Savez vous quel effet cela fait d'avoir deux personnes entièrement différentes à l'intérieur du même crâne? Moi, oui. Et je peux vous le raconter. Les jours qui suivirent, je n'ai rien pu faire contre cette voix qui me glaçait les sangs. A chaque fois qu'elle résonnait dans ma tête, souvent lorsque je culpabilisais, j'étais comme déchiré, nu, vulnérable, sans défense, ballotté de toutes parts dans une tempête glacée qui faisait rage dans mon esprit. Ce que je n'acceptais pas, c'est que cette voix avait raison. Je refusais de l'admettre, mais force était de constater qu'elle ne se trompait jamais. Est ce mon instinct qui parle? Est ce... Moi? Est ce la personne que j'étais avant? Avant mon réveil? Avant mon cauchemar? J'ai de plus en plus tendance à le croire... Toujours est-il que les jours passant, je laissais mon "moi" me transpercer de toutes parts, sans résister, sans lui répondre, et, surtout, sans essayer de le chasser. Et chaque jour passant, c'était pire encore. Je ne pouvais rien faire sans qu'elle hurle, se moque, ricane... Et à chaque fois, je me sentais mourir de désespoir... Il fallait que l'on me trouve, vite... Sinon, je finirais par devenir fou.

Je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais plus où je suis. Ou plutôt, je n'ai jamais su où je suis. L'ignorance de tout ce qui m'entourait me glaçait. Je ne savais rien. Rien de rien. Les jours, les semaines, les mois, peut-être même les années passées à chasser, tuer, massacrer n'ont fait que me détruire plus qu'autre chose. Et le pire, ce qui m'emplissait de désespoir, c'était que je savais très bien que je me détruisais. Et je savais très bien que je ne pouvais pas faire autrement.

Pourtant, une once d'espoir naquit, un jour. L'espoir, je l'entretint pendant plusieurs années. Je me rends compte aujourd'hui que je n'ai jamais eu de chance à cette époque...

Quel est ce bruit? Je n'ai jamais entendu ce bruit... Je fus réveillé par un grondement sourd. Je me redresse, et me cache dans le tronc creux d'une souche suffisamment grande pour y faire tenir mon garde-manger. L'excitation m'envahit. D'où vient ce bruit? Curieux de nature, je me dirige, en courant, en direction de ce grondement. Eh bien? Que fais tu? Tu n'espères quand même pas que tu t'en sortiras? Tu n'espères quand même pas que tu pourras m'oublier? C'est impossible!! Je suis ta destinée!!! Laissant mon double, ou je ne sais pas quoi, se réjouir de me blesser, je continue ma course. Bizarrement, j'ai de plus en plus l'impression que j'ai rêvé. Et si mon double avait raison? Tu vois? Tu l'admets!! NOOOONN!!!! TAIS-TOI!! J'EN AI MARRE!!!! ARRÊTE!!!! JE N'EN PEUX PLUS!!!!! J'éclate en sanglots. Me jetant par terre, je lacère le sol de mes griffes, me saignant les phalanges. Bientôt, mon sang se répand atour de mes mains. Je me relève, et les regarde. Ce ne sont plus que des lambeauxde chair et de sang. La force de mon désespoir finira par me tuer. Il faut que je m'en sorte. HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAAAAH!!! Ce rire! Je le déteste tant! J'en ai peur, je le crains de tout mon être, je tremble de tout mon corps...

Je continue ma course, les larmes continuant de ravager mon visage. Bientôt, j'arrive à l'endroit où j'ai entendu ce fameux bruit. Et ce que je vois me fait ravaler mes larmes, tant cette vision me stupéfie. Je ne sais pas ce que c'est. Une énorme chose en métal, qui semble faite pour se déplacer. Se déplacer? Mais alors il y a quelqu'un ici! L'espoir me fait presque jubiler. Et comme à chaque fois, comme pour me rappeler ma malédiction, j'attends cette voix... Et ma vie, mon esprit et mon corps ne sont plus qu'un océan de douleur...

Après une course effrénée, j'entends un bruit. Des bruits. On dirait... Des gens qui parlent!! OUI!! DES GENS!!! JE SUIS SAUVE!! Sauvé? Non détrompe-toi!! Tu seras toujours prisonnier, quoi que tu fasses! Comme d'habitude, cette voix me jette à terre. Ce n'est plus la force de ses mots, mais sa seule intervention qui suffit à me désespérer. Elle me rappelle ma condition. Elle me rappelle que je ne suis rien. Non... Moins que rien... Eh bien qui es-tu??

Je me retourne, en poussant un rugissement de peur. Derrière moi, se tient une personne des plus étranges. La peau dénuée de tout pelage, blanche comme la lune, elle me regarde avec un air mi-suspicieux, mi-curieux. Là, dans mon esprit, une tempête de bonheur fait rage. Je vais parler à une personne. Parler... J'ouvre la bouche, et... Rien. Je n'arrive pas à émettre la moindre parole. Seuls des miaulements plaintifs sortent de ma bouche. Tu vois? Il te prend pour un imbécile. Un raté!! Tu n'es rien!! Tu es à moi!!! A JAMAIS!!! La force de mes cris, la force de mes coups qui plient littéralement les arbustes, et surtout, la force de ma rage semblent ravir cette mystérieuse personne. Se retournant, il crie: Il fera parfaitement l'affaire!