Toutes dents dehors, hurlant comme un désespéré, les bras déformés, les serres incurvées, et la démarche grotesque, le T-Rex starwarsien apparut. Il était encore à une bonne vingtaine de mètres de nous. Mais à cette distance, nous pouvions déjà sentir l’odeur de phoque de son haleine, et voir dégouliner des filets de bave putride.
En fait, ce que nous avions en face de nous n’était qu’un bébé. Tout était relatif. Mais je le voyais à sa petite taille. Et je le voyais aussi à ses écailles brunes. Je me souvenais de ce que j’avais lu dans Le Mariage de la Princesse Leia. Les rancors adultes mesuraient près de dix mètres de haut. Ces monstres étaient appelés Voyageurs Bleus du Désert sur Dathomir, et ils étaient capables de soulever un bipode impérial, trois tonnes de duracier, et de le propulser dans les airs pour le faire s’écraser comme un fétu de paille. Et je me souvins aussi qu’ils pouvaient être domestiqués. Les Sorcières de Dathomir les utilisaient comme monture. Ces femmes maîtrisaient la Force. Elles pouvaient communiquer dans une langue inconnue d’elles grâce à la Force. Elles étaient en symbiose avec leurs montures si terrifiantes. Il y avait peut-être autre chose à faire que de lui broyer les cervicales avec la lourde herse de sa prison… Nos connaissances de l’UE allaient peut-être encore une fois nous sauver la vie, et aussi celle de ce pauvre animal.
« _Qu’est ce qu’on fait maintenant ? » Me demanda Kiara.
« _On va tacher de le calmer.
_Le calmer ? Tu veux calmer ça ? Mais enfin !
_Laisse-moi faire.
_Avec joie. »
Je me plantais devant l’animal qui arrivait en hurlant, affolé par les vociférations excitées des spectateurs qui attendaient la curée. Et je commençais à me concentrer dans la Force pour atteindre son esprit. Et ce que je sentis me fis penser que ça n’allait pas être simple de le convaincre de ne pas nous bouffer. Le bébé rancor était complètement paniqué, en colère, désespéré, perdu. En fait, il n’avait jamais eu de maman pour lui apprendre à être gentil avec les autres. Le rancor n’était pas mauvais. Loin de là. C’était une victime innocente des maltraitances des sbires de Jabba, qui l’affamaient et le blessaient pour le tenir à leur merci. Il n’avait aucun point de repère. Et tout ce qu’il savait faire c’était se ruer sur tout ce qui bougeait, car pour lui, toutes les créatures auxquelles il avait affaire n’étaient que des tortionnaires.
Il fallait que je la rassure. Seulement, il fallait qu’il accepte de m’écouter. Et je doutais parvenir à l’amadouer avec un su-sucre. En plus, je n’en avais pas sur moi.
« _Tout doux. » Dis-je. « Tout doux. Ça va aller. Ça va aller. »
Le rancor approchait toujours, faisant trembler le sol à chacun de ses pas, écrasant les débris d’ossements qui jonchaient le sol de sable.
« _Tout doux. On ne te veut pas de mal. »
L’animal me répondait par ses cris cauchemardesques, genre T-Rex spielberguien.
« _Chante lui une berceuse, ça va peut-être marcher. » Me suggéra ma sœur.
Je décelais un tantinet d’ironie dans sa voix.
« _Tu sais que tu as de bonnes idées quand tu veux.
»
La patte du rancor me frôla le crâne, balayant l’air de ses griffes acérées.
« _Tu as vu ? Je suis certaine qu’il voulait me donner la pa-patte !
_Ben voyons ! »
Je tentais à nouveau de toucher son esprit. Je lui lançais des sensations apaisantes, de la douceur, des sentiments de confiance, et de sécurité. Mais l’animal n’avait confiance en personne.
« _A quoi ça ressemble Dathomir ? » Demandais-je à Kiara alors que je faisais un roulé boulé entre ses pattes pour lui échapper à nouveau, pendant que ma sœur avait trouvé refuge sous un éboulis de rocher.
« _Comment veux-tu que je le sache ? J’ai même pas eu le temps de lire le Mariage de la Princesse Leia !
_Bon, ben on va improviser. »
Je tachais d’avoir une attitude la plus calme possible. J’évitais de fuir dans tous les coins de la fosse. Je tachais de lui montrer que je n’avais pas peur de lui. Je lui fis surtout comprendre qu’il n’avait rien à craindre de nous. Il était trop puissant pour nous. Et de toute manière, nous n’avions aucune mauvaise intention à son égard.
Je sentis une onde de Force maléfique commencer à me contrer. Notre cher père avait senti ce que j’étais en train de faire, et il tentait d’insuffler le trouble dans l’esprit de cette pauvre bête.
« _Kiara, occupe-toi de Dooku.
_Qu’est ce que je dois faire ?
_Distrais-le. Fais ce que tu veux. Mais distrais-le.
_T’es marante toi ! Il va me voir venir !
_Alors concentre-toi dans la Force, et lance un bouclier mental pour nous protéger des ces abrutis là-haut. Tu vas y arriver. »
Je vis ma sœur inspirer un grand coup, et fermer les yeux. Je tournais alors à nouveau mon esprit vers le rancor.
Il n’était toujours pas disposé à me faire confiance.
Je décidais d’approcher, lentement, les mains tendues et ouvertes devant moi.
« _Regarde ! Tu peux faire de moi une bouchée. Tu es bien plus fort que moi. Et pourtant j’ai confiance en toi. Je ne peux te faire de mal. Je ne veux pas te faire de mal. Je te demande juste de m’aider. Tu peux nous aider. Nous sommes comme toi. Nous sommes prisonnières de ces gens là-haut. Ça les amuse de nous torturer, toi, comme nous. Je peux communiquer avec toi. Je sais que tu peux me comprendre. Notre seule solution pour nous libérer de ces gens c’est d’unir nos forces. Ils ont peur de toi. C’est pour ça qu’ils t’enferment ici et qu’ils te torturent. Est-ce que j’ai été agressive envers toi ? Je t’ouvre mon esprit. Tu peux sentir que je ne te veux pas de mal. Je sais que tu souffres. Je sais que tu es malheureux ici. Je sais qu’ils te font du mal. Nous aussi, ils nous font souffrir. Et ils ont si peur de nous qu’ils nous ont jeté ici, pour que toi tu fasses le sale boulot et que toi tu nous tues. Parce qu’ils sont trop lâches pour le faire eux-mêmes. Aie confiance en nous. Si nous nous unissons tous les trois, nous pourrons nous échapper. Et je te promets que nous te ramènerons chez toi, que tu seras libre. Je t’en fais le serment. Si je ne tiens pas ma promesse, tu pourras me tuer. »
Je tachais de mettre le plus de douceur dans mes propos mentaux. Et l’animal commença à l’apaiser.
« _Je vais m’approcher de toi. Je le fais doucement. Regarde. Je suis tellement petite et fragile à coté de toi. Je n’ai pas peur de toi. Je sais que tu ne me feras pas de mal, parce que tu n’as aucune raison de m’en faire. Tu en aurais si je te faisais du mal. Mais quel mal pourrais-je te faire ? Je ne suis qu’un insecte à coté de toi. En un coup de patte tu peux me tuer. »
Je tendis ma main ouverte vers lui. Il baissa sa lourde tête, et renifla mes doigts. Je sentis son souffle chaud et humide sur ma peau. Il se releva en poussant un cri. Puis, il se bassa à nouveau. Cette fois, son mufle s’approcha de ma tête. Il renifla mes cheveux, mon cou, mes épaules, et poussa quelques petits gémissements plaintifs et interrogateurs.
« _Je suis à ta merci. Tu peux sentir que je suis honnête avec toi. Tu vois ? Je te fais totalement confiance. Je peux t’aider, si tu nous aides à sortir de là. »
L’animal s’empara alors de moi de sa patte gauche. J’étais en fermée entre ses griffes géantes.
La foule se mit à crier de satisfaction et d’excitation. J’eus moi-même un sursaut de crainte. Ma sœur cria d’effroi. Je la rassurais. Tout allait bien, malgré les apparences.
« _Allons vers la porte de tes gardiens, Ranky. » Suggérais-je au rancor. « Tu veux bien que je t’appelle Ranky ? » L’animal était interrogateur. Il ne comprenait pas. « C’est un nom. Ça veut dire que tu es reconnu comme individu. Je m’appelle Lusiana. Et elle, c’est Kiara. Ça veut dire que pour moi, tu es quelqu’un.
_Personne ne m’a jamais donné de nom. » Me répondit Ranky de manière subliminale. Les gardiens sont là-bas.
_Allons-y. Je vais les forcer à nous ouvrir la porte.
_Tu ne peux pas faire ça. Je n’ai jamais réussi à le faire.
_J’ai ma petite idée. Tu as ta force pour arme. Moi, j’ai quelques astuces dans ma tête. Il faut bien que je pallie ma faiblesse d’une manière ou d’une autre.
_Sister ? » Me cria Kiara.
« _Suis-nous !
_Tu crois que…
_Suis-nous. Aie confiance. »
Ma sœur sortit de son abri d’infortune et se retrouva entre les pattes de notre nouvel allié. Celui-ci la regarda. Elle sourit, un peu angoissée. Et de son autre patte, Ranky la souleva délicatement, et fit demi-tour pour franchir la lourde herse.
Nous nous retrouvâmes devant une porte de duracier avec une petite, mais solide, grille de visu. De l’autre coté, deux gardiens ventripotents regardaient, ahuri de nous voir ainsi dans les pattes du rancor et que celui-ci semblait plutôt de bonne composition à notre égard.
D’un mouvement de passe-passe avec les doigts, j’en forçais un à activer la commande d’ouverture de la porte.
Les deux hommes regardèrent vers le rancor, complètement pétrifiés de peur, incapables de la moindre réaction. Profitant de cet instant, je lançais la Force vers un electrostaff appuyé contre le mur et m’en emparait. Je sentis la colère du rancor monter à nouveau. Il me lâcha brusquement et se mit à hurler de rage. Il devait se prendre de sérieuses décharges de cet engin. Il allait s’en prendre à moi. Je le rassurais aussitôt. Je n’avais absolument pas l’intention de m’en servir contre lui. D’un mouvement lest, je profitais de la terreur des deux gardiens pour les neutraliser.
Hélas, la porte était trop petite pour que Ranky puisse s’échapper par là avec nous. Comment diable avait-il pu être amené ici ?
« _J’étais bien plus petit à l’époque. » Me répondit-il.
Forcement. J’aurais du y penser. Ranky avait grandit depuis son arrivée ici.
« _J’aurais du les tuer de mes mains ! » Entendis-je une voix hurler par-dessus les cris de la foule penchée au dessus de la grille scellant la fosse.
Dooku était furieux. Il n’allait pas en rester là. Les choses se gâtaient. Nous n’étions pas sortis de l’auberge.
« _Sister, le seul moyen de sortir de là avec Ranky, c’est de faire bouger la grille de la grande salle.
_Ah oui, pas bête. Mais faut encore trouver la commande.
_Sauf que Dooku et Fett vont pas faire de quartier. Et Ranky risque d’être blessé.
_Je vais tous les bouffer ! » Gronda notre ami dans son langage.
« _Tu ne boufferas personne. On est des gentils nous. On ne tue personne.
_Même pas les méchants ?
_On ne tue et on ne bouffe personne. » Insistais-je.
« _Même pas cette grosse larve verte qui gigote ?
_Si tu as envie de t’empoisonner…
C’est à ce moment là que nous entendîmes un changement dans les cris de la foule. Elle n’était plus en colère de voir que son spectacle ne tournait pas comme elle en avait envie. Elle n’était plus avide de sang et de sensations forte. Elle était soudain… effrayée. Que se passait-il ?
Je sentis alors deux signatures dans la Force. Deux signatures que je connaissais bien. Mace et Qui-Gon étaient arrivés.
« _Ok. C’est cool. Les gars sont arrivés. Ils vont occuper Dooku pendant un moment. Kiara, Ranky, vous restez là tous les deux. Kiara, tu veilles sur lui.
_Elle. » Corrigea le rancor.
_Comment ça, elle ? » Demandais-je.
« _Je suis une fille.
_Une fille, oui.
_Non, mais c’est normal que tu t’en sois pas rendu compte, j’ai pas encore eu ma puberté. J’ai pas encore eu de poussée d’hormones. »
J’étais un peu étonnée de n’avoir pas senti que nous avions affaire à une petite rancorette. A la voir en colère toute à l’heure, je n’osais imaginer dans quel état pouvait se trouver une femelle quand elle avait ses ragnagnas. Je la regardais un instant. C’était vrai qu’elle avait de jolis yeux, qui avaient une certaine douceur. Quand on savait que c’était une fille, on pouvait voir chez elle quelques trait féminin, en effet. Mais fallait vraiment être habitué quand même.
« _oui, bon ! D’accord. Kiara, tu veilles sur Mademoiselle Rancor. De toute manière, ce prénom va aussi bien à une fille qu’à un garçon. Vous restez là toutes les deux. Et Kiara tu empêches quiconque de s’en prendre à elle.
_Je peux me défendre toute seule
.
_Oui. Mais justement. Je ne veux pas. Tu leur ferais trop mal.
_Et alors ?
_Et alors ? Alors on des gentilles nous. Je te l’ai déjà expliqué.
_Je vais essayer, mais je garantis rien. »
Je soupirais. Ce n’était vraiment pas le moment de faire la morale à une jeune femelle rancor.
« _Mais toi, Sister ? Qu’est ce que tu vas faire ?
_Je remonte là-haut pour trouver la commande de la grande grille.
_Mais tu vas te faire tuer.
_On n’a pas le choix. J’ai promis à Ranky qu’on ne la laisserait pas ici. Alors il est hors de question de ne pas la libérer.
_Si tu ne reviens pas, je la bouffe.
_Tu ne boufferas personne.
_N’empêche que si tu ne reviens pas, je la bouffe.
_Sister !
_Ne t’inquiète pas. Tu as confiance en moi ? » Ma sœur nous regarda tour à tour, inquiète. « Tu as confiance en moi ?
_Ben… oui, quand même.
_Bon, et bien je vais revenir. Parole de Lusiana.
_Et moi ? Qu’est ce que je fais pendant ce temps là ?
_Trouves-toi une arme, et reste avec elle.
_Oui, mais…
_Jouez au Uno ! Faites un streap-poker ! Faites ce que vous voulez. Je n’en ai pas pour longtemps. »
Et je les plantais là, armée de mon electrostaff.