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Par Kiara Jinn



Nous étions arrivés. J’allais devoir descendre et quitter le relatif confort de ce vaisseau. J’allais devoir sortir de ma solitude, de mon isolement volontaire. J’allais devoir affronter ma nouvelle vie, aller de l’avant. Le pourrais-je ? Le voulais-je surtout ? Je ne le voulais pas mais je le devais. L’évidence était là. Ceci me saisit d’une main glaciale quand je posais le pied sur la rampe de sortie du vaisseau. Je m’arrêtais subitement, paralysée de frayeur. J’avais resserré les pans du manteau de Qui-Gon autour de moi. dans un geste de protection dérisoire. Maître Windu, qui s’était arrêté près de moi, me demanda d’avancer et me tendit son bras. Je n’osais pas regarder au pied de la rampe car je savais que Lusiana Nakeji était là. J’avais peur et je retardais au maximum le moment de croiser son regard. Maître Windu se mit à descendre doucement et je fis de même. Ma démarche était hésitante, gauche. Je tremblais en avançant et m’appuyais fortement sur le bras de mon maître. Il me regarda et m’encouragea. Par ce simple regard, il me soutenait. Je l'en remerciais en moi. J'avais, à ce moment précis, besoin de toutes mes forces. J’avais besoin de son réconfort.

Obi-Wan et l’enfant étaient sortis juste avant nous. Le jeune Jedi qui sentait l’angoisse de son élève, avait posé une main rassurante sur son épaule. Anakin s’était redressé, avait inspiré à plusieurs reprises et avait commencé à descendre. Obi-Wan était près de lui. Leur silhouette masquait le bas de la rampe. Mais elle était là. Je le savais. Sans la voir, je sentais les yeux de Lusiana Nakeji fixés sur moi et je baissais la tête, marchant sur les pans de mon manteau. J’avais l’impression de deux yeux inquisiteurs posés sur moi, deux yeux qui me transperçaient. Je voulais fuir.
J’avais peur de son accueil. Je m’imaginais à sa place, la tête levée. Derrière l’enfant blond à la petite tresse de Padawan, elle voyait descendre maladroitement la femme qui occupait le cœur de l’homme qu’elle avait aimé au-delà de tout. Il me semblait entendre ses paroles, lire dans son esprit. « C’est elle, c’est cette femme qui m’a volé le cœur de Qui-Gon. Elle vient me narguer jusqu’ici, me montrer qu’elle a pu, elle, vivre ce qui m’était refusé ». Elle avait devant les yeux l’expression d’un amour qu’elle n’avait pu vivre jusqu’au bout, surtout d’un sentiment qu’elle avait vu naître dans les yeux de celui qui avait tellement compté dans sa vie. Ma présence la remettait face à sa propre histoire, celle d’un amour sacrifié pour les lois de l’Ordre. Je devais faire resurgir en elle ce passé qui avait du certainement la blesser.

Qui-Gon me connaissait si bien. A mes réactions, il s’était rendu compte que si j’étais relativement prête à aller de l’avant, je le faisais pour lui et avec lui. Je ne l’étais pas pour entendre une autre histoire, surtout celle, triste, de son amour sacrifié. Il l’avait parfaitement compris. Il ne souhaitait pas que cet élan que j’avais envers lui ne soit freiné par des questions auxquelles il m’apporterait les réponses quand je serai apte à les accepter et à supporter. Il avait eu l’amère déception de ne pouvoir libérer mon fils prisonnier des Sith. Il voulait, malgré cela, me voir sourire à nouveau. Par son amour, sa tendresse, il voulait panser cette blessure plus vive que les autres. Il avait déjà réussi en grande partie ce but d’amour qu’il s’était fixé.

Je m’arrêtais subitement. Lusiana nous attendait. Je sentais sa présence mais je ne voulais pas analyser ce qu’elle m’inspirait. Elle me faisait peur. Je ne connaissais pas cette femme. Qui-Gon m’avait quelquefois parlé d’elle avec beaucoup de délicatesse pour ne pas me blesser. Il me l’avait dépeinte avec tendresse. Il me la montrait comme une femme très sensible, très douce mais assez volontaire, très forte de caractère, sachant exactement ce qu’elle voulait et suivant son chemin sans férir. Je savais qu’il éprouvait toujours un profond sentiment pour elle. Il y avait fait allusion mais sans insister. Cela m’avait fait souffrir sans qu’il le sache. Mais il avait dû s’en rendre compte. Il me connaissait si bien, certainement mieux que moi. Toutefois, j’avais fini par accepter la présence de Lusiana dans le cœur de Qui-Gon. Je m’étais rendue compte que l’amour n’était pas une part de gâteau partagée et que le sentiment qu’il éprouvait pour moi était différent. Il m’avait dit que je lui avais apporté son équilibre affectif et qu’avec moi, il avait enfin réussi à connaître le bonheur.

Sur le tarmac désert à cette heure matinale, elle était immobile. Ses yeux étaient fixés sur nous. C’était une jeune femme de taille moyenne, mince, aux longs cheveux châtains tirés en arrière en une natte épaisse. Son visage était fin. Je sentais ses yeux posés sur moi. Elle m’observait. Je n’osais soutenir son regard et baissais les yeux. Son visage était très pâle, triste. Je voyais et sentais qu’elle souffrait mais elle masquait sa peine. Comme moi, elle devait garder sa souffrance pour elle. Elle devait être secrète. Près d’elle, se tenait une toute jeune adolescente mate de peau aux longs cheveux nattés, portant l’habit traditionnel des Jedi. Elle devait être sa Padawan. Normalement, les élèves des maîtres Jedi les suivaient dans tous leurs déplacements. Mace Windu eut un léger sourire en les voyant et me dit doucement que je devais avancer. Il posa sa main sur mon épaule pour me donner du courage.
Anakin et Obi-Wan étaient arrivés au bas de la rampe. Ils s’inclinèrent respectueusement devant elle.
Obi-Wan lui présenta le jeune garçon. J’entendais distinctement ses paroles alors qu’elle prenait les mains d’Obi-Wan dans les siennes et les serrait longuement.
-Je te félicite, Obi-Wan pour ta nomination au rang de Maître et je te souhaite la bienvenue parmi nous, jeune Anakin.
-Maître Nakeji fut la première padawan de Maître Jinn dit doucement Obi-Wan au garçonnet qui hocha la tête.
-C’était bien longtemps avant la naissance de ton Maître, Anakin. Maître Jinn était un grand Maître et nous ne devons jamais oublier ce que nous avons appris de lui.
En fait, je saisissais des bribes de leur dialogue. J’étais terrorisée. Mace Windu me demanda à nouveau d’avancer. Je le fis lentement en m’appuyant sur son bras. Il me soutenait. Je sentais que j’allais défaillir.

J’arrivais enfin devant elle. Le temps d’arriver au bas de la rampe m’avait paru une éternité. J’avais trébuché plusieurs fois sur le bas de mon long manteau de bure. Je clignais des yeux et regardais la jeune femme qui se tenait face à moi.
Je la vis poser les yeux sur moi mais elle regardait surtout Mace Windu. Son visage se ferma subitement pendant qu’elle me regardait fixement alors que je resserrais les pans de mon manteau autour de mon ventre arrondi. Elle sursauta. Elle venait certainement de se rendre compte de ma grossesse. Je ressentis comme une brûlure dans mon esprit. Elle me sondait, me fouillait. J'eus un mouvement de recul. Mace Windu se pencha vers moi.
-N’ayez pas peur.
Je baissais la tête pour fuir son regard. Des flashes m’inondaient. Je pouvais lire en elle, ressentir les paroles qu’elle avait envie de me lancer à la figure. Elle me rejetait. J’avais remarqué un bref élan de compassion sur son visage, mouvement furtif, vite caché par un masque de froideur. Pourtant, je sentais qu’elle avait, quelque part, envie de venir vers moi. Quelque chose, certainement sa profonde douleur, la retenait. Je ne pensais pas qu’elle me haïssait. Dans une telle situation, un Jedi n’éprouve pas de haine mais une profonde douleur de se trouver confrontée à une étrangère enceinte de l’homme qu’elle avait aimé.

Je m’inclinais respectueusement, comme tout jeune Jedi le faisait devant un Maître. Mon salut était raide. Je tremblais de peur tout en baissant la tête devant elle. Mais il y avait plus que cela en moi. Il y avait surtout, masqué par la crainte, beaucoup de respect pour celle qui fut le premier amour de Qui-Gon.
Elle me toisait. Son visage était fermé, son regard dur. Elle fixa un instant mon ventre que je protégeais de mes bras et je vis ses lèvres trembler comme si elle allait pleurer. Puis elle se raidit.
-Lusiana, je …
La voix de Mace Windu debout près de moi était douce mais triste. Il avait lâché mon bras. Elle leva la main, les yeux toujours posés sur moi. Il me regarda et dit d’une voix qui se voulait assurée.
-Kiara, je vous présente Maître Lusiana Nakeji.
-Mes respects, Maître murmurais-je si bas qu’elle se pencha légèrement pour m’entendre.
-Maître Nakeji, permettez-moi de vous présenter ma padawan, Kiara Jinn.
Quand Mace Windu eut prononcé mon nom, je vis Lusiana se raidir brusquement comme si elle venait de recevoir une claque en plein visage. Elle était très pâle. Ses lèvres tremblèrent. Elle se redressa ostensiblement et baissa un instant les yeux. Puis elle regarda longuement Mace Windu avec un regard lourd de reproches que je ne comprenais pas. Elle me regarda à nouveau. Son visage était un peu moins hostile. Elle me dit d’une voix assez sèche.
-Puisque vous allez désormais vivre parmi nous, je veux que les choses soient claires entre nous dès le début. Je suis Maître Nakeji mais je suis aussi et surtout Madame Windu. Soyez la bienvenue.
Son visage était fermé, son expression glaciale. Elle avait posé ses yeux sur Mace Windu debout près de moi. Son regard était très dur. Son message direct et sans fioritures était stéréotypé, protocolaire. Il claquait comme un fouet.

Subitement, je compris la raison de son attitude. Jinn ! Je portais le nom de Qui-Gon. A ses yeux, j’osais afficher mon union avec lui alors que le code Jedi l’interdisait. Elle m’avait été présentée par Mace Windu comme Lusiana Nakeji. Mais elle était l’épouse de mon maître. Elle me l’avait bien précisé, en martelant son nom comme si elle voulait me l’enfoncer dans la tête. Elle avait mis des barrières autour d’elle, de lui, des barrières que je ne devais surtout pas franchir.
Elle me regarda à nouveau de la tête aux pieds puis se retourna brusquement. Elle avançait rapidement sans se retourner, sans se soucier de nous. La jeune fille lui emboîta le pas, comme tout padawan le faisait avec son propre maître. Je vis la jeune fille tourner la tête vers elle et la baisser brusquement. Je sentais l’échange qu’elles devaient avoir toutes les deux « Ne te mêle pas de cela. Suis-moi et ne pose aucune question » Mace Windu posa sa main sur mon bras et me demanda d’aller au véhicule. Paralysée par la peur, je n’avais pas bougé. Je sentais un mur devant moi, un mur que je ne pouvais franchir, un mur de peur, un mur de rejet surtout. J’étais l’intruse, celle qui apportait au Temple une réalité que personne ne voulait voir. J’étais enceinte d’un Maître Jedi dont le caractère rebelle légendaire était connu et j’étais moi-même padawan d’un des Jedi les plus écoutés, un doyen du Conseil. Obi-Wan et Anakin, qui étaient restés en retrait, nous emboîtèrent le pas. Ils ne parlaient pas. Anakin était tout aussi tendu que moi.

Mace Windu laissa Obi-Wan et Anakin s’installer à l’arrière du speeder-taxi et s’effaça devant moi. Je m’appuyais sur son bras pour entrer dans le véhicule et m’installer derrière Lusiana Nakeji qui s’était assise à l’avant avec la jeune fille. Elle ne bougeait pas. Elle était très droite, raide. Elle regardait devant elle. Mais je sentais ses pensées acérées, dures, glaciales. Mace Windu m’aida à m’asseoir. Je le vis jeter un regard réprobateur vers son épouse. Puis il s’installa près de moi et se retourna légèrement. Obi-Wan avait installé nos sacs devant les jambes de son padawan. Le jeune garçon était aussi effrayé que moi. Je pouvais ressentir sa peur mêlée à la mienne. Enfin le véhicule démarra.

Personne ne parlait. Près de moi, mon maître était silencieux. Je ressentais un malaise. Malaise vis à vis de son épouse dont le regard, toujours rivé devant elle, n’avait pas cillé. A un moment, elle le regarda durement dans le rétroviseur puis reprit sa position initiale. Nous étions tendus. Je ne pensais même pas à regarder autour de moi les immeubles démesurés et les rues profondes comme des canyons. Je vis que mon maître avait fermé les yeux. Il devait méditer. Je sentais que j’étais un poids, une gêne entre son épouse et lui. J’avais vu le regard furieux qu’elle lui avait jeté quand il m’avait aidée à m’installer dans le taxi. J’avais vu son visage également triste. J’avais ressenti la peine immense, identique à la mienne. Je sentais ses propres larmes, prêtes à jaillir. Mais elle les retenait. Elle était très forte, très digne. Pas comme moi.
Pourtant elle souffrait. Elle avait besoin d'aide. Je le ressentais dans son attitude. Elle avait besoin de son mari. Et Mace Windu m’avait aidée, moi, simple padawan alors que son épouse demandait certainement son appui. Je me sentais coupable de monopoliser ainsi son attention alors qu’elle était aussi en droit de le faire. Mais, et mon esprit embrumé de douleur ne le réalisait pas encore, il se devait de le faire, au détriment de son épouse. Dans une telle situation, un Jedi se devait de porter secours au plus démuni. Et je l’étais à cet instant précis. Lusiana Nakeji, son épouse le ferait, s’il l’aidait, porter assistance à lui-même.

Nous arrivâmes devant le Temple Jedi et le véhicule nous déposa devant l’entrée principale de l’imposante bâtisse. Le Temple lui-même, construit sur un tertre, se trouvait au bout d’une longue avenue qui offrait une transition entre le tumulte de la cité et la tranquillité des Jedi. La sérénité extérieure du Temple tranchait sur la cité alentours. C’était une véritable œuvre d’art à la base pyramidale et étagée. De nombreuses colonnades torsadées et des bas reliefs ouvragés ornaient sa base. Le soleil projetait des ombres mystérieuses sur les statues qui émergeaient des murs sculptés. Ces ombres se projetaient sur un halo de lumière issu des rayons bas de l’astre solaire.
L’ombre ! L’ombre qui venait de recouvrir à nouveau ma vie luttait contre la lumière irradiant de cet endroit. Lumière du savoir, lumière de la Force, lumière de cette énergie forte et puissante qui m’accueillait en son sein, celle à laquelle j’allais me raccrocher désormais comme à l’intense lumière et chaleur de l’amour de Qui-Gon en moi. J’y vis un présage. Celui de la lutte que j’allais avoir à mener ici, pour trouver une place, celle qui serait la mienne en tant que padawan et mère de futurs Jedi. Cette place que j’avais refusée mais que j’acceptais maintenant par amour pour l’homme qui m’avait fait renaître, par amour pour les enfants que je portais.

L’impression première, pour toute personne extérieure au Temple ou au milieu très fermé des Jedi, pouvait rappeler un bâtiment administratif. Pour les Jedi, ce lieu symbolique était un centre d’apprentissage, de chevalerie et de tradition qui ne connaissait pas d’équivalent dans le monde extérieur. L’endroit était conçu pour suggérer la paix, la sérénité, la réflexion, l’étude. Son architecture invitait l’esprit à vagabonder et à explorer les routes de la connaissance, à en rechercher les subtiles manifestations. L’intérieur du Temple suggérait le beau, l’art. L’art faisait autant partie de la vie des Jedi que l’entraînement au combat. C’était, pour de nombreux Jedi, un lien conscient et privilégié avec les mystères de la Force. Il se manifestait par l’esthétisme épuré des longs couloirs, des colonnes ouvragées, des arches séculaires finement travaillées. Les statues et sculptures qui ornaient les couloirs du Temple étaient plus que de simples représentations. Elles étaient un lien avec l’essence même de l’interprétation des grands hommes de l’Ordre. Elles inspiraient les pensées des grands maîtres qu’elles représentaient, appelaient à la méditation.

Bien que je connaisse un peu l’endroit, mon émotion était forte. Je ne pouvais parler. J’y entrais comme membre et non comme visiteur. Lusiana Nakeji et Mace Windu ouvraient la marche. J’étais derrière eux. La jeune fille et Obi-Wan m’accompagnaient. Anakin Skywalker portait mon sac et marchait derrière nous en regardant également tout autour de lui. Je savais qu’il n’était venu qu’une seule fois au Temple Jedi, avec Qui-Gon, peu avant la bataille de libération de Naboo. L’émotion était tout aussi forte pour lui, surtout qu’à sa première venue, le Conseil Jedi avait refusé sa candidature. En expirant, Qui-Gon avait demandé à Obi-Wan d’assurer sa formation et le Conseil Jedi avait fini par l'accepter. Aujourd’hui, tout comme moi, le jeune garçon entrait dans le monde très fermé des Jedi.

Je jetais un bref regard à Obi-Wan. Le jeune homme marchait près de moi, la tête légèrement baissée. Anakin nous suivait. Il portait mon sac, à sa demande. Nous avions traversé sans parler l’immense hall voûté du Temple Jedi, cet endroit où beaucoup d’êtres souhaitaient entrer mais dont l’accès et la visite leur était interdit, ce Temple ou je ressentais plus que jamais la majesté et la grandeur de l’Ordre pour lequel des milliers de Chevaliers Jedi se dévouaient à travers toute la Galaxie, cet Ordre où j’entrais et qui serait désormais- ma vie. Ma vie. J’allais devoir vivre…