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Par Kiara Jinn



Quelques jours après la mort et les funérailles de Qui-Gon Jinn. Kiara a intégré l'Ordre Jedi et est padawan de Mace Windu. Ils repartent de Naboo vers Coruscant. Obi-Wan Kenobi et son padawan, Anakin Skywalker sont du voyage.
Kiara est à bord du vaisseau. Le voyage commence. Kiara se réfugie dans ses pensées.

Kiara Jinn : 34 ans
Mace Windu : 55 ans environ
Obi-Wan Kenobi : 25 ans.
Anakin Skywalker : 9 ans.

Je me souvenais de ce jour de mon arrivée au Temple JedI. Obi-Wan Kenobi m’avait accompagnée jusqu’à la porte de cet appartement où je n’étais jamais venue avant et où je passerai désormais ma vie.
Qui-Gon était mort depuis une dizaine de jours. Avec Obi-Wan, devenu Chevalier Jedi quelques jours après son décès, nous avions satisfait aux devoirs exigés par les circonstances que nous vivions. Dans le Temple funéraire de Theed, le Maître Jedi défunt avait rejoint la Force, entouré de ses amis et de ses derniers compagnons. Le jour même, j’avais, non sans mal, accepté de rejoindre l’Ordre Jedi. Peu après les funérailles de Qui-Gon, j’étais devenue padawan et avais été tressée par celui qui serait mon maître au sein de l’Ordre, Maitre Mace Windu. J’avais fait mes adieux à l’homme que j’aimais et tourné une nouvelle page de mon histoire. Je devais, comme il aimait le dire, en commencer un nouveau chapitre, celui où j’accomplira sous sa protection occulte, la dernière partie de ma route. Je le ferai en hommage à ce qu’il était et aux valeurs qu’il avait défendues tout au long de sa vie.

J’allais, à mon tour, suivre les voies tracées par la Force. J’allais y accompagner nos enfants, les voir suivre les traces esquissées pour eux par leur père. De mon côté, j’allai donner à cet ordre, à mes enfants, tout ce que Qui-Gon m’avait donné. Il le fallait. Je le devais à cet homme que j’avais tant aimé. J’allais me fondre dans son souvenir, son image, son aura, le vénérer à travers mes actes dont chacun lui serait dédié. Tout ce que je ferai ne serait que remerciements pour tout ce qu’il m’avait donné. Ce serment, je l’avais fait dans mon cœur pendant que je murmurais à la suite de Maître Windu, les quatre phrases sacrées du code Jedi. « Il n’a pas d’émotion, il y a la paix ; il n’y a pas d’ignorance, il y a la connaissance ; il n’y a pas de passion, il y a la sérénité ; il n’y a pas de mort, il y a la Force ».

Il n’y a pas de mort. Qui-Gon était mort et mes larmes coulaient lentement sur mes joues pendant que, sur le tarmac de l’astroport secondaire de Theed, je montais sur la rampe d’embarquement du croiseur naboo qui allait m’emporter vers Coruscant. La reine Amidala avait mis ce vaisseau à la disposition des Jedi. Elle en avait même fait don à l’Ordre. Mon pas était mal assuré. Je ne me retournais pas. Je savais qu’une partie de mon histoire était terminée. Je savais, au fond de moi, que je quittais définitivement ma planète natale. Je ne voulais pas regarder en arrière. C’était inutile. Un petit sac de corde à la main, je fixais le dos du jeune garçon habillé en Jedi qui montait devant moi. Mace Windu grimpa la rampe derrière lui. Il se retourna brièvement vers moi et me fit un léger sourire d’encouragement.

Tout était fini. Je devais maintenant partir vers mon destin, vers cette vie nouvelle qui serait désormais la mienne. Je montais à bord. Obi-Wan entra derrière moi dans l’habitacle et actionna le système de fermeture de la rampe pendant que le jeune pilote aux cheveux blonds et ras nous accueillait. Il nous désigna nos places dans cette partie du vaisseau aménagée pour une dizaine de passagers et nous demanda de nous installer dans nos sièges. Je m’asseyais lourdement dans un fauteuil recouvert de velours bleu et m’adossais. Près de moi, je cherchais en vain la présence rassurante de Qui-Gon. Ma main tâtonnait l’accoudoir à la recherche de ses doigts. Je touchais par mégarde ceux d’Obi-Wan, assis près de moi, qui sursauta et me regarda d’un air étonné. Non loin de lui, Anakin, épuisé, dodelinait de la tête et luttait contre le sommeil.
Le jeune homme me fit un triste sourire.
-Je ne pourrai jamais, Obi-Wan. Il me manque. C’est trop difficile.
Ma voix était un murmure. Mes larmes étaient prêtes à couler. Je clignais plusieurs fois des yeux pour les retenir. Obi-Wan se pencha légèrement vers moi.
-Kiara. Nous sommes tous avec toi. Maitre Windu, ton Maitre. Et moi aussi. J'ai promis à Qui-Gon, sa voix trembla quand il prononça le nom, je lui ai promis de veiller sur toi et je le ferai. Je suis ton ami, ne l’oublie pas.
Il serra brièvement mes doigts en parlant, dans un geste de réconfort.
-Je le sais Obi-Wan mais j’ai tellement peur dis-je dans un souffle.
-Et moi ? Que va t-il se passer pour moi ? fit le jeune garçon d’une petite voix.
-Tu resteras avec moi. Je t’enseignerai tout ce que mon Maître m’a appris fit Obi-Wan en se tournant vers lui. Quelque part, ce seront ses propres paroles que je te transmettrai. Il sera aussi ton maître à travers moi.
Les paroles murmurées par Obi-Wan m'avaient émue au plus profond de moi. Un magnifique hommage à celui qui n'était plus. Une continuité de son œuvre. Je m’étais placée à quelques sièges de la baie d’observation et je tournais vers elle afin que le jeune Jedi ne vît pas mes larmes. Je luttais contre cette brûlure dans mes yeux. La simple évocation du nom de Qui-Gon me faisait pleurer. A travers elles, je voyais l’anneau d’or à mon doigt, cet anneau qu’il avait porté durant toute sa vie au service de l’ordre.

Avant le départ, Obi-Wan s’était assuré que son padawan était bien installé et s’était ensuite penché vers moi. Il voyait bien que j’étais mal, que j’avais peur. Il avait tenté de me rassurer pendant que les deux pilotes, dans le cockpit, énuméraient la check-list et se préparaient à décoller après avoir effectué les vérifications d’usage, décliné leurs codes d’identification et ceux de nos autorisations de transport. Après s’être entretenu avec les pilotes, Mace Windu était revenu dans notre habitacle et s’était installé à côté de moi, près de la baie latérale. Obi-Wan s’était assis à côté de son padawan.

Pendant le début du voyage, mon maitreétait resté silencieux. Après un petit moment, il avait commencé à me décrire ce qui m’attendait au Temple Jedi. Je l’avais écouté. Tout ce qu’il m’énonçait me faisait peur. Je ne répondais pas ou par bribes. Mace Windu me regarda longuement et me conseilla de dormir un peu. Il s’était alors enfoncé dans son siège et avait fermé les yeux.
Je ne pouvais trouver le sommeil. Je me levais difficilement et me dirigeais vers le fond de la cabine pour me réfugier dans le carré de repos de l’équipage, situé à l’arrière du vaisseau. J’avais besoin d’être un peu en retrait des deux Maîtres Jedi qui m’accompagnaient. Toute présence m’opressait. L’enfant me rejoignit presque aussitôt.
-Je comprends votre peine, Madame. Je sais combien vous aimiez Maître Qui-Gon. Maître Obi-Wan m’a dit qui vous étiez pour lui. Vous savez, notre Maître est près de nous. Jamais nous ne l’oublierons fit le jeune garçon d’une voix pleine de tristesse.
Il me regardait gentiment. Il avait de grands yeux bleus bordés de rouge. Il avait du pleurer, je le voyais.
J’observais longuement sans répondre le visage doux et triste de cet enfant, ce petit esclave oublié de tous que Qui-Gon avait tiré de son monde désertique de sable et de soleil. Obi-Wan m'avait brièvement parlé de lui et de ce qu’il savait de son histoire. Il m’avait raconté leur escale sur Tatooine et le désir de Qui-Gon de prendre cet enfant comme padawan. Il m’avait aussi parlé de leur passage devant le conseil avant leur retour sur Naboo. Qui-Gon avait ressenti que la Force était puissante en Anakin. Cet enfant avait une maturité étonnante pour un garçonnet de 9 ans. J’avais envie de lui caresser les cheveux mais retins mon geste. Ce gamin était le chien perdu de Qui-Gon, tout comme moi. Je me remémorais amèrement une phrase cinglante d’Obi-Wan à mon encontre, un jour où il reprochait à son Maître de s’être inquiété de mon sort. La voix d’Anakin me tira de mes pensées.
-Il sera toujours dans mon cœur avec ma mère continua t-il d’une voix tremblante. Pour lui, je deviendrai un Jedi. Il sera fier de moi.
Je ne répondis pas. Je savais que si je le faisais, j’allais me mettre à pleurer, une nouvelle fois. Obi-Wan s’était levé et nous avait intimés doucement l’ordre de rejoindre nos places pendant que le vaisseau effectuait les manœuvres préparatoires à un saut en hyperespace avant de descendre, après plusieurs jours de voyage, sur une de ces nombreuses plates-formes suspendues dans le vide qui faisait office de tarmac sur Coruscant.

Je m’étais complètement isolée pendant une bonne partie du voyage vers Coruscant que nous atteindrions dans sept jours. Je ne me sentais pas la force de parler avec mes compagnons, de supporter leur visage triste, leur compassion, leur peine aussi. Cette fois encore, je m’étais retirée dans cet espace isolé du vaisseau. Malgré moi, les images de Naboo me submergeaient. J’avais fermé les yeux. Je voulais fuir. Je ne voulais rien voir, rien entendre. J’étais morte une nouvelle fois sur cette planète où avait été tué celui que j’aimais. J’étais arrivée trop tard pour empêcher l’irréparable. Malgré mes rêves prémonitoires, mes angoisses, je n’avais pas réussi à le préserver de la mort que je ressentais pour lui. Je ne voulais pas d’autres larmes que les miennes, surtout pas celles de ceux qu’il aimait et qui étaient venus lui rendre un dernier hommage. Cette douleur était la mienne. Personne ne pourrait la comprendre, la partager avec moi. Je ne le voulais surtout pas. Elle était faite de tous ces moments intenses, de tous ces souvenirs de ce que j'avais vécus avec lui. Avec sa mort, j’avais tout perdu, jusqu’au désir de vivre. Et pourtant, il fallait que je continue, pour lui, pour nos enfants à venir, pour moi. Pas de larmes sinon je n’aurais pas la force d’accomplir la dernière ligne de ma route.

Pourtant, j’étais née sur Naboo. J’y avais vécu la période heureuse de mon enfance. J’y avais aimé aussi, vécu une liaison malheureuse puis une plus heureuse. J’y avais des souvenirs, bons et moins bons. J’étais retournée voir ma famille peu avant la bataille et étais restée malgré moi, retenue par le blocus. Nous avions été arrêtés et internés dans des camps. Beaucoup de Naboo étaient morts, tués par les droïdes. Puis la planète avait été libérée du joug de la Fédération du Commerce par le courage de sa jeune souveraine, aidée des Gungans et de deux Chevaliers Jedi.

Quelques jours après mon arrivée sur Naboo, Qui-Gon avait réussi à me joindre chez mes parents, juste avant la rupture des communications. Il était inquiet pour moi et m’avait demandé de m’enfuir de Naboo avec ma famille. Pourtant, avant mon départ, rien ne laissait présager une telle évolution. Il s'était même assuré que je serai en sécurité.
Mais c’était trop tard. Tout était déjà en marche. Le blocus avait été complètement fermé. Nous n’avions pu fuir à temps et avions étés internés. La Reine Amidala avait forcé le blocus et était revenue à Theed, décidée à libérer sa planète du joug des Némoïdiens. J’avais appris par un prisonnier que le Chef des gardes de la Reine, le Capitaine Panaka, avait recruté des volontaires. J’en avais déduit que la souveraine était revenue et qu'elle comptait certainement reprendre son palais. Il avait aussi parlé de deux hommes vêtus de bure qui étaient avec elle et sa garde. C’était Qui-Gon et Obi-Wan ! J'en étais certaine.
Je m’étais alors enfuie au péril de ma vie pour les rejoindre. J'avais connu l’effroyable que je ne pensais jamais connaître. Apprendre à mon arrivée au Palais la mort de celui qui était tout pour moi. Cette planète si belle, lieu d’insouciance et de bonheur devenait pour moi une visualisation de l’enfer.
Je n’y reviendrai plus. Je ne voulais pas me retourner comme si je gommais le passé, cette période récente de ma vie que je ne pouvais encore affronter. Le ferai-je un jour ? J’en doutais fortement. J’avais déjà vécu des épreuves. J’avais cru toucher le fond et je m’en étais sortie grâce à cet amour sans limites que j’avais reçu. Je ne savais pas alors que la plus dure était à venir. Et elle se produisit sur le monde où j’avais vécu la plus grande partie de mes plus beaux souvenirs.

Le silence était pesant dans notre habitacle. Les deux Jedi avaient tenté d’engager la conversation avec moi mais je ne leur avais pas répondu. Ce n’était pas un manque de respect de ma part mais j’étais dans un état second. J’avais peur de ce qui m’attendait une fois arrivée à Coruscant. Sur les conseils de Mace Windu qui avait bien compris ce qui se passait en moi, j’essayais de me détendre, de dormir. En vain. Je ne parvenais pas à fixer mon attention sur qui que ce soit. L’ombre du maître Jedi défunt était tellement présente. Il me semblait entendre sa voix me rassurer comme il le faisait si souvent. J’avais l’impression de le sentir près de moi, affectueux, aimant et discret comme il l’était depuis qu’il était entré dans ma vie. Il me manquait tellement. J’allais devoir poursuivre mon chemin seule. Il serait près de moi, en moi mais sa voix, ses gestes, sa douceur, son amour, la tendresse de son regard me feraient défaut. Tout au long de sa vie, il avait mis en œuvre ce que la Force qu’il servait lui demandait d’accomplir. Sa vie en tant que telle ne comptait pas. Il en avait fait don à l’ordre. En tant que Jedi, il était le défenseur de la liberté, de la justice et de la paix. Lors de sa dernière mission, il avait combattu pour ces valeurs, comme il l’avait fait tout au long de son existence. Mais cette fois, la mort avait croisé sa route, cette mort en rouge et noir, celle dont j’avais tant rêvé dans mes cauchemars, dans ma vie, cet obscur Seigneur Sith qui avait arrêté sa course.

Maitre Mace Windu m’avait expliqué avec beaucoup de délicatesse que c’était le risque inhérent à tout défenseur de la paix et que le prix à payer à la Force était souvent celui-ci. Mais je le refusais. Je ne voulais admettre que celui que j’avais tant aimé ne serait plus. Je ne pouvais me résoudre à ne plus le voir. Je repoussais la simple idée du voyage sans retour. Dans les paroles justes et sages de celui qui était devenu mon maître, je percevais l’extrême abnégation et le don de soi qui était le principe de la vie de tout Jedi. La mort était souvent son quotidien mais elle ne l’effrayait pas. Elle était inscrite dans la mouvance de la Force. Le Jedi la rejoignait, se fondait en elle. Il avait atteint son état d’accomplissement. La mort en tant que telle, dans cette notion de fin, n’existait pas.

Mace Windu avait eu un triste sourire à l’évocation du nom de Qui-Gon. Son ami avait, toute sa vie durant, vécu suivant ce principe. Pourtant il était rebelle, il était défiant. Il avait affronté le Conseil Jedi un certain nombre de fois quand sa vision de son devoir était différente de celle de ses pairs. Il disait être serviteur de la Force et non du Conseil Jedi. Même s’il les respectait. Il n’avait jamais fait partie des leurs. Mais il était un des plus grands Jedi ayant existé. A mes yeux, il était le plus grand. Il avait une telle force, une telle présence, une telle sagesse, un tel charisme qu’il était pour moi la personnification de cette Force qui donnait au Jedi sa puissance.
Mais surtout, il était l’homme qui m’avait appris à sourire, à vivre, à aimer. Il était celui qui m’avait offert un avenir, qui m’avait permis de surmonter les douleurs et les blessures de mon passé. Auprès de lui, j’avais oublié mes frayeurs, ma honte, ma culpabilité. J'avais réussi ou plutôt admis la perte de mon fils, récupéré par les Sith. J’avais repris la confiance en moi qu’un autre m’avait volée. Avec lui, j’étais, j’existais.
Grâce à lui, j’avais mis sur le visage hideux du Sith qui me hantait, une chape d’oubli jusqu’à ce jour où il s’était trouvé face à lui dans le couloir sombre du générateur de Theed. Mon passé s’était manifesté à lui de la manière la plus ignoble qui soit. Et malgré mes avertissements, cette angoisse que je ressentais depuis quelque temps, malgré l’amour qu'il portait à la Force et qui était son essence, malgré mes prières et mon amour pour lui, il était tombé devant le Sith. Et j’avais, en une fraction de seconde, fais une chute dans le puits sans fonds de mes erreurs, de mon impuissance.
Et pourtant, cet homme que j’aimais plus que tout avait pris mon fardeau à son compte. Il m’avait apporté la lumière et m’avait redonné la joie et le goût de vivre mais il y avait laissé la sienne. J’aurais voulu disparaître avec lui quand Obi-Wan, en larmes, m’avait confirmé la terrible nouvelle. Pourtant j’avais vu Qui-Gon étendu sur le sol. Obi-Wan avait tenté de m’empêcher de me précipiter vers lui. Je ne voulais pas croire à sa mort. Il ne bougeait plus quand je m’étais penchée sur lui. Il venait de partir. Je pensais ne pas survivre à l’atroce douleur que j’avais ressentie avant même que le jeune homme n’ouvre la bouche. Je le savais déjà. Je l’avais perçu au plus profond de mon être, une déchirure immense. Je l’avais ressentie quand j’avais pressenti sa mort dans mon cauchemar. Je l’avais ressentie de façon intense, comme si j’y assistais.

J’étais enceinte de Qui-Gon. Je devais vivre. Nos enfants devaient naître. Ils ne devaient pas être des victimes de plus de la folie des Sith. Même mort, le Sith qui fut mon bourreau ne devait plus avoir cette emprise qu’il avait eue sur moi du temps de son vivant. Mes enfants à venir devraient uniquement perpétuer l’image de leur père, son nom, son œuvre comme je lui en avais fait le serment quelques heures après sa mort devant celui qui allait devenir mon Maître.
Je devais ainsi écrire sa victoire, m’avancer à mon tour dans les voies de la Force. La Force était la vie et non la mort. Il n’y a pas de mort, il y a la Force. Qui-Gon avait, par cette disparition, rejoint la Force. A travers elle, il veillait sur moi. Je devais tenir, vivre pour lui. J’allais ainsi lui donner tout cet amour que je n’avais pu lui donner de son vivant.

Il était l’amour à mes yeux dans sa manifestation la plus belle. Il était celui qui m’avait redonné l’espoir, celui qui m’avait révélée à moi-même. Par sa présence, son amour, il m’avait permis de me découvrir, de trouver en moi, toutes ces richesses dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Il était un peintre qui, jour après jour, traçait sur une toile blanche et vierge les traits du visage de celle qu’il aime et qui, peu à peu, par petites touches de couleurs, accomplit une œuvre dont il est le seul maître. Il était l’homme qui avait fait battre mon cœur blessé par tant de haine.
Il m’avait donné son cœur, son amour, sa vie sans rien demander en échange, seulement un sourire ou une étincelle de joie dans mes yeux. avait redonné à ce sentiment qui me faisait si peur, toute son ampleur, toute sa force, toute sa beauté. Grâce à lui, j’avais retrouvé un certain équilibre. Il m’avait aimée d’abord doucement, timidement pour me redonner confiance, en lui, en moi surtout. Il m’avait guidée pas à pas sur la lente redécouverte et l’acceptation des émois de mon cœur. Puis il m’avait aimée comme je ne l’avais jamais été auparavant. Mais jamais il n’avait sacrifié son devoir à cet amour qu’il ressentait pour moi. Jamais il n’avait failli à sa mission de Jedi.

Son visage s’imposa à mon esprit. Je me laissais aller dans le bleu profond de ses yeux. Je me revoyais avec lui, quelques temps avant ce drame, marchant main dans la main près d’un lac, non loin de la maison de sa sœur. Nous avions longuement parlé de notre avenir alors qu’habituellement il était peu loquace. Il m’avait dit qu’il souhaitait laisser quelque chose de lui. Il avait arpenté la galaxie dans tous les sens, participé à d’innombrables missions. Il allait, tel un oiseau libre, sans attaches, comme le préconisait le code qui régissait sa vie. Tel un souffle de vent, il avait caressé de nombreuses joues d’enfants, serré de nombreuses mains mais il ne s’arrêtait pas. Il donnait, donnait encore et toujours. Il recevait un peu le bonheur de voir son action récompensée par des sourires, une étincelle de joie dans un regard. Mais il repartait pour un nouveau voyage après un dernier long regard d’encouragement, de bonté, d’humilité. Il me disait avoir ressenti de plus en plus souvent des pointes de tristesse dans certains lieux où il eut voulu s’arrêter, vivre un peu, aimer peut-être.

Avant sa dernière mission, avant de repartir pour son dernier voyage, il était revenu vers moi. Il m’avait redit vouloir vivre avec moi, tous ces moments que le code lui volait, tout en accomplissant sa tâche. Nous avions tous les deux fait ce vœu de nous unir. La veille de mon départ pour Naboo, nous avions échangé, suivant la coutume de ma planète, les bracelets d'union. Peu après, durant sa mission, il avait découvert Anakin. Il l'avait perçu comme étant l'Elu de la Force, celui qui lui amènerait l'équilibre. Il avait alors décidé qu’il formerait également cet enfant qu’il avait découvert. Il le mènerait aux épreuves comme il comptait le faire pour Obi-Wan. Il avait été profondément touché de séparer le petit garçon de sa mère. Il l’avait confié à son élève et Obi-Wan me l’avait dit. Qui-Gon voulait obtenir sa libération mais sa démarche n’avait pas abouti. A ses yeux Shmi Skywalker avait été remarquable de dignité et d’abnégation. Elle avait placé au-dessus de tout le bonheur et l’avenir de son enfant. Elle s’était sacrifiée afin que son fils ait un avenir, celui dont il rêvait, celui auquel, suivant l’intuition de Qui-Gon, il était destiné. Qui-Gon avait affronté le Conseil et avait été débouté. Mais il n'avait pas perdu espoir de donner concrétisation au rêve de cet enfant qui plaçait les Jedi plus hauts que tout. Au moment de sa mort, il avait fait promettre à Obi-Wan de former Anakin. C’était un homme profondément bon, altruiste qui faisait don de lui pour aider et pour aimer.

A mes yeux de femme aimante et aimée, il avait fait de même tout au long de sa vie. Il avait mis en avant son devoir de Jedi, les notions de compassion, de respect, de justice et de négation de soi. Il avait fait don de lui à cet Ordre dont il était à mes yeux le serviteur le plus noble et l’un des plus sages, le plus humble aussi. Il avait ri quand je le lui avais dit, en me répondant qu’il ne faisait que son devoir. Mais j’avais bien ressenti cette pointe d’amertume en lui. Il avait toujours donné. Il avait reçu aussi, surtout le bonheur de son devoir accompli. Il m’avait dit qu’un Jedi ne recherchait pas la reconnaissance de ses actes. Seulement un peu de gratitude ou juste un sourire.
Mais il m’avait dit que, pour la dernière ligne de sa vie, il voulait laisser une empreinte, même si celle de ses pas s’effaçait avec le temps. Il voulait laisser son enseignement, une trace dans l’esprit et le cœur de ceux qu’il avait côtoyés et aimés. A mes yeux, cette marque si personnelle était déjà profondément inscrite. C’était son profond charisme, sa grande noblesse, son humilité, son immense sagesse.

Il m’avait donné les plus beaux moments de sa vie, avait transformé la mienne. Nous allions ensemble en écrire une page encore plus belle. Il avait fait d’Obi-Wan un remarquable Jedi, un être différent de lui, certes mais un homme. S'il avait continué sa route, il aurait également mené Anakin sur la longue et difficile route de l’apprentissage de la Force. Il m’avait également dit que je lui avais apporté une magnifique preuve d’amour, une des plus belles qu’il eut reçues. Il connaissait les sacrifices que la vie de Jedi imposait autant pour lui que pour l’être aimé. Il savait qu’il se devait à sa mission alors que je voulais, sans le lui dire, le garder près de moi. Il m’avait dit en prenant mon visage entre ses mains que l’amour qu’il voyait dans mes yeux en revenant près de moi suffisait à l’apaiser et qu’il emportait avec lui mes sourires et mes mots comme compagnons de voyage. Mais je savais qu’il en souffrait tout comme moi.

Alors puisqu’il nous était impossible de vivre autrement tant qu’il n’aurait pas mené à bien sa mission, nous allions vivre de façon différente. Nous allions ressentir de manière plus intense, ces moments que nous volions à ce code qui décidait de nos vies, surtout de la sienne. Et nous l’avions fait jusqu’à cet instant où tout basculât. Nous avions fait des rares moments où nous étions ensemble des moments de bonheur intense. Ce bonheur était concrétisé par les enfants que je portais en moi et dont je sentais les mouvements doux en cet instant précis.

Il s’inquiétait de ne pas me donner assez. Je l’avais assuré du contraire. Mais il voulait vivre au maximum, voir ses enfants grandir, remplir vraiment ce rôle de père comme il le ressentait, être un mari, un amant, un père, un ami. Il m’avait alors confié qu’après sa mission, il allait demander au Conseil Jedi l’autorisation de m'installer dans son apparetement au Temple. Il me voulait près de lui. Il ne voulait plus me cacher. Il ne voulait plus revivre la période dramatique de son premier amour, sacrifié aux lois rigides du code Jedi.
Si les sages refusaient, il passerait outre. Peut-être serait-il allé jusqu'à quitter l'Ordre Jedi. Il en était parfaitement capable. Il réclamait le droit de vivre même si sa vie n’était faite que de bonheurs plus ou moins volés. Il réclamait le droit d’aimer. Je craignais qu’il ne se mette le conseil Jedi à dos, comme il l’avait fait de nombreuses fois. Il m’avait répondu qu’il en prenait le risque et que notre bonheur valait toutes les colères de ses pairs réunis. Il réclamait le droit d’aimer sans honte, sans interdits, sans crainte. Il réclamait tout simplement le droit d’être un homme tout en étant un Jedi. Il voulait rester fidèle à lui-même.