I
Long avait été le sommeil et longue la nuit qui l'avait enveloppée. Une douleur, une seule, pourtant elle l'avait déchirée. Des images floues s'étaient dessinées dans son esprit, son maître, sa soeur, des droïdes et aussi un enfant et deux hommes...qui lui étaient chère...
Lorsque ses yeux s'ouvrirent pour la première fois, elle ne percevait rien. La Force l'avait abandonnée. Non, elle avait abandonné la Force...
Ses lèvres étaient sèches et son corps douloureux refusait de remuer. Il faisait nuit noir autour d'elle et elle était allongée sur quelque chose de moelleux et de tiède, recouverte d'un dras ou du moins cela devait y ressembler. Elle tenta de s'asseoir, mais rien n'y fit, la douleur était encore trop violente...
Résignée à rester allongée, elle tenta de se remémorer ce qui s'était passé. Seules quelques images lui revinrent en mémoire. Des droïdes, un sabre laser et un coup porté à son ventre. Elle fronça les sourcils et sonda son esprit encore plus profondément...
La Force ne l'avait pas abandonnée non...elle avait vu la lame de Dakhan et avait pensé à la seule chose qui avait de l'importance alors à cet instant. Cet enfant oui...elle l'avait entouré de Force, l'avait protégé du sabre laser, baissant toutes ses défenses, limitant tous ses sens pour concentrer tout ce qui lui restait en un seul endroit. Elle toussa et cela lui déchira un cri de douleur...
Elle ferma les yeux, mais les larmes de douleur passèrent au travers et coulèrent le long de ses joues blêmes. Neve serra les dents en priant pour que la douleur passe très vite. Elle agrippa tout ce qu’elle trouva autour d’elle avec le peu de force qui lui restait et patienta jusqu’à ce que la douleur soit devenue plus supportable. Lorsque enfin ses nerfs cessèrent de battre dans tout son corps, elle desserra les membres, un par un. La sueur perlait sur son front et le souffle court, elle inspira profondément, tentant de reprendre l’oxygène qui lui manquait.
Neve se mit alors à pleurer. Physiquement, elle était détruite et son état psychique était au bord du gouffre. Elle n’arrivait pas à remettre de l’ordre dans ses idées et cette douleur incontrôlable qui ne semblait pas s’améliorer avec le temps…
Elle concentra son attention sur ce qui l’entourait. Ce n’était pas difficile, il faisait noir. Mais elle ne pouvait en rester là, il fallait qu’elle sache où elle se trouvait et comment elle était arrivée jusqu’ici. Une nouvelle quinte de toux l’empoigna et la douleur redoubla.
« -MERDE !» Hurla-t-elle, en larmes.
A nouveau, chacun de ses muscles se crispèrent et tout ce qui tomba sous ses mains fut serré avec de moins en moins de force…
Elle fit de son mieux pour se calmer et il lui fallut une bonne demi heure pour desserrer poings et dents. Elle ne tiendrait pas longtemps de cette façon et elle ne pouvait voir ce qu’elle avait réellement. Tout ce qu’elle parvenait encore à percevoir, c’était que tout son corps vibrait sous la douleur excepté son ventre de la taille aux côtes. Cette partie de son corps semblait privée de toute vie tout en étant la source de sa douleur. Un sourire ironique se dessina sur ses lèvres lorsqu’un souvenir pour le moins inutile s’empara de son esprit. Oui, les holodocuments du Temple sur la médecine et les conductions nerveuses du corps humain… C’était le genre d’information dont elle pouvait se passer pour le moment. Ce n’était pas le plus urgent de savoir que lorsque la douleur atteignait un seuil critique, le corps ne parvenait plus à la ressentir. Elle éloigna ce souvenir de son esprit et songea qu’il valait mieux ne pas le forcer…que ses idées reviendraient au fur et à mesure…à moins que la fièvre qui l’habitait ne la rende complètement folle. Elle resta éveillée pendant ce qui lui sembla une éternité, toussant, la douleur l’empoignant à chaque fois plus violemment, suant et jurant lorsque cela lui était possible. Bon nombre de fois, elle fut tentée d’appeler la Force à elle pour calmer ses spasmes et retrouver ses sens mais la peur d’ouvrir la porte au mal pour l’enfant qu’elle portait la retint avec plus de conviction…
Bientôt, ce fut la soif qui lui tortura l’esprit…de l’eau…il lui fallait boire. Elle se rassasiait avec le peu de salive qu’elle arrivait à créer dans sa bouche mais elle fut rapidement aussi sèche que ses lèvres. Elle ne tiendrait pas…pas comme ça…c’est alors qu’une idée jusqu’alors restée coincée dans son esprit naquit comme une évidence. Elle se sentit stupide de pas y avoir pensé plus tôt, mais il était vrai aussi qu’elle n’était pas arrivée à penser à autre chose qu’à la douleur…
De la voix la plus forte qu’elle pu employer, elle s’écria :
« -Est-ce qu’il y a quelqu’un ? »
Sa voix s’étouffa autour d’elle, absorbée par ce qui l’entourait…
Désespérée, Neve tenta d’appeler une seconde fois, mais sa voix ne fut plus qu’un murmure timide et triste. Elle sanglotait se sentant à la fois perdue et abandonnée, enfermée dans la nuit la plus totale, sa plus grande phobie…
C’est alors qu’une quinte de toux, suivie d’une autre et encore d’une autre s’emparèrent d’elle, ne lui laissant aucun repos, aucune seconde de répit, réveillant la douleur à chaque fois plus intense…
Elle ne parvenait plus à se calmer et elle enchaînait quinte sur quinte sans avoir le temps de reprendre sa respiration, s’étouffant petit à petit au beau milieu d’un esprit noyé dans la douleur physique…
Le dernier espoir semblait s’éteindre et sa survie ne tenait plus qu’à un fil, lorsqu’une lumière aveuglante s’abattit sur elle avec violence. Ses yeux, habitués à l’obscurité se fermèrent immédiatement, plus par réflexe que par décision volontaire. Neve avait d’autre priorité pour le moment…trouver le moyen de respirer et vite.
Elle sentit alors que quelqu’un se trouvait près d’elle…une présence plus froide que la mort qui s’approchait autour d’elle mais qui lui offrit une chaleur violente. Elle sentit une main se poser à hauteur de son diaphragme et une chaleur l’envahit brutalement. Un spasme violent la plaqua au fond de son lit et elle ne reçut plus un gramme d’air pendant l’espace de quelques secondes. Lorsque la main se retira, sa toux s’était envolée et elle inspira l’air qui l’entourait avec avidité. Les yeux toujours fermés, Neve ne savait pas qui était ce sauveur opportun jusqu’à ce que celui-ci, d’une voix grave et froide, pourtant imprégnée d’une tendresse lointaine ne murmure :
« -Tu ne devrais pas t’agiter dans ton état…je n’ai pas ce qu’il faut à bord pour te soigner correctement…
-Qu…qui ?? » Balbutia-t-elle tout en craignant la réponse.
« -Chut…repose toi…tu dois garder tes forces…
-Dakhan…ce n’est…ce n’est pas toi ?
-Qu’est-ce que ça changerait que je le sois ou non…rétorqua t’il sèchement. Tu l’as abandonné, tu as cessé de croire en votre pouvoir et votre puissance !!
-Personne n’est fort par la puissance de la destruction et de la haine, je croyais en un autre pouvoir…mais à l’évidence…
-Silence, te dis-je ! Tu as failli t’étouffer… »
Les yeux de Neve commençaient à s’habituer à la forte luminosité mais elle ne parvint à voir qu’une haute silhouette sombre s’éloigner et la lumière s’éteignit aussi brusquement qu’elle était apparue…
Elle resta là sans un mot, sans bouger…c’était bien lui…
Elle ne savait si elle devait se sentir rassurée, effrayée ou bien tout simplement…indifférente…