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Par Ami Durron
IV
Je détachai mes fruits, les tendis les mains en avant vers l’animal qui s’en approcha. Par la Force, je lui transmis ma volonté de récupérer ce qu’il avait dans les mains contre ces fruits. Il s’approcha, les renifla, et commença à tendre la main pour en saisir un.
"Ah non !" m’exclamai-je toujours de la même manière. "C’est donnant-donnant ! Non mais !"
Ka’Apu se crispa et recula, sans avoir pris un fruit, et toujours avec mon sabre dans les mains. J’insistai encore et lui remontrai mes fruits et tendis le doigt vers sa main gauche qui tenait mon arme. Il recula encore, et cacha le sabre dans son dos.
Je crus ressentir à travers la Force que le troc ne lui convenait pas. Ou bien je le traduisis de cette façon. Il manquait visiblement quelque chose à l’animal alors qu’il semblait bien disposé au départ.
Il tapa cinq fois de son autre main, puis remit sa main gauche devant lui. Qu’est ce que cela pouvait bien signifier ?
On dirait que…Mais oui, c’était évident ! Je le ressentais clairement à cet instant à travers la Force : il en voulait plus ! Je ressentais en fait une certaine frustration, un certain manque, mêlés à une certitude, à une détermination farouche.
"Nom d’un Bantha ! Tu es dur en affaires, toi !! C’est pas croyable !"
Je me penchai un peu vers le sol, à la recherche de Kenta. Il nous observait attentivement, le nez en l’air.
- Kenta, faites moi passer le reste du sac avec les derniers fruits dedans. J’ai besoin de tout ça.
Il acquiesça et le lança en l’air tandis que je le rattrapai aisément.
Je le vidai prestement sur mes genoux, récoltant les quelques fruits et rejetai le sac à terre. Puis je repris ma "négociation" avec Ka’Apu, qui n’avait rien perdu de la scène et se rapprochait à nouveau ; je sentais cette fois, émanant de lui, une certaine satisfaction. Il semblait mieux.
Il se glissa à quelques centimètres de mes genoux, saisit les fruits avec la main droite et ses pieds, laissant tomber le sabre dont il semblait s’être brusquement désintéressé, puis s’éloigna rapidement vers quelques branches supérieures, pour grignoter, sans nul doute, son "butin" tranquillement.
Je lui signifiai toutefois mon mécontentement et à travers la Force, je crus sentir une réaction positive de sa part, fugace, mais, j’en étais certaine, bien réelle.
Je me saisis prestement de mon arme, puis sans demander mon reste, je descendis rapidement de l’arbre (enfin, rapidement est une façon de parler : beaucoup moins vite que la première fois… mais l’atterrissage était plus réussi aussi !…)
Une fois au sol, je jetai un œil dans l’arbre, où la petite troupe de Singus Capus s’était regroupée autour de Ka’Apu pour tenter de grappiller quelques morceaux de fruits que le mâle dominant voudrait bien leur laisser.
J’étais tranquille maintenant de ce côté-là : ils étaient trop occupés pour refaire quelque autre bêtise. Et puis j’avais la nette impression que, après ma "discussion" avec Ka’Apu, il ne recommencerait plus. Etrange sensation que cette certitude : j’avais l’impression qu’il avait compris avoir fait quelque chose que je n’avais pas apprécié. La façon que j’avais de me conduire avec eux faisait qu’ils avaient tous une sorte de respect pour moi, même Ka’Apu, ce qui impliquait que, ayant fait quelque chose pour lequel je lui avais fait comprendre ma désapprobation, j’étais certaine qu’il ne recommencerait pas. C’était une certitude que me donnait la Force, mais que mes connaissances en éthologie tendaient à montrer aussi.
C’était d’ailleurs difficile à expliquer, et je craignais que l’on se moque un peu de moi si je le disais.
Cependant, il me faudrait être plus prudente à l’avenir. Et associer les autres Maîtres, élèves et padawans, à la meilleure façon de réagir avec les Capus, afin que ce genre de "pitrerie" ne se reproduise pas…
Tandis que je m’éloignais de l’arbre, j’aperçus Kenta, qui avait l’air de ne pas croire ce qu’il avait vu. Je lui souris en brandissant le sabre :
- J’ai réussi ! Tout va bien maintenant !
- Oui, ça j’ai vu ! Bravo ! Décidément, vous, les Jedi, vous êtes vraiment…étranges ! Ca n’a pourtant l’air de rien à première vue, mais moi j’aurais pas réussi un truc comme ça !
Je souris de plus belle en répondant :
- Oh je commence à vous connaître, Kenta, je sais que vous avez beaucoup de ressources…vous auriez sûrement trouvé autre chose !
Je devinai, plus que je n’entendis sa réponse qu’il murmura alors qu’il s’était un peu rapproché de moi. Il tendit le doigt vers ma main qui tenait le sabre, frôla ma main et toucha la garde de mon sabre. J’ouvris la main, interloquée par ce geste.
- Vous pensez pas que votre sabre a subi un choc après toute cette histoire ? me demanda t’il l’air vraiment intéressé et concerné par la question.
- Je ne sais pas. On va voir mais je pense qu’il n’y a pas de problèmes.
J’éloignai ma main de la sienne, m’écartai de quelques pas, tandis qu’il reculait lui aussi. J’essuyai d’abord la garde avec un pan de ma tunique puis activai mon arme ; sa lame vert émeraude, que j’avais mis tant de méticulosité et de patience à façonner, il y avait déjà de cela un bon moment, vrombit dans la quiétude du Jardin. Je lui fis faire quelques moulinets de la main droite, jugeai sa maniabilité, écoutai son bourdonnement, puis l’éteignis. C’était OK. Je pus enfin me détendre. L’honneur était sauf, et je pourrai continuer mon parcours de padawan, et très bientôt de Chevalier au sein de l’Ordre. Je ne m’en étais pas profondément inquiétée ; quelque chose, ancré très au fond de mon âme m’avait chuchoté que mon chemin ne s’arrêterait pas là, mais je n’avais malgré tout pas été très rassurée…
EPILOGUE
Tenant toujours fermement mon arme dans la main, je me rapprochai à nouveau de Kenta de quelques pas. Je me raclai discrètement la gorge puis levai la tête vers lui :
- Je crois qu’il faudrait que je vous remercie, non ?
- Bah, vous savez, Ami, j’ai pas fait grand chose ! Il n’y a pas de raison de…
Je lui coupai la parole :
- Si, il y a des raisons, vous avez eu l’air concerné par mon problème, et vous avez essayé de m’aider…enfin, disons que vous m’avez aidée en donnant de votre personne, même si le résultat n’a pas été concluant au départ ! Et après, ben…vous avez été là pour me soutenir moralement en tous cas !
Je baissai les yeux en terminant la phrase, légèrement embarrassée. "Allez, Ami, ça recommence, t’es encore pas capable de lui adresser la parole tout en le regardant dans les yeux !! Bravo ! A ton âge !" fulminai-je contre moi-même.
Je pris mon courage à deux mains, et faillis lui plaquer un baiser sonore sur la joue mais je me ravisai au dernier moment ; je lui pris finalement la main et la serrai fermement. Elle était douce et tiède. Puis je lui lançai, de ma voix la plus naturelle, pour ne rien laisser transparaître de mes intentions premières :
- Merci beaucoup ! Je vais vous laisser maintenant ! A plus !
Puis, tout en souriant, je tournai les talons lorsque j’entendis un bruit sourd derrière moi suivi d’un grognement. Je me retournai et je vis Kenta, allongé par terre près de l’arbre vers lequel il avait du se rapprocher, l’air d’avoir un malaise vagal. Surprise, et un peu inquiète par cet événement, je me précipitai vers lui et m’agenouillai tout près de lui. Un de petits fruits à coque des arbres gisait près de sa tête. Je le levai les yeux dans l’arbre : mais non, la chute de l’arbre ne devait pas du à une farce d’un Capus. Il avait tomber tout seul, sur sa tête.
Je tendis la main et la posai sur son épaule, pour le secouer légèrement. A travers la Force, je ne ressentais rien d’urgent, ni de grave. Mais il valait mieux vérifier.
Brusquement, sans que je m’y attende, il me saisît le bras et me fit basculer en avant vers lui.
- Alleeeeez, non ! Mais enfin, Kenta ! Qu’est-ce que vous me faites, là ?!?
Je me retournai et finis par me retrouver ainsi, quasiment assise sur ses jambes, qu’il avait posées à moitié étendues sur le sol et il s’était redressé, se tenant assis les mains posées en arrière, et me regardait en riant. Son regard vert clair pétillait de malice et de quelque chose d’assez indéfinissable. Il me déclara, toujours en riant :
- Désolé, j’ai pas pu m’en empêcher ! J’ai pas du tout été assommé par le fruit mais je voulais voir quelle serait votre réaction…
- Vous êtes un taquin, voilà ce que vous êtes, répondis-je feignant d’être vexée, mais plutôt amusée.
Il y eut quelques instants de silence, que je mis à profit pour me reculer et m’asseoir un peu à son écart.
Puis il reprit, l’air un peu hésitant :
- Ami ? Euh…On pourrait peut-être se tutoyer maintenant, non ? Vous êtes la seule à ne pas le faire ici !
- Vous êtes sûr ? Je n’en avais pas l’impression, répondis-je, étonnée. Cela dit vous êtes aussi le seul à me vouvoyer, mis à part quelques jeunes élèves.
- Je sais, mais j’osais pas changer…
Particulièrement surprise par cette révélation (mais au fond, plutôt ravie…), je lui rétorquai :
- Un grand gaillard comme vous ?!? Remarquez, c’est vrai que je suis terriblement impressionnante quand on me regarde bien…
- Eh ! Je pourrais te répliquer la même chose !
Il se tut un instant, puis reprit dans un clin d’œil :
- Et puis…cette petite histoire fait de nous deux des complices en quelque sorte, alors ça rapproche, non ?
Il avait d’office adopté le tutoiement ; je ne pouvais en faire moins :
- OK, c’est d’accord ! Mais ne crois-tu pas que cela va surprendre les autres ?
-Je suis sûr qu’ils ne se rendront compte de rien…Tu verras ! Et puis, la surprise qu’ils pourraient avoir ne viendra pas de là à mon avis…, répondit-il avec un étrange sourire.
Je le regardai à cet instant, intriguée, essayant de deviner le sens caché à sa dernière phrase, car il y en avait un, j’en étais sûre. Et j’avais bien peur de comprendre lequel, à moins que ce ne soit que mes propres désirs profonds que je croyais entendre venant de lui…
Je me relevai, pensive, puis me retournai une dernière fois :
- Dis, tu me promets que cela restera entre nous, n’est-ce pas ? Cette histoire est quand même un peu gênante pour moi…
Il se releva s’avança un peu. Nous marchions vers la sortie tandis qu’il me répondit :
- Mais oui, bien sûr ! Je ne suis pas une balance, tu peux me faire confiance. Mais toi, tu n’en parlera pas ? Même pas à ton Maître ? C’est quand même pas si grave !
- Si bien sûr. Mais quand j’aurais "avalé" cette histoire. Pour l’instant, j’en ai limite honte, quand même !
Il en sourit mais ne répondit rien tandis que nous sortions du Jardin Bleu.
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