Le duel s’engagea. Nous faisions tournoyer nos lames comme nous le pouvions, suivant nos instincts. Obi-Wan tachait de mettre en pratique les passes académiques qu’il avait apprises. Moi, il fallait que je les retrouve.
Et Maul était redoutable. Il nous faisait face, repoussant nos attaques, contre attaquant d’une lame tout en repoussant l’une des notres de sa seconde. Heureusement que nous étions trois, car nous avions l’air de mynock de six semaines à coté de lui. Et il parait que j’étais prête pour le Vaapad. Ben voyons !
« _Tu as juste oublié une chose, Maman ! » Me lança Obi-Wan en reculant face à un assaut du sith.
« _Oui ? Quoi ? » Réussis-je à articuler en bloquant la lame rouge et en affrontant le regard injecté de sang du Zabrak.
« _Tu l’as mis en colère. Or les Sith tirent leur puissance de la haine et de la peur, mais aussi de la colère ! » Répondit Obi-Wan en revenant à la charge. Maul recula.
« _Ah oui, pas idiot ! Tu as une solution ?
_J’en avais une, mais tu ne m’as pas écouté.
_Et c’était quoi déjà ?
_La boucler ! »
Maul avait réussi à échapper à nos assauts répétés. Il arrivait devant la porte de duracier qui donnait sur un des docks. Un regard éclair entre ma sœur et moi, et nous savions ce qu’il allait faire.
Il lança la Force pour projeter un débris sur la commande, afin d’enclencher l’ouverture de la porte. Maul ne reculait pas en fait. Il nous emmenait là où il avait envie. Il était en train de nous manipuler. Kiara lança alors la Force à son tour. Et au moment où la double porte de duracier commençait à coulisser, elle inversa la commande. Maul, concentré sur ma lame et celle de Obi-Wan, ne s’en aperçut pas. Et au lieu de passer la porte, il se la prit dans la tête.
« _Yes ! » nous écriâmes ma sœur et moi en nous tapant dans la main au dessus de nos têtes.
« _Fallais voir les Spoofs, mon pote ! » Lui lança Kiara. « Je te donne le lien ? »
Mais le sith se reprit très vite, et Obi-Wan qui avait armé son bras ne put terminer son attaque. Pour échapper à la faucheuse incandescente qui tournoya au ras du sol, il dû sauter par-dessus les cornes du Tatoué. Salto et double vrille. Un truc qui lui aurait valu la note maximale aux JO.
Je bondis à sa rescousse. Kiara plongea sous la lame rouge qui tournoyait à hauteur de buste. Sa lame verte remonta pour arrêter celle de celui qui l’avait tant fait souffrir dans ses écrits.
L’espace d’une fraction de seconde, leurs lames croisées à hauteur de visage les forcèrent à se regarder dans les yeux.
« _Ne le hais pas, Kiara ! » Lui criais-je en bondissant vers eux. « Ne le hais pas ! Il n’a encore rien fait ! Ni à toi, ni à Qui-Gon. Ne le hais pas ! » La suppliais-je. Mais que fichaient Qui-Gon et Mace ?
Alors Kiara fit l’impensable. Elle bondit tel un cabri, si bien qu’elle s’éleva assez haut pour passer au-dessus des lames. Et vive comme l’éclair, elle embrassa son tortionnaire sur le front, avant de s’éloigner d’un coup de rein. C’était sa manière à elle de surmonter sa haine. C’était sa manière à elle de le dédaigner sans le haïr, sans tomber dans le piege du Coté Obscur qui était à un cheveu de s’emparer d’elle. Comme elle avait pu le détester dans ses écrits, comme elle avait pu souffrir à raconter les humiliations et les tortures ! Comme elle avait pu le haïr. Mais il ne s’était encore rien passé. Elle n’avait pas été kidnappée. Maul était en face d’elle, et ce qu’elle avait pu vivre sous sa botte n’était que le souvenir de ce qui aurait pu se produire. Alors la haine qui commençait à germer se mua en pitié. Et de la pitié, elle parvint à ouvrir son cœur à la compassion. Ma sœur était vraiment une grande Jedi. Car seul les plus sages d’entre nous pouvaient ainsi résister au Coté Obscur.
Ce baiser était celui d’une femme qui avait vaincu ses démons. Ce baiser était celui de celle qui avait vaincu, tout court.
Mais si Maul fut surpris le temps que ma sœur se mette hors de portée de son sabre, il avait réamorcé une nouvelle attaque contre Obi-Wan et moi.
Nous étions trois. Et nous n’arrivions pas à l’affaiblir. Pourtant, je reprenais mes sensations de bretteuse. Et je commençais à lui donner du fil à retordre. Malheureusement, c’était sans compter l’adresse d’un prédateur élevé, éduqué, dressé comme un pit-bull, dressé pour tuer, dressé dans la noirceur du Coté Obscur. La colère était son pain quotidien, la souffrance son miel, la haine et la peur qu’il inspirait son caviar. Mais, par la Force, que fichaient Qui-Gon et Mace ?
Parant mon sabre en hauteur en même temps qu’il bloquait celui de Kiara près de son mollet gauche, sa jambe droite se détendit comme un cobra dans les airs en grand écart. Et le talon de sa botte s’écrasa sur le maxillaire de mon fils. Comme dans les ralentis des combats de boxe, la tête d’Obi-Wan sembla se désolidariser de ses épaules et faire un tour complet sur elle-même. Deux dents furent expulsées de leur maxillaire. La semelle des bottes de Maul était devenu le poing de Tyson. Obi-Wan alla s’affaler sur les dalles de permabéton avant de s’écraser contre le mur, inanimé.
Le Zabrak s’était débarrassé d’un adversaire. Il n’allait faire qu’une bouchée des sœurs Dooku. Mais nous allions vendre chèrement notre peau. Nous étions deux. Il était apprenti sith. J’étais une Jedi confirmée. J’étais une Dooku. Kiara aussi. J’étais une Windu. Kiara allait devenir une Jinn. J’avais été formée par Qui-Gon Jinn et par Luminara Undulli. J’étais la mère d’Obi-Wan Kenobi. Maul ne pouvait pas gagner. Maul ne devait pas gagner !
Je changeais le rythme de mes coups, prenant l’initiative des attaques. Kiara parait les réponses du Zabrak, ce qui me permettait d’en préparer de nouvelles. Tels les fléaux de bois battant les blés en rythme, nous nous étions entendues d’instinct dans nos passes d’armes.
Ne pas le haïr. Mais l’empêcher d’avancer. Ne pas le haïr. Il n’était pas responsable de ce qu’il était. On ne lui avait jamais donné les éléments qui auraient pu lui permettre de faire d’autres choix, de meilleurs choix. Il n’avait même pas eu le moindre choix. Il avait été embrigadé depuis son plus jeune âge. Maul n’était pas le mal. Il en était l’instrument, mais il n’était pas la main ni le cerveau qui guidait cet instrument. Si le jardin n’est pas bien entretenu, ne t’en prends pas au râteau.
Aie de la compassion même pour le plus vil d’entre les vils. Maul n’était pas le mal. Et pourtant, s’il avait été choisi par un maître sith, ça ne devait pas être par hasard. Mais peut-on ainsi présumer du destin d’un enfant ?
En tout cas, il était féroce, le bougre. Nous mettions tous notre cœur dans nos sabres. Nous étions complètement ouvertes à la Force, à l’esprit l’une de l’autre. Ma mission n’était pas de tuer Maul. Ma mission était de l’empêcher de s’en prendre à une scientifique dont les connaissances, mises de force au service de la Sith, pouvait déclencher une catastrophe intergalactique. Ce n’était donc pas Maul entant qu’individu que nous combattions. Je protégeais et défendais Kiara. Et Kiara se défendait elle-même. Tout ressentiment l’avait quitté. Et nos esprits, ouverts à la Force purent se rejoindre pour combattre à l’unisson. J’étais Kiara, et elle était moi. Nous étions sœurs, en totale osmose, deux corps pour un seul esprit qui combattait.
A cet instant nous étions plus unies que nous ne l’avions jamais été. Et nous étions bien. Nous étions calmes, en paix. Nous étions telles que nous nous étions imaginées, à défaut d’être jumelles utérines, nous étions twin sisters. C’était ce que nous avions trouvé pour exprimer un sentiment indescriptible. Et maintenant que nous le ressentions complètement dans la Force durant ce combat où nous étions une, un esprit doublé, deux sabres, quatre mains, quatre jambes. Mais nous étions une. Du deux en un, parce que nous le valions bien. Une peut-être, mais avec nos personnalités, complémentaires.
Mais ce n’était pas suffisant face à un combattant de la classe de Maul. rien n’y faisait. Maul ne reculait pas. Il avait du sentir le changement en nous. Et cela avait commencé à l’exaspérer. Le problème avec les Sith, c’est qu’ils se nourrissent de leur propre colère pour devenir plus puissant. Et Maul devenait de plus en plus féroce. Il ne fallait pas oublier que Kiara n’avait pour formation Jedi que celle qu’elle s’était donnée sur Terre, en quasi autodidacte. C’était donc une première pour elle. Et quelle première ! Même pas formée suivant les canons de l’enseignement du Temple de Coruscant, et elle combattait déjà un Sith. Quant à moi, je m’étais certes entraînée dans le vaisseau. Mais je n’étais guère plus affûtée que Kiara. Par toutes les couilles de Hutt ! Qu’est ce qu’ils fichaient Barabapoux et l’autre Kojak ? Jamais là quand on avait besoin d’eux !
Maul sentit la faille. Il fallait nous séparer. Il fallait qu’il arrive à briser cette connexion dans la Force que nous avions réussi à établir. Ce ne fut pas très difficile pour lui. Brandissant son bras ganté vers Kiara, alors qu’elle revenait, il la repoussa d’un jet de Force. J’eus alors à parer les deux lames du sith l’espace d’un instant, le temps que Kiara revienne. Ce fut suffisant pour me faire reculer, reculer, reculer encore. Reculer au point d’être acculée.
Durant le combat nous étions arrivé dans un hangar qui dominait la falaise. Ce qui m’étonna c’était que le lieu était complètement désert. Comment se faisait-il qu’aucun soldat de la garde Naboo ne fût encore intervenu ? Palpatine ! Forcement ! Il avait du intervenir pour ordonner à la garde de ne pas s’en mêler. Et je parie qu’il avait même expliqué qu’il s’agissait d’une affaire de Jedi.
Mais pour l’instant nous devions trouver une solution et mettre un terme à ce combat. Et cela n’allait pas être une mince affaire. Je sentais nos forces décliner. Nous manquions cruellement d’endurance. Je sentais l’affaire mal engagée, surtout quand la porte blindée donnant sur le hall des faisceaux d’énergie s’ouvrit.
Nous sentîmes deux présences arriver. Ah ! Enfin ! Ce n’était pas trop tôt ! Mais ils étaient loin. Bien trop loin pour nous aider d’avantage. Et la porte se referma. Maul tourbillonna sur lui-même, les basques de sa veste volant autour de lui. La pointe de son sabre détruisit le boîtier de commande de verrouillage. Nous étions à nouveau isolées, ne pouvant compter que sur nous même pour affronter le fauve.
Le spectacle de ces rayons de lumière qui semblaient monter de nulle part vers l’infini était incroyable. Et je sentis le cœur de Kiara s’emballer. Plus que moi, elle avait les images en tête du duel qui aurait du avoir lieu dans neuf ans.
« _Ne te laisse pas impressionner. Reste concentrée. » La suppliais-je. « Ne te laisse pas dominer par tes sentiments. Reste avec moi. »
Elle se reprit. Mais ce ne fut pas suffisant pour tenir d’avantage tête au Zabrak. Nous combattions maintenant sur l’espace exigu des passerelles où nous avions vu Qui-Gon et Obi-Wan combattre le même adversaire. Maul frappa alors ma sœur d’un revers de poing dans la figure. Kiara tituba sur quelques pas. Et avant que j’aie pu le distraire, il l’avait envoyée voler sur la passerelle du dessous. Son corps s’écrasa lourdement. Mais Maul ne me laissa aucun répit. Il fallait s’y attendre.
Ce que tu sais peut te sauver. Ce que tu sais peut te sauver.
Mace avait suffisamment confiance en mes capacités pour avoir décidé de me convaincre d’apprendre le Vaapad. Je ne devais pas douter. Mace était un maître que je respectais entre tous. Nul n’était plus fort que lui au sabre. S’il estimait que j’étais prête, je ne devais pas me laisser impressionner par Maul. J’étais à la hauteur. Il suffisait que j’y croie.