Ce que j'ai ressenti au moment du massacre des jeunes Jedi du Temple.
Aïgal venait de sortir. J’étais lasse, vidée. La voir me coûtait. Pourtant, j’appréciais nos séances de travail, nos discussions à bâtons rompus, nos introspections aussi. J’avais, en peu de temps, noué avec elle un lien solide, un lien évident que sa perception tout en finesse de la Force avant rendu des plus solides. Une sorte de lien d’évidence. Mais là, je n’avais osé la congédier alors que je n’avais qu’une envie : être seule. Elle l’avait ressenti et m’avait finalement laissée à contrecoeur. J’avais prétexté un mal de tête et un besoin de dormir. La lourdeur que je ressentais depuis plusieurs jours s’était même accentuée.
Je m’étais tellement isolée des autres et en moi que je n’avais pas réagi quand j’avais vu le cellulo où Lusiana m’annonçait son départ avec son padawan et Akurungu. Et j’étais restée étrangement apathique. Trop même. Je n’avais même pas cherché à en savoir plus. Pourtant, Lusiana et moi ne nous cachions rien. Et elle était partie depuis plusieurs jours !!! J’étais comme une ombre, un robot qui errait sans but. Je n’aspirais qu’à une chose. Oublier. Mais oublier quoi ?
Je m’écroulais sur ma couchette après avoir fermé la porte de la cabine. Fermé la porte alors que je ne le faisais jamais. J’avais fermé les yeux pour ne pas voir. Pour ne pas voir ce décor si familier qu’il faisait partie de moi, pour ne pas… penser, pour ne pas voir la projection de mes peurs. Car j’avais peur. Une peur intense. Une peur qui me faisait refuser de dormir. Et pourtant, je sombrais. Mais était-ce vraiment le sommeil ? J’étais seule dans un paysage inconnu, froid, hostile ! Non. Je voyais autour de moi les lumières des hautes tours de Coruscant. Mais elles étaient floues, comme vues à travers un filtre, à travers une barrière qui m’empêchait d’avancer. Je sentais un danger diffus qui se précisait petit à petit. Je voulus courir, fuir cette masse noire qui avançait sur moi en gros rouleaux. Elle murmurait, elle geignait, elle grondait, elle craquait en un sourd martèlement. Celui de milliers de bottes ! Celles des milliers de silhouettes blanches qui avançaient au pas cadencé. Des rangs compacts de… de soldats clones ! Ils suivaient une silhouette sombre. Elle les menait sur un chemin que je reconnaissais pour l’avoir arpenté tant de fois ! Les troupes montaient les marches qui menaient à la porte principale …du Temple Jedi. Je reculais devant cette haute silhouette et je voulus la repousser. Elle suintait la haine et la peur. La colère, la détermination marquaient son pas assuré alors qu’elle écartait d’un geste large le Maître de la Porte qui s’avançait vers elle…
Je sursautais en étouffant un cri et en ouvrant les yeux. J’étais affalée sur ma couche, la tête enfouie sous mon oreiller. La pénombre de la pièce était rassurante. J’étais sur le Legacy. Non loin de ma tête, l’holo-image de Qui-Gon semblait me dire de m’apaiser. Mais ses yeux étaient inquiétants ! Je fixais l’image. Des yeux jaunes immenses me regardaient. Des yeux jaunes cerclés de rouge qui brillaient sous la capuche sombre !
- Nooon ! Pas toi ! Tu es mort ! ! Fous le camp ! Tu es mort !
Je me redressais en sueur sur mon lit, le cœur battant à grands coups précipités. Je me frottais les yeux. Les yeux jaunes avaient disparu. A leur place, les yeux bleus de mon époux. Autour de moi la pénombre. Le silence ! J’avais… rêvé ! Cauchemardé ! Cela me semblait pourtant si réel. J’avais froid. Une sueur froide ! La peur ! Je tremblais de manière incoercible et retombais sur ma couche. J’avais plaqué mes mains sur mes yeux pour chasser cette image. En vain. Les images revenaient. En flash rapides ! Je vis une jeune fille à la longue tresse blonde de padawan qui portait un enfant dans les bras. Elle le serrait contre elle et se dirigeait vers une table à langer. Je reconnus la nurserie du Temple Jedi. La jeune fille s’affairait à sa tâche. Elle avait posé le bébé sur la table et commençait à le déshabiller. J’étais près d’elle et pourtant, j’étais si loin quand je vis une ombre immense s’avancer. Une ombre ? Non. Des ombres qui s’éparpillaient sous les arches séculaires du Temple alors que le meneur avait sorti un... un sabre laser ! Un sabre laser à lame…. Bleue ! C’était ! Non ! Ce n’était pas possible ! Je fonçais vers lui et reconnus l’ancien padawan d’Obi-Wan ! Anakin Skywalker ! C’était lui. C’était lui ce monstre qui suintait la mort ! Ce n’était pas possible ! C’était un Jedi ! Il ne pouvait … Et pourtant ! Les pans de cuir de son costume luisaient sous la lumière bleue du sabre qu’il brandissait devant lui ! Je voulus le repousser mais j'étais figée sur place. Je voulus bouger mais j'étais là, comme une statue. Figée ! C'était pire qu'un cauchemard. Avec horreur, je le vis abattre son sabre une fois puis… une autre et une autre encore alors que les soldats mettaient en joue les enfants qui avançaient sur eux pour les repousser. D’autres enfants tentaient de trouver une cachette pour leur échapper ! En criant … Je ne criais même pas ! J’étais muette ! Rien ne sortait… Je portais ma main à ma ceinture pour attraper mon sabre laser mais j’étais paralysée ! Je ne pouvais que voir, voir ce massacre horrible des jeunes Jedi qui tombaient devant les clones, les uns après les autres, en repoussant les tirs de blaster. Je ne pouvais que voir les soldats qui enjambaient les corps en achevant ceux qu’ils n’avaient pas tués du premier coup. Et je ne pouvais que voir le sabre laser bleu qui s’abattait et s’abattait encore. Un jeune padawan d’une douzaine d’année réussit à tuer le soldat clone qui le mettait en joue avant d’être abattu par une autre salve. Partout les cadavres des enfants jonchaient les couloirs et les salles du Temple. Je me retrouvais devant la nurserie. Pourrai-je arrêter l’escouade qui avait remonté l’allée ? Une fumée âcre et épaisse commençait à envahir les couloirs. Sans même les voir, je sentais que les flammes commençaient à embraser les tours du Temple Jedi.
Trop tard ! Il était trop tard. Je m’éveillais en hurlant de terreur ! La jeune fille qui s’occupait des enfants avait tourné son visage vers moi avant de tomber lentement sous les tirs de blaster en serrant le bébé contre elle pour le protéger. Son visage ! Ses grands yeux sombres ! Ses yeux qui semblaient demander " Pourquoi " ? Ses cheveux blonds tirés en arrière. Ce visage que je connaissais si bien. C’était … c’était ma petite fille ! Maï !!J’avais mal comme si une main acérée m’arrachait le cœur ! Je m'étais mise à trembler sans pouvoir m'arrêter alors que la nausée était de plus en plus forte. Un vide s'était formé dans la Force. Un vide énorme. J’avais compris tout en refusant de le faire ! Ma petite fille venait de mourir !