Kiara et Rolan préparèrent le matériel pour la transfusion. Le matériel était rustique, la méthode archaïque, mais cela restait totalement efficace. C’était encore plus archaïque que toutes les méthodes que Kiara avait pu étudier en histoire de la médecine. Elle devait s’allonger près de moi, sur un lit légèrement surélevé par rapport au mien. Rolan lui piqua le bras, enfonçant une fine aiguille préalablement stérilisée. Il pinça le tube de polymère qui allait transporter le sang vers la veine qu’il piqua alors. Le sang, rouge, chaud et salvateur se mit à couler vers mon bras. Kiara et moi étions alors reliée par ce liquide vital dont elle me faisait don.
« _Vous êtes Padawan. » Lui dit Rolan. « La Grande Puissance peut vous aider à trouver les réponses dont vous avez besoin. Cherchez dans votre cœur, aussi. C’est par son intermédiaire que la Grande Puissance vous parlera.
_Vous avez raison. Je vais profiter de la transfusion pour méditer à tout ceci.
_Dans le calme et la sérénité de la Grande Puissance, vous saurez quel lien vous unit à la Padahatma. Vous le savez mieux que moi. Rien n’arrive par hasard. »
Pendant près de trois heures, Kiara resta allongée près de moi, sur son lit. Rolan surveillait régulièrement nos signes vitaux et nos constantes. Le Guide Arhan veillait lui aussi. Et Yohm ne quittait pas mon chevet. Il ne me lâchait pas la main. Il avait eu l’autorisation de rester près de mon lit à la condition expresse de rester silencieux Il ne devait en aucun cas troubler le calme de la petite chambre.
Je sentais sa présence plus que j’en avais conscience. Je sentais la bienveillance du petit Qiari qui était visiblement très concerné par ce qui pouvait m’arriver.
Au bout de trois heures, Rolan débrancha les perfusions et on apporta à Kiara de quoi se restaurer. Mais elle devait encore se reposer avant de pouvoir me donner encore du sang. Ma fille, quant à elle, veillait sur les jumeaux de ma sœur. Elle vint quelques instants près de moi pour me rassurer.
Cela faisait maintenant quatre jours standards que nous avions quitté Naboo. Et cela faisait trois jours que nous nous étions écrasés sur Artonis. Si le Temple Jedi n’avait pas eu notre message d’urgence, personne ne s’inquiéterait de nous avant trois bonnes journées standards.
« _Maman, je crois que je suis assez expérimentée maintenant pour entrer en méditation et contacter Papa dans la Force. »
Il était très rare que ma fille nous appelle par ces mots de «papa » et «maman ». Kiara s’en inquiétât. Elle sentait que la jeune fille était plus troublée par la gravité de la situation qu’elle ne voulait le montrer.
« _C’est très difficile à faire. » Lui répondit-elle. « Peu de Jedi y parviennent.
_Je sais. Mais je dois le faire. Et le lien privilégié que la Force m’accorde avec mon père va me permettre de réussir. Je le sens. Je le sais. J’aurais pu tenter de contacter Tai Lana. Mais elle est trop jeune. Et je pense que les maîtres à qui elle serait obligée d’en référer auraient du mal à la croire. »
Je me contentais de hocher la tête. J’étais le maître. Elles étaient toutes les deux padawans. c'était moi qui aurait du les protéger et agir pour nous sortir de cette situation. Au lieu de cela, Ma Lahossa allait devoir se lancer dans une méditation particulièrement difficile, que bien des Jedi très expérimentés ne réussissaient pas. Et Kiara devait me donner de son sang.
« _Lusiana, ne t’inquiète pas pour nous. C’est une épreuve que la Force va nous aider à surmonter. Nous sommes des Jedi après tout. Nous n’avons pas choisi la facilité en choisissant cette vie. Et c’est aussi ce qui nous plaît. »
J’acquiesçais d’un faible sourire.
« _Il faut laisser la Padahatma se reposer maintenant. » Ordonna le Guide Rolan.
Le lendemain, Kiara me redonna un peu de son sang. Mon état s’améliorait un peu. Et le Guide allait pouvoir m’opérer.
Kiara l’aida à me préparer.
Ma Lahossa, que je n’avais pas revue depuis la veille vint me voir juste avant que le Guide m’anesthésie.
« _J’ai confiance, Maman. Tu es la personne la plus forte que je connaisse avec Papa. Je suis certaine qu’il a déjà senti la situation. Vous êtes tellement proches l’un de l’autre. Il ne peut pas ne pas avoir senti que tu es blessée. Ce sera une formalité que de le contacter par la Force. Sois confiante, Maman. Quand tu te réveilleras, je pourrais te donner de bonnes nouvelles. »
Elle me serra la main avant de m’embrasser.
« _Lusiana, je sais que c’est complètement illogique. Mais mon cœur ne me cesse de le crier. Nous sommes sœurs. Je ne sais pas comment c’est possible. Mais j’en suis convaincue. Nous venons de nous retrouver. La Force ne l’a pas fait par hasard. C’est donc que nous avons plein de choses à vivre ensembles. Alors j’ai confiance moi aussi. Tout va bien se passer.
_J’ai confiance moi aussi, Kiara.
_Je vais assister le Guide Rolan pendant l’opération. Ne t’inquiète pas.
_On se revoit dans quelques heures. »
Je m’endormit alors dans ce sommeil sans rêve de l’anesthésie.
L’opération dura une bonne dizaine d’heures durant lesquelles Rolan et Kiara, suivant les méthodes très anciennes de la chirurgie ancestrale Qiari, soignèrent mes blessures internes. Yohm et son père attendaient dans l’antichambre de la salle d’opération. La femme de Yohm s’était chargée des enfants de ma sœur.
Ma Lahossa s’était isolée dans une salle où sourdait une fontaine d’eau tiède dans un bassin aménagé, décoré de fines arabesques de mosaïque. La salle toute entière était une véritable merveille artistique. Les qiaris devaient beaucoup aimer cet endroit pour l’avoir décoré avec tant de soin. Elle se laissa bercer par le clapotis de l’eau dans le bassin pour s’ouvrir à la Force. Son esprit ainsi ouvert, elle put évacuer toutes les tensions, toutes les inquiétudes, toutes les pensées superflues, pour se concentrer sur une seule qui vint se cristalliser. C’était comme si elle avait mis toutes ses pensées dans un creuset et que comme pour un métal précieux, la pensée essentielle à cette méditation s’était cristallisée, avait grandi pour ne plus être que la seule à occuper son esprit dans la Force, une sorte de message mental qu’elle se répétait comme un manthra.
Les minutes s’égrainaient, longues et lourdes d’angoisse, de l’attente et de l’espérance.
Enfin, Rolan et ma sœur sortirent pour annoncer que l’opération s’était bien passée. On m’avait branchée au monitoring médical de Kiara pour surveiller mes constantes durant la phase de réveil. Quand j’aurais manifesté les premiers signes, Kiara me replongerait dans une transe Jedi de guérison. Encore une fois, il faudrait attendre, me surveiller et attendre.
Yohm, à grand renfort de promesses très strictes, eut l’autorisation de rester à mon chevet. Il me prit la main et commença une longue veille.
Durant cette transe, je dus rever car je me souviens de quelques images. Je me souviens surtout de l’ambiance de ce sommeil qui m’amenait à la sortie de l’anesthesie générale. C’etait une ambiance particulierement lourde, inquietante, effrayante surtout. Je voyais des visages torturé de douleur. Je voyais des montagnes qui s’effondraient, je voyais la terre qui s’ouvrait sous les pas de ceux qui n’avaient pu fuir à temps la catastrophe. Yohm, aux yeux violets était près de moi. Son visage disparut, remplacé par celui d’un vieillard au même regard…
Une jeune femme s’approchait de moi. Je ne distinguais pas son visage. Elle m’appelait. Elle était proche de moi. Mais elle avait beau marcher dans ma direction, la distance qui nous séparait était toujours la même.
Je l’appelais à mon tour. Je la connaissais.
« _Leia ! »
Leia… Je ne connaissais pourtant personne de ce nom.
« _Leia ! »
Je devais m’agiter durant ma transe. Je revis alors les paysages de mon enfance. Je revis ma mère, mon père, la prairie qui s’étalait devant notre maison. J’étais sur Drall.
« _Lusiana, tu seras toujours ma fille dans mon cœur. Souviens-toi toujours de tes origines sur Drall… »
Drall… Drall. La vision disparut. Mais le nom de ma planète me résonnait toujours dans la tête. Drall… Drall.
C’était la voix de Kiara qui m’appelait. Je devais me réveiller.
J’ouvris péniblement les yeux.