. Il fallait maintenant qu’il affine sa technique. Ce huis clos imposé par le voyage hyperspatial nous permit de nous entraîner l’un avec l’autre, sous les yeux observateur de notre ami Ho Tang. Puis, mon padawan méditait en faisant courir son stylet sur l’écran de son datapad. Il aimait dessiner. Je n’étais pour ma part pas douée du tout dans cet exercice, mais il me rappelait celui que j’aimais qui consistait à concentrer son esprit sur les grains de sables de différentes couleurs dans un cristallisoir pour faire apparaître des images. Pendant qu’il méditait, j’entretenais avec Akurungu quelques discussion philosophiques sur la Force que je savais que mon padawan écoutait à coté de nous tout en dessinant.
Ainsi se passèrent les dix jours de voyages.
Coruscant était en vue. Nous n’allions pas tarder à sortir de l’hyperespace.
Manie et Ithil avaient bricolé, il y avait déjà quelques temps de cela, un dispositif de bouclier d’invisibilité du même genre que celui du Legacy. Elles avaient voulu me faire la surprise. Et au moment d’approcher de la capitale, je les en remerciais mentalement. Je redoutais ce que nous allions découvrir. Et je sentis mon padawan commencer à angoisser à son tour.
« _Il n’est pas dit que nous fassions quoi que ce soit d’autre que de nous enfuir. Tenez-vous sur vos gardes. Peek, ne te laisse pas abuser parce que tu ressens autour de toi. Les temps sont troublés. Dis-toi que nous sommes juste en mission de reconnaissance. Rien de plus
_Ouai… facile à dire.
_Il ne peut rien arriver de grave au Temple Jedi. Rassure-toi.
_Bien sur. C’est d’ailleurs pour cela que le Conseil a fait construire notre vaisseau et nous a demandé de rester caché jusqu’à nouvel ordre.
_Peek, j’aimerais voir un peu d’optimisme ici.
_Sauf votre respect, Maître Lusiana, si vous aviez été vous même optimiste quant à la situation qui vous a fait quitter le Legacy, nous ne serions pas ici.
_Merci Akurungu. J’aime votre manière de nous remonter le moral. » Le Ho Tang me regarda intrigué. « C’est de l’ironie, mon ami. Rien d’autre.
_Décidément, vous autres humains avez une manière bien compliquée de vous faire comprendre.
_Vous ne vous imaginez même pas à quel point vous avez raison. Vous êtes prêt ? Peek, enclenche les rétrofusées à mon ordre. Je synchronise le bouclier d’invisibilité. Maintenant. »
La planète scintillante apparut alors devant le cockpit. Nous pouvions voir le trafic aérien important qui semblait bourdonner comme un essaim d’insectes autour de Coruscant. Et puis, les lumières de la ville nous dessinaient les principales avenues et les différents secteurs.
Une fois dans l’atmosphère, notre bouclier n’était plus efficace. Il nous faudrait être très prudent. Aussitôt, les sens en éveil je recherchais un indice, quelque chose qui m’aurait mis sur la voie de ce que nous avions à faire. Dans le doute je décidais de mettre le cap vers le Temple Jedi. Je laissais les commandes à Peek.
C’est alors que nous eûmes cette vision terrible. Des volutes de fumée s’élevaient au-dessus du Temple.
Il était trop tard. Nous arrivions trop tard. Le Temple brûlait. Comment cela pouvait-il être possible ? Qui avait pu faire ça ? Détruire le Temple Jedi ! Cela nous paraissait inconcevable. Comment était-il possible que les Jedi n’aient pu protéger leur Temple ? Nous étions abasourdis.
« _Maître…
_Oui. Je l’ai senti aussi. »
La signature de Mace était faible dans la Force. Mais elle était toujours présente.
« _Prend vers l’est, Peek. » Il nous fallait faire vite. Quelque chose me disait que plus aucun Jedi n’était en sureté où que ce soit dans l’univers.
Notre vaisseau volait à toute allure.
« _Iana… » la voix de mon époux résonna dans ma tête comme un lointain echo, et pourtant si proche à la fois.
« _Mace. Tiens bon. Nous arrivons.
_Va-t-en ! Fuis ! » Il y avait tant de désespoir dans sa voix que les larmes commencèrent à couler sur mes joues.
« _Non !
_Iana ! Ecoute moi ! Fuis ! Fuis !
_Non !
_Maître ?
_Dépêche-toi Peek. Continue tout droit et après cet immeuble, engage-toi dans l’avenue. Descend aussi bas que possible. »
Quelque seconde plus tard alors que le vaisseau slalomait comme un fou entre les véhicules coruscanti, je ressenti une douleur atroce.
Ma Lahossa ! Je ne la ressentais plus. Quelle horreur ! la douleur qui me poignardait l’estomac était atroce. J’eus alors une furieuse envie de vomir lorsqu’un second coup vint me terrasser. Je ne pus retenir d’avantage le flot de liquide gastrique qui me remontait le long de la gorge.
Mace ! Mace ! Il était toujours vivant.
« _Descend un peu plus bas, Peek. » Parvins-je à articuler à mi-voix.
Mon padawan s’exécuta. Je tremblais, incapable de faire quoi que ce soit d’autre que de garder mon esprit concentré sur le faible lien que je ressentais encore avec Mace.
« _Là bas ! » Cria Akurungu. « C’est maître Windu ! Je sors le chercher.
_Aku ! Non !
_Faites-moi confiance, Maître Lusiana. Peek, ouvrez et faîtes descendre la rampe d’embarquement.
_En plein vol ? » S’écria mon padawan.
« _Ne t’inquiète pas. Ralentis. Va très doucement. Ouvre ensuite la rampe. »
Quelques secondes plus tard nous vîmes le corps fuselé de notre ami s’envoler au devant de nous.
« _Conduit le vaisseau dans ce puits pour le dissimuler. Et attendons. »
Mace était suspendu dans les airs, accroché à une sculpture décorative d’une terrasse qui surplombait les bas quartiers. Comment s’était-il retrouvé dans cette situation ?
Je sortis les macrojumelle. Il avait sans doute glissé le long d’une grande antenne avant de tomber plus bas sur un dôme de transparacier. Il avait encore glissé et glissé, pour finalement arrêter sa course sous ce balcon. Il se tenait en un équilibre précaire, par une main, assis de manière plus qu’inconfortable sur un des renflements de pierre. Je remontais vers l’endroit qui avait du être le point de départ de sa chute. Et j’aperçut ce que je savais déjà. Une grande baie vitrée avait explosé en mille éclats. C’est alors que je réalisais dans quelle partie de Coruscant nous nous trouvions. Mace était tombé des appartements du Chancelier Palpatine. Je ne comprenais plus rien. La République était-elle devenue folle à ce point ?
Akurungu revenait deja.
« _Apprête toi à mettre la gomme, Peek.
_Vers où ?
_Le Temple. Il faut aller au Temple. »
J’étais totalement épuisée par ce que je ressentais. J’étais effondrée dans mon siège, incapable de bouger. Il fallait pourtant que je me reprenne.
J’entendis à peine le bruit sourd et métallique de la rampe de débarquement qui se refermait. Peek lança l’accélération du vaisseau qui s’éleva en trombe.
Quelques secondes plus tard nous survolions le Temple. Un atroce spectacle nous attendait. Une vision d’horreur et de désolation. J’avais froid. J’étais totalement effondrée par ce que nous apercevions.
« _Il n’y a plus rien à faire. » Mace se tenait debout derrière moi. Il était méconnaissable. Son visage était ravagé par la douleur. « Il faut nous en aller. Nous sommes en danger.
_Mais qu’est ce qu’il s’est passé.
_Palpatine est le Seigneur Sith que nous recherchions et il a corrompu le jeune Skywalker. C’est lui l’auteur de ce massacre. » Nous étions sans voix. « Allons-nous en. Il n’y a plus rien que nous puissions faire désormais.
_Mace, nous ne pouvons partir sans réagir. Nous devons affronter Palpatine.
_Tu ne comprends pas, Iana. Je l’ai affronté. Il est trop puissant. Nous ne pouvons rien faire dans l’immédiat. Il nous tuerait comme il a tué tout les autres. Il faut fuir. C’est notre seul espoir de reprendre un jour la lutte.
_Mace…
_Maître ! Regardez ! Là ! Le jeune padawan ! Il a bougé. Il n’est pas mort.
_C’est Liu. Il faut le sauver. Il y a certainement d’autre survivant à l’intérieur.
_Je vais y aller.
_Non Akurungu, c’est trop dangereux.
_Laisse le faire, Mace. Il est plus en état de combattre que nous. »
Peek fit s’arrimer le vaisseau à la passerelle. Trois clonetroopers gisaient près du corps de mon neveu. Il avait du se battre avant d’être touché lui-même. Il avait du être laissé pour mort à son tour.
Je sentis que Mace sondait la Force lui aussi, à la recherche d’une étincelle de vie, à la recherche de survivant. Mais un écho lugubre et froid nous répondit.
« _Allons-y. Partons maintenant. » Conclut Mace lorsque Liu fut à bord.
Peek dirigea le vaisseau vers l’espace. Sans nous retourner, les yeux rivés sur l’infini, nous quittâmes Coruscant. Nous savions désormais que nous n’y reviendrions plus jamais. Le Mal s’était abattu sur la galaxie. Et nous n’étions plus de taille à lutter. L’Ordre Jedi avait perdu. L’Ordre Jedi avait failli à sa mission.
Il nous fallait maintenant retourner au Legacy le plus rapidement possible. Mon neveu était toujours entre la vie et la mort. Et il ne fallait surtout pas qu’on puisse retrouver notre trace. Mace l’avait plongé en stase Jedi. Je n’osais imaginer la réaction de Kiara lorsque nous rentrerions. En attendant, le voyage allait être long, très long. Le vaisseau était devenu silencieux comme une tombe. Et quelque part, nous étions morts, nous aussi.