Une autre porte était ouverte, donnant sur une autre vaste pièce. J’aperçus alors Bib Fortuna. Ce lâche était en train de piller le trésor de Jabba. Surpris par notre arrivée, il nous dévisagea avec d’autant plus de frayeur qu’il vit Ranky derrière nous.
Il se mit à balbutier de ne pas le tuer, qu’il était notre humble serviteur, que Jabba le tenait en esclavage, qu’il ne faisait que ce que son maître lui disait de faire, qu’il ne voulait pas mourir, qu’il implorait notre pitié. Et un éclair de malice me traversa alors l’esprit.
« _Tu vas prendre tout ce qui se trouve ici, Fortuna. Et tu vas le distribuer aux pauvres gens de Mos Espa. Et tu vas affranchir tous les esclaves de Jabba en n’oubliant pas de leur donner une part du butin. » Lui ordonnais-je alors en faisant bouger mes doigts.
Il répéta après moi, comme un zombie.
« _Ensuite, tu quitteras Tatooine, et tu entreras dans l’Ordre des Silencieux. Tu te dévoueras ainsi aux malades à travers la galaxie pour le restant de tes jours. » Continuais-je.
A nouveau, le Twi’leck répéta.
Puis il se mit à continuer d’amasser les trésors du Hutt.
« _Tu crois que ça va marcher, Sister ?
_Au moins le temps de donner toute cette fortune si mal acquise aux pauvres. » Répondis-je.
« _Alors on ne le bouffe pas ? C’est peut-être meilleur que le Hutt.
_Non. On ne le bouffe pas. Et on ne bouffe personne. » Répondit ma sœur avec une pointe d’agacement.
_Mais j’ai faim, moi !
_Tu mangeras toute à l’heure. Pour le moment, on n’a pas le temps. » Répondis-je.
La rancor bougonna mais nous emboîta le pas. Disons, qu’elle marchait le dos courbé, pendant que nous courions entre ses pattes. Nous entendions au loin, dans les sous-sols du palais de Jabba, les coups de feu et les cris. Mace et Qui-Gon étaient seuls contre nous ne savions combien d’adversaires. Nous croisions des gens blessés qui tentaient de fuir et qui restaient pétrifiés lorsqu’ils nous voyaient, et surtout quand ils voyaient Ranky. En tremblant, l’un d’eux nous indiqua le chemin.
« _le… le… le hangar, en bas. » Balbutia un Brownie qui avait perdu un bras.
D’un air hébété et ahuri il nous regarda passer, complètement décontenancé d’être épargné.
Quelques secondes plus tard, nous arrivions dans l’immense hangar qui ressemblait à celui du palais royal de Naboo, à ceci prêt que les murs étaient recouvert d’une saleté repoussante, que le sol était jonché de câbles rouillés, de pièces détachées en tout genre, de tache de cambouis.
Qui-Gon et Mace étaient au milieu d’une mêlée incroyable. Mace repoussait tant qu’il pouvait les tirs de blaster des battle droïdes et des sbires de Jabba, pendant que Qui-Gon affrontait son ancien maître, le Comte Dooku. Je remarquais alors un corps sans vie à deux pas de Mace. Jango Fett gisait, une brûlure de laser au niveau du col de son armure madalorienne en guise d’épitaphe. La tête avait roulé dans le casque à quelques pas de là. Mais il n’y avait pas d’enfant pour s’en recueillir. Il n’y aurait pas d’enfant. La dynastie Fett des chasseurs de primes s’arrêtait là, sur le sol poussiéreux du palais de Jabba.
Mace nous aperçut le premier.
« _Iana ! Kiara ! Attrapez ! » Nous cria-t-il en nous lançant deux sabres laser qu’il dirigea grâce à la Force.
Dooku tenta de les intercepter. Mais je fus plus rapide. Je bondis dans la mêlée, attrapant un des sabres au vol, l’activant avant de reposer pied à terre.
« _Ranky ! Planque-toi ! Et promis tu pourras manger tout ce qui traînera par terre après. » Lui ordonna ma sœur en attrapant alors son sabre.
« _C’est quoi ce truc ? » Me demanda alors Mace en repoussant les tirs et en détruisant un droïde.
« _Quoi ? Ranky ? Et bien, comme son nom l’indique, c’est un rancor, enfin une rancorette.
_On en parlera toute à l’heure.
_A ton service.
_Et on parlera de pas mal d’autre chose aussi.
_A ton service, mon chéri. Bon tu te bats ou tu m’engueules ?
_Les deux ! Et je fais ce que je veux. »
Kiara et moi étions plongées au cœur de la bataille. D’un œil, je vis que Qui-Gon et Dooku se livraient à un duel sans pitié. Le maître contre le padawan, le traître contre l’intègre. Je sentais la colère de mon ancien maître, et sa déception aussi, de voir son propre maître, celui qui lui avait tout appris, trahir ainsi les valeurs qu’il lui avait inculquées.
Soudain, j’eus peur pour Qui-Gon. Il était sur le fil du rasoir. Il était prêt à basculer à n’importe quel moment.
Mais je ne pouvais rien faire. Mace, Kiara et moi étions en but à une armada qui n’entendait pas nous laisser l’avantage. Nous étions à trois contre 30. Nos sabres zébraient l’air dans un ballet sans cesse improvisé, ponctué par nos sauts et nos pirouettes. Un œil spectateur aurait pu y voir la maestria des moines de Shao Lin. Cela devait certainement être splendide à voir. Dramatique, mais splendide. Dramatique par le fait que chaque geste mal effectué pouvait engendré la mort. Splendide parce que chaque geste bien effectué sauvait la vie, mais donnait la mort aussi. La mort a ceci de paradoxal que son drame la sublime.
Un par un, nous nous débarrassions de nos adversaires.
« _Va aider Qui-Gon. » M’ordonna Mace.
« _Vous n’allez pas vous en sortir à deux. Ils sont trop nombreux.
_Il a besoin de toi. Va l’aider ! » Le regard impérieux de Mace m’empêcha de résister d’avantage.
En quelques passes de sabre et deux pirouettes, j’étais près de mon ancien maître, face à mon père.
« _Salut, ça baigne ? Marrant ton jeu ! Je peux participer ? » Demandais-je avec désinvolture en me lançant dans le duel. « Salut, P’Pa !
_Toujours aussi arrogante, Lusiana ! » Me répondit Dooku.
« _Bon sang ne saurait mentir, pas vrai ? Tel père, telle fille. Mais c’est vrai qu’il va falloir que je me calme de ce coté là. Je n’ai pas envie de vous ressembler. »
Dooku eut un rictus ironique en même temps qu’il repoussait mon attaque de la seconde lame de feu qu’il avait activé en même temps que je m’invitais dans leur petit tête à tête.
Qui-Gon serait les dents. Il n’était pas vraiment en humeur de goûter mes sarcasmes.
« _Pourquoi t’entêtes-tu ainsi, Qui-Gon ? Ne vois-tu pas ce que l’Ordre Jedi a détruit ? Il t’a privé de ta femme. Il t’a privé de ton fils.
_Raté ! Obi-Wan sait qui est son père. Et tout baigne de ce coté là. » Répondis-je à la place de Qui-Gon.
Nous enchaînâmes quelques passes ardues. Dooku était pourtant seul contre nous, mais nous n’arrivions pas à l’affaiblir. Qui-Gon n’était pourtant pas un novice, et même si j’étais un peu rouillé, je ne pensais plus à ce rêve qui m’avait fait croire que je n’étais pas Jedi. Je me retrouvais dans le combat. Mieux, je ne doutais plus du tout.
« _Vous n’arriverez pas à nous faire sombrer ni l’un ni l’autre. » Dis-je alors à Dooku entre deux parades.
« _Alors il faudra que je vous tue tous les deux.
_A moins que ce ne soit nous qui vous tuions.
_Ne t’imagine pas être de taille à lutter contre moi.
_Cause toujours, Fossile ! »
Le combat redoubla d’intensité.
De leur coté Mace et Kiara devaient lutter contre ces saloperies de droïdekas, qui comme chacun le sait, étaient dotés de boucliers. Autant dire qu’ils se faisaient arroser copieusement sans pouvoir les affecter le moins du monde en leur renvoyant leurs tirs. On aurait dit un double mixte Navratilova Noah (sans les cheveux) face à une demi douzaine de canons à balles. On aurait dit deux Forrest Gump qui renvoyaient les balles de ping-pong. Sauf que ce n’était pas des balles de plastique blanc qu’ils renvoyaient avec leurs lames laser. Ils ne risquaient pas de simples bleus s’ils ne les avaient pas renvoyées.
Et malheureusement ce qui devait arriver arriva. Kiara fut blessée à la jambe. Il lui était désormais impossible de combattre.
« _Mettez-vous à l’abri ! » Lui hurla Mace.
Mais il fallait plus que l’autorité d’un maître Jedi aussi tondu soit-il pour empêcher ma sœur de défendre son zomme et sa sister. Elle n’avait pas dit son dernier mot. Et ce n’était pas parce qu’elle était au sol qu’elle ne pouvait rien faire. Elle avait la Force avec elle. Elle avait la meilleure alliée de l’univers.
Se concentrant dans la Force, elle jetait sur les engins neimoïdiens tout ce qu’elle pouvait faire léviter. A défaut de les neutraliser, cela perturbait leurs tirs et permettait à Mace de mieux renvoyer les tirs et petit à petit faire faiblir les boucliers.
Quant à mon ancien maître et moi, nous avions fort à faire contre mon cher géniteur. Dooku avait toutes les allures d’un patriarche snobinard, il n’en était pas moins encore très habile, et même mieux. Et je fus à mon tour blessée. Un tir de droïdekas, dévié par les jets d’objet de ma sœur, m’atteignit dans le bas du dos, m’arrachant un cri de douleur terrible avant que je ne m’effondre.
« _Sister ! » Entendis-je avant de m’évanouir. Et ce fut le trou noir.
Et grâce à Kiara, je m’éveillais seulement quelques secondes après. Elle s’était concentrée dans la Force pour me ranimer. Il était évident que ma sœur, en plus d’être archi diplômée en médecine, avait le don de guérison dans la Force. Il fallait que je reste consciente, ne serait-ce que pour me défendre le cas échéant.
Mais Qui-Gon était désormais seul face à Dooku, et je craignais pour lui. Nous craignions tous pour lui. Non pas que nous doutions de ses talents de bretteurs face à un ancien maître dont la réputation en la matière n’était plus à faire. Nous redoutions surtout ce que nous sentions. Qui-Gon était sur le fil du rasoir. Déçu, amer, profondément blessé, en colère, il était à un poil de barbe de sombrer. Il était à un cheveu de céder à la colère et à la haine. Et c’était précisément ce que Dooku recherchait. Et lorsqu’il vit Kiara se faire blesser, puis moi, nous sentîmes qu’il ne manquait plus qu’une molécule d’eau pour que le vase déborde. Il nous fallait l’apaiser, le rassurer, lui montrer que nous avions confiance en lui et que nous le soutenions dans son combat, que nous étions une famille, une véritable famille, soudée à jamais.
Et soudain ce fut le drame.
Alors que Mace se rapprochait de Qui-Gon pour l’aider tout en repoussant les droïdekas, mon ancien maître, aux prises des deux lames de Dooku, effectua un retourné magistral, sautant par-dessus un des sabres de mon père, tout en balayant l’air du sien. Dooku, surpris par la manœuvre, fit un pas de coté pour se retourner et prendre Qui-Gon à contre-pied. Mais Jinn avait anticipé. Et Dooku s’empala sur la lame verte de son ancien padawan. Au même moment, le bouclier du dernier droïdekas rendait l’âme et mon époux se chargeait de le détruire.
Le temps sembla se figer. La stupeur transforma les traits du visage de mon père, alors que j’hurlais un non à m’en briser les cordes vocales. Jinn venait de terrasser Dooku. Et c’était moins la mort imminente de mon père qui m’affectait que les conséquences terribles qu’allait avoir cet événement sur mon meilleur ami.