Buzz nous fit l’article du quartier. Untel vendait de la maroquinerie, untel proposait de la vannerie, et un troisième était le meilleur orfèvre de la ville. Que dis-je ? De la planète ! Voir de la galaxie ! Quant à celui-là, on ne trouvait pas meilleur potier à des parsecs à la ronde. Tatooine était réputée dans toute la galaxie pour son artisanat d’art. Et oui ! Il valait mieux entendre ça que d’être sourd. Tatooine était une planète d’artiste. Jojo ne devait pas avoir le même sens artistique que Buzz. A la vérité, et tout ce que nous avions pu trouver dans les banques de données de l’ordinateur de notre vaisseau corroborait ce que nous savions déjà, Tatooine ne s’était pas connaître par son artisanat. La planète aux soleils jumeaux n’était cette perle de l’art galactique que dans le bagout de camelot de notre guide brownie. Et les œuvres d’art Tatooiniennes ne se vendaient guère ailleurs que sur place.
Buzz bavardait sans cesse, pensant nous intéresser et nous distraire des derniers potins et d’anecdotes aussi rocambolesques que douteuses. Il saluait toutes les connaissances qu’il croisait, même les plus vagues, et qu’il raillait ou dénonçait pour leurs affaires plus ou moins louches et bien sur très avantageuses, dès que ces gens avaient le dos tourné.
« _Buzz, que les choses soient claires, nous sommes là pour faire des affaires. Et nous aimerions bien un peu moins de démonstration. » Lui dis-je sévèrement. « Je comprends que cela te flatte et redore ton blason de petite frappe d’être vu ainsi avec des personnes comme nous. Mais si tu continues ton numéro, cela va être vite classé. Et tu n’auras rien, en raison du préjudice que tu es en train de nous causer. Est-ce que je me fais bien comprendre ?
_Heu… oui. C’est très clair.
_Alors dépêche-toi de faire ce pour quoi tu souhaites être payé. Nous n’avons pas que ça à faire. A moins que tu ne désires avoir affaire à nos époux. » Ajouta ma sœur.
« _Non, non ! Promis. Je vais être digne de votre confiance. » S’empressa-t-il de nous répondre, effrayé par la menace à peine dissimulée.
Enfin, il nous conduisit devant un bâtiment trapu, surmonté d’une coupole rebondie en guise de toit. Près de la porte, ouverte à tous les vents, étroite et basse, percée dans l’épais mur de terre, on pouvait lire en plusieurs langues sur une plaque de métal, chez qui nous entrions. Agence Ad and Co, Import Export de main d’œuvre.
Je souriais ironiquement en lisant l’inscription grossièrement gravée et recouverte de poussière. Le propriétaire de cette agence aurait pu faire une carrière de diplomate, à en juger par la manière habile qu’il avait trouvée pour nommer son infâme commerce.
Une sonnette retentit lorsque nous franchîmes le seuil de l’agence.
L’intérieur ressemblait à une cave sombre et froide par rapport à l’éclat et à la chaleur de la rue. Il nous fallut quelques secondes pour que nos yeux s’habituent à la relative obscurité, tant le contraste avec la clarté éblouissante de l’extérieur était saisissant.
Un comptoir de terre faisait face à l’entrée. Il était surmonté d’une lourde plaque de marbre poli, à la propreté plus que douteuse, et à la couleur incertaine. Etait-elle rouge ? Etait-elle brune ? Nous n’aurions sur le dire. La crasse et la poussière qui la recouvraient lui donnaient des allures d’abandon. Derrière ce comptoir, une autre porte s’ouvrait sur une cour intérieure ombragée par des paillasses de végétaux séchés en piteux état. Cet endroit était repoussant de saleté et de manque d’entretien. C’était à la limite de la ruine.
Ma sœur et moi regardions ce décor délabré guère accueillant. Les notions élémentaires de marketing faisaient manifestement défaut au propriétaire de cet établissement pompeusement appelé agence. Je me disais que des acheteurs potentiels d’esclaves devaient tout de même avoir un certain train de vie, et par conséquent, devaient s’attendre à être traités avec quelques égards. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Aussi, à mon sens, on se devait de faire quelques efforts pour s’attirer les bonnes grâces d’une telle clientèle. Tout dans cette agence allait à l’encontre de ce à quoi nous nous étions attendues ma sœur et moi.
« _Hé ! Ho ! Y’a quelqu’un ? » Hurla notre guide.
« _Quoi ? Qu’est ce que c’est ?
»
Nous vîmes apparaître une tête verte surmontée d’une crête. Son museau dépourvu de lèvres véritables grimaçait une colère à peine contenue. Visiblement, nous dérangions ce Rodien.
« _Qu’est ce que vous voulez ? » Nous demanda-t-il. « Vous ne savez pas que la sieste c’est sacré ? »
Il ne parlait pourtant pas le basic, mais, étrangement, je le comprenais. Cela devait venir de mes souvenirs qui me revenaient inconsciemment.
« _Je croyais qu’il n’y avait qu’une seule chose sacrée sur cette planète : les affaires. » Répondis-je alors.
Le rodien parut interloqué en m’entendant. Il entra, nous jaugeant des pieds à la tête, méfiant.
« _Je suppose que vous êtes Ad.
_Qui le demande ?
_Neve Toradar.
_Et alors ? » Me demanda-t-il toujours aussi agressif.
« _Alors ? » Je m’approchais de lui adoptant la même attitude vindicative que lui. « Alors, je crois que nous allons aller nous adresser à quelqu’un d’autre.
_Je ne vous connais pas. Je traite mes affaires qu’avec les gens qui me sont recommandés.
_Très bien. C’est comme vous voudrez. Tant pis pour vous. »
Je tournais les talons et sortis. Kiara et Buzz m’avaient suivie.
J’apostrophais alors notre guide.
« _Fais nous encore perdre notre temps et tu vas le regretter amèrement ! Trouves-nous un négociant sérieux, qui sache traiter sa clientèle avec les égards qui lui sont dus. Pas cette espèce de minable qui ne saurait reconnaître une gemme corusca au milieu de crottes de mynock !
_Oui, Zweena ! Je comprends ! Je prie les Zweena de me pardonner. Je vais vous emmener chez un autre vendeur.
_Tu as intérêt à ce que cela se passe mieux. Sinon, je crois que nous allons nous adresser directement aux Hutt. Et tu ne seras pas payé.
_Non. Je vous promets. Je vais vous trouver ce que vous voulez. Venez. Je vais vous emmener chez quelqu’un de bien. Je vais vous emmener chez Storn. C’est le meilleur vendeur d’esclave de Mos Espa.
_Cesse de promettre monts et merveilles. Et agis. » Grondais-je.
Je fulminais intérieurement. Je commençais à m’impatienter. Je ne perdais pas de vue notre mission : retrouver Shmi Skywalker le plus rapidement possible. Et j’en oubliais ma discipline Jedi. Il fallait que je joue mon rôle, certes. Il fallait que j’affiche le caractère capricieux et impétueux d’une femme habituée à ce qu’on la serve dans la seconde. Mais, je ne devais pas oublier qu’il ne s’agissait que d’un faux semblant, et que je ne devais pas être réellement dans cet état de nervosité auquel je voulais faire croire.
Mais d’un autre coté, j’avais toujours à l’esprit ce coma qui m’avait propulsée dans la vie d’une femme pour qui être Jedi était un délire imaginaire. J’avais encore bien du mal à me faire à l’idée que j’étais vraiment Jedi.
Je suivis Buzz et ma sœur tout en tachant de me reprendre