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Par Lusiana Windu



II

Lorsque nous rentrâmes à la résidence du ministre, le père de Merine, ce que je redoutais arriva. Je tombais nez à nez avec Qui-Gon qui, surpris, me dévisagea des pieds à la tête.
" _Et bien, Lusie… te voilà… particulièrement bien apprêtée.
_Je vous prie de m'excuser, Maitre. C'est un cadeau de Merine et ses amies. Je n'ai pu refuser. Je monte immédiatement me changer. " Répondis-je en rougissant jusqu'aux oreilles.
" _Je t'en prie, Lusiana. Cette tenue te va vraiment très bien. Pourquoi ne viendrais-tu pas ainsi au dîner du Vice-Roi ?
_Maitre Jinn, vous n'y pensez pas. " Protesta soudain Merine. " C'est une robe d'après-midi, pas une robe de soirée, encore moins une robe de grand soir ! Je devrais pouvoir trouver facilement une robe plus adéquate dans ma garde robe. "
Je regardais mon amie surprise.
" _Oui, bonne idée. Merci Merine. Je suis certain que Lusiana va beaucoup apprécier de porter une tenue plus féminine, pour une fois.
_Mais Maitre…
_On obéit à son maitre, Jeune Padawan. " Je restais interdite. Je m'étais attendue à des réprimandes ou, au mieux à une froide indifférence de la part de Qui-Gon. Mais au lieu de cela, il encourageait Merine et me complimentait. " Une jeune fille, même Padawan Jedi a aussi le droit de se montrer un peu coquette. Tu es trop sérieuse, Lusiana. Fais attention, ou tu va finir par ressembler à Mace Windu. " Me répondit-il avec un clin d'œil.
" _Il n'y a aucun risque, Maitre. J'aurais toujours plus de cheveux que lui… et moins de barbe que vous. "
Il éclata d'un rire franc et joyeux.
" _Allez donc vous parer, mesdemoiselles. Comment donc disent les femmes ? Ah oui, allez donc vous repoudrer le nez. Et ne traînez pas trop. Votre père nous attend, Merine. Il ne serait pas convenable de faire attendre Son Altesse. "
Qui-Gon s'inclina et nous laissa.

" _Alors ? Tu vois ? Pas besoin de nous triturer les méninges pour le convaincre ! " Me dit Merine satisfaite alors que nous montions les escaliers vers sa chambre. " Il n'est pas si sévère que cela !
_Cela m'étonne beaucoup, d'ailleurs. Je me demande ce qu'il a derrière la tête.
_Pourquoi est ce que tu cherches des raisons cachées là où tout est clair ?
_Parce que je connais mon maitre. Il ne fait jamais rien sans une raison précise. Je dois tirer un enseignement de tout ceci. Je n'ai plus qu'à trouver lequel.
_Tu te compliques trop la vie, Lusie. Détends-toi un peu ! Et vis l'instant présent ! Profite un peu de ta jeunesse et de ton insouciance. Voilà l'enseignement que veut te faire comprendre ton maitre. Maintenant, dépêchons-nous. Je ne voudrais pas faire attendre Laran.
_Laran ? Pourquoi redoutes-tu de le faire attendre ? N'as-tu jamais appris qu'une jeune femme doit aussi savoir se faire désirer ? " Merine s'arrêta à mi-palier. " Et bien alors ? Je croyais que tu voulais te dépêcher. Tu vois que j'apprends vite.
_Oui… très vite. Il va falloir que je commence à me méfier de toi. Je crains que tu ne deviennes très vitre une concurrente sérieuse.
_Aucun danger, Merine. Tout d'abord, je suis loyale en amitié. Et de plus, tu oublies que les Jedi ne s'occupent pas d'affaires de cœur. "

J'accompagnais donc Maitre Jinn à cette fameuse réception donnée par le vice-roi d'Alderaan. Et lorsque nous parûmes cote à cote, montant les marches du parvis du palais princier, il aurait été difficile à croire que la jeune personne richement vêtue qui se tenait aux cotés du maitre Jedi était son élève padawan. A son habitude, il portait son immense manteau marron par-dessus sa tunique de lin écru. Quant à moi, rien de me distinguait des jeunes alderaaniennes qui étaient invitée à cette soirée.

" _Je vois que tu as tout de même gardé ton sabre. " M'avait-il soufflé à l'oreille juste avant de monter dans les speeder qui devait nous conduire au palais.
" _Un Jedi ne se sépare jamais de son sabre, Maitre. Et cette robe n'est qu'une enveloppe de tissus, tout comme l'est votre kimono. Ce n'est pas l'habit qui fait ou qui ne fait pas le Jedi. " Lui répondis-je.
" _Tu es en train de devenir aussi sage que belle, Lusie.
_Espérons qu'après la maturité, l'age ne gâte pas ma sagesse comme il ne manquera pas de gâter ma prétendue beauté. "
Maitre Jinn se tut et me regarda intensément.
" _Elle est loin l'adorable peste qui m'avait bousculé dans les couloirs du Temple. " Soupira-t-il. " Tu as beaucoup grandi, Lusie. Tu as mûri aussi. Tu n'es plus une petite fille. Il va falloir que je fasse attention à ne pas me faire prendre au piège de tes grands yeux verts.
_Je ne vous savais pas un esprit à dire des balivernes courtoises, Maitre. Je vous pensais beaucoup plus sage que cela.
_Je suis sage. Mais je n'en suis pas moins homme, Lusiana. " Me répondit-il sombrement en détournant le regard.

Je ne sus que bien plus tard comment interpréter son attitude de ce soir-là. Cela aurait du nous alerter. Mais nous étions loin de nous douter de la suite des événements.

Le vice-roi avait invité tout le gratin du gotha alderaanien et quelques hauts dignitaires d'autre planètes pour ce dîner de gala de bienfaisance. La grande salle d'apparat du palais princier étincelait de mille feux, tant au niveau des dorures de la décoration qu'au niveau des riches atours des convives. En voyant tout ce beau monde ainsi paré, je vis avec satisfaction que ma tenue était certes très élégante et de circonstance, mais qu'elle n'était pas aussi luxueuse que cela. Je me sentais mal à l'aise, et mon désir le plus cher était en fait de m'en aller le plus rapidement possible.

" _Maitre… que sommes-nous venus faire à ce dîner ? " Demandais-je à mi-voix.
" _Nous sommes venus apporter notre soutien à la cause du vice-roi. Nous sommes venus apporter notre crédit de Jedi. Le vice-roi a invité une dizaine de capitaines d'industrie alderaanien et étrangers. Ces personnes ont énormément de moyens financiers. Elles ont des fortunes colossales. C'est d'eux que le vice-roi espère obtenir des dons conséquents. En assistant à cette réception, nous montrons que l'Ordre Jedi soutient l'œuvre humanitaire du vice-roi. Je te rappelle aussi que les Jedi agissent toujours avec l'accord du Sénat et du Chancelier Suprême. Notre avis compte énormément dans les hautes sphères gouvernementales. Une mauvaise impression sur nous pourrait ruiner ces gens. Imagine que nous lâchions dans une conversation : Untel ? Oui, il me semble l'avoir rencontré lors d'un dîner donné par le vice-roi d'Alderaan. Il ne m'a pas fait bonne impression. D'ailleurs, il n'a pas jugé utile d'apporter sa contribution financière à l'aide des réfugiés. Imagine ce que pourrait en déduire ton interlocuteur. Les conséquences pourraient être particulièrement graves pour cette personne.
_En sommes, nous sommes le cachet de crédibilité du vice-roi, nous lui faisons sa publicité, et nous servons aussi de moyen de pression pour que tous ces nababs mettent la main au porte-monnaie.
_Tu as tout compris. Présenté comme tu viens de le dire, cet aspect de notre mission peut paraître un peu trivial. Mais…
_D'un certain point de vue, Maitre. " Le coupais-je en lui lançant un clin d'œil complice. " D'un autre coté, il faut voir tout le bien que les alderaaniens feront avec cet argent. J'ai pourtant une question. Comment pourrais-je vous aider ce soir, alors que depuis notre arrivée, je n'ai assisté à aucune réunion avec vous ?
_Tu feras la même chose que moi, Lusiana. Tu répondras avec ton cœur, et avec ton âme de Jedi. Occupe-toi de sensibiliser les jeunes gens à notre cause, et je me chargerais des pontes politiques. " Merine arrivait presque en courant à notre rencontre. " Voici ton amie. Tache de t'amuser également. " Il s'éloigna.
" _Lusie ! Laran est là. Viens que je te présente.
_Tu oublies qu'il était à l'astroport le jour où je suis arrivée avec Maitre Jinn.
_Ah oui, c'est vrai. Mais ce n'était pas pareil. Ce soir, nous sommes là pour nous divertir. Ce n'est pas le même contexte.
_Ne t'inquiète pas. Je ne chercherais pas à le séduire. Je vanterais tes qualités, si besoin est. "

Je n'eus pas grand peine à repérer le prince Organa au milieu des autres invités. Son allure princière le faisait le remarquer même de loin. Il dégageait de lui une telle noblesse que je comprenais pourquoi tant de jeunes filles de l'aristocratie alderaanienne en avaient la tête tournée. Si je n'avais pas été apprentie Jedi, j'aurais certainement été moi aussi séduite par le prince Laran. Si je n'avais pas été la Padawan de Maître Jinn, je n'aurais pas été présente à cette réception.

Laran Organa se tourna vers nous, et son visage s'illumina d'un sourire radieux en apercevant Merine. Sans que je sus me l'expliquer, mon cœur bondit et se serra dans ma poitrine. Mes sens de Jedi m'informèrent sans que j'eus besoin de regarder Merine que cette joie était partagée. Mon amie n'avait pas de soucis à se faire. Le cœur du prince lui était dévoué. Entre toutes les jeunes filles qui tachaient d'attirer l'attention d'un tel parti, Laran avait fait son choix, il s'appelait Merine Colona. Je ressentis une telle harmonie, une telle complicité entre ces deux jeunes gens, juste à travers ce regard qu'ils venaient d'échanger, que j'en fus particulièrement heureuse, mais en même temps, ce bonheur si doux me fit éprouver un agacement et une tristesse. Ce bonheur que Merine et Laran éprouvaient à la simple vue l'un de l'autre m'était défendu. Je n'avais pas le droit de le connaître personnellement. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix ; Il n'y a pas de passion, il y a la sérénité. Disait le Code Jedi. Une petite voix dans ma tête s'interrogeait. Il n'y a donc pas de sentiments, il y a l'indifférence ? Il n'y a donc pas de partage, il y a la solitude ? Il n'y a donc pas de bonheur, il y a les regrets ? Ce fut plus fort que moi. Je me sentis me révolter contre ces préceptes du Code. En quoi Laran et Merine étaient-ils différents de moi ? Pourquoi n'avais-je pas le droit de partager ma vie avec un homme qui aurait pu m'apporter un peu de bonheur, à qui j'aurais pu donner mon cœur ? Les devoirs du jeune prince et ses futurs devoirs de vice-roi, de chef d'état étaient tout pesant que les miens. Et pourtant, rien ne lui interdisait de fonder une famille. Je serrais les dents en me disant que je devais maîtriser ces émotions nouvelles que j'éprouvais. Ce n'était qu'une épreuve de plus vers celles finales qui feraient de moi un chevalier Jedi. Je m'aperçus pourtant qu'une fois de plus, mon esprit revêche se pliait mal à la discipline du Code Jedi.
Je me raisonnais tant bien que mal. Le Prince Laran s'approchait de nous.

" _Ma chère Merine, comme toujours, te voici telle un soleil éclipsant toutes les étoiles ici présentes. " Lui dit-il en déposant un baiser sur ses doigts.
" _Laran, tu n'es qu'un vil flatteur. Tu fréquentes trop les diplomates et leur verbiage de courtisans déteint sur toi.
_Ce n'est pas la manière dont on exprime ses sentiments qui compte. C'est de les éprouver réellement, et de mettre dans les mots les émois de son cœur. Padawan Nakeji, je suis heureux de vous revoir. Nous ne nous sommes plus rencontrés depuis votre arrivée. Et je dois dire que votre robe met bien plus en valeur votre beauté que ces effroyables vêtements Jedi de toile grossière. Ce violet vous va à ravir.
_Merci, Altesse. Il est vrai que je suis très peu coutumière de ces vêtements luxueux. Mais vous savez ce que l'on dit : à Coruscant, fais comme les coruscantis.
_Pourtant, votre maitre s'est entêté dans son " uniforme " Jedi.
_Mon maitre n'a pas besoin d'artifice pour qu'on le remarque. Sa sagesse seule suffit à rendre son souvenir impérissable. Malheureusement pour moi, je n'ai pas cette sagesse. Et venir vêtue de ce que vous appelez un uniforme Jedi n'aurait fait que me rendre singulière, sans pour autant que je brille par mon intelligence. J'ai préféré me rendre à l'avis de Merine. Cette robe est certes somptueuse, mais elle a surtout l'avantage de me permettre de me fondre au milieu de toute cette charmante assemblée qui rivalise d'élégance.
_Question rivalité, vous n'avez que peu de personnes à redouter, mise à part ma chère Merine. Mais il faut dire qu'à son sujet, c'est mon cœur qui parle. Et comme je ne vous l'apprends pas, le cœur n'est que rarement objectif. Merine, combien de danses as-tu déjà promises ?
_Mais toutes, évidement ! Et à une seule personne.
_Et qui donc est cet heureux élu ?
_Comme si tu ne le savais, pas. Toi, bien sur !
_Alors j'ai hate que le bal commence. Nous aurons l'occasion de bavarder à nouveau pendant le dîner, Padawan Nakeji. Pour l'heure, je me dois de remplir mes obligations princières. A plus tard, mesdemoiselles. "

La soirée fut plaisante. Placée entre mon maitre et le prince, je pus aussi deviser agréablement avec la fille aînée du Prélat de Caamas qui était aussi sa secrétaire particulière. La jeune caamasienne était très érudite et très versée de philosophie. La conversation atteignit rapidement des sommets. Je pus aussi observer à loisir les membres de cette haute société. Les alderaaniens étaient un peuple d'esthètes, aimant le savoir-vivre, les bonnes manières et le raffinement, mais surtout profondément attachés à de nobles valeurs comme la paix, la justice, l'équité, humanistes et engagés dans la défense des libertés et de l'égalité entre les peuples. Ils étaient avec les naboo les fers de lance de la lutte contre toutes les formes d'oppression et pour une société meilleure, soucieuse du bien-être de ses membres. Si cette réception avait pu paraître au premier abord comme pompeuse et superficielle, il n'en était rien en fait. Certes, les bijoux et les toilettes ainsi sortis représentaient des fortunes colossales. Mais cela n'était rien en comparaison du temps et de l'argent qu'ils consacraient à la défense des causes qui leur tenaient sincèrement et véritablement à cœur. Les pierreries et les strass qui brillaient de mille feux reflétaient en fait l'éclat de leur âme pure et noble.

Lorsque le bal commença, Laran s'empressa d'inviter Merine, l'entraînant dans le sillage de ses parents qui, suivant le protocole, ouvraient la danse. Tout le monde s'émerveillait à les regarder et s'accordait à dire que le jeune couple deviendraient de grands souverains.

Les notes de musiques n'avaient pas joué dix mesures que mon maitre me prit la main.
" _M'accorderais-tu cette danse, ma jeune Padawan,
_Mais Maître, je n'ai jamais appris à danser.
_Et bien considère que c'est une nouvelle leçon que je te donne. "
D'autorité, il m'entraîna sur la piste au milieu des autres danseurs. Raide et empruntée, je me sentais vraiment ridicule.
" _Laisse-toi aller au rythme de la musique de la même manière que tu laisses la Force pénétrer en toi. Ne cherche pas à bien faire les pas. Laisse la musique te guider et cela va venir tout seul. " Me dit-il.

C'était la première fois que je dansais vraiment. Nous écoutions de la musique au Temple. Et il nous arrivait quelque fois de danser entre nous. Mais c'était plus du gigottage ou du tortillage que vraiment de la danse. On ne pouvait pas dire de nous, les élèves du Temple que nous étions particulièrement au fait de ce que nos professeurs nous présentaient comme des bagatelles et surtout des pertes de temps. Et de me retrouver là, enlacée dans les bras de Qui-Gon, virevoltant au milieu des autres couples de danseurs dans ce cadre merveilleux et féerique me faisait une impression étrange. Depuis trois ans qu'il était mon maitre, j'avais senti notre complicité grandir de jour en jour. Il était devenu la personne qui m'était la plus proche. Notre lien dans la Force nous faisait nous comprendre sans avoir besoin de nous parler. Nous avions appris à nous connaître et surtout à nous respecter. Cela allait maintenant bien au-delà de la simple relation d'un professeur envers son élève. Il était devenu mon père, mon frère, mon mentor, mon meilleur ami. Il était tout à la fois. Et je savais quelle affection il me portait. Auprès de lui, je me sentais sereine et calme. Sa force et son charisme me rassuraient et me permettaient de me construire chaque jour d'avantage. Je ne savais ce que j'apportais à Qui-Gon en retour de tout ce qu'il me donnait. Nous n'en étions pas encore à cette partie de notre relation. A cette époque, c'était moi qui recevais le plus. Je ne pouvais pour l'heure que lui apporter mon dévouement et mon obéissance les plus absolus.

Dans ses bras, je découvrais de nouvelles sensations. Elles me troublaient. Je ne savais comment les interpréter, comment les analyser. A quelques reprises, je levais les yeux vers lui. Il me souriait, son visage respirant le calme et la quiétude. Je ne pouvais m'empêcher de détourner le regard en rougissant. Aussitôt, je me morigénais intérieurement de réagir ainsi. Il n'y avait aucune raison que je sois ainsi troublée par mon maitre. Son bras m'enserrait la taille, sa main tenait fermement mais doucement la mienne. Perchée sur les talons de mes chaussures, ma joue arrivait à la hauteur de son épaule. Comme il aurait été bon de pouvoir s'y appuyer un moment ! Je me laissais bercer par le rythme de la mélodie. Je laissais les notes cristallines s'emparer de mon esprit pour l'emmener vagabonder vers des horizons nouveaux. La douceur et la puissance qui se dégageaient de mon maitre pendant qu'il me guidait sur la piste m'étaient inconnues. Mon cœur d'adolescente commençait à s'emballer. Je découvrais que mon maitre était un homme qui pouvait susciter des sentiments à la fois délicieux et inquiétants. Alors que jusque là j'avais toujours vu en lui un secours rassurant, je découvrais qu'il pouvait aussi déclencher en moi des émotions qui, tout en me plaisant me faisaient terriblement peur. J'eus soudain envie que la musique s'arrête. Je voulais m'enfuir loin de ses bras. Je me sentais perdre pied. Je me sentais m'égarer sur des chemins qu'instinctivement je savais dangereux. Qui-Gon ne pouvait ignorer le trouble qui me donnait cette sensation de vertige. Pourtant, il se refusait à desserrer son étreinte. Je ne savais plus quoi penser. Je ne savais plus quoi faire. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix. Je me répétais la première phrase de notre code, m;y accrochant comme un naufragé s;accroche au premier morceau de bois flottant auprès de lui. Un test… Qui-Gon me faisait passer un test. Il ne pouvait s'agir que de cela. Mon maitre voulait tester mes capacités à résister à des émotions nouvelles, et à les maîtriser. Tout cela faisait partie de ma formation. Je le savais depuis le début.

Je devenais une jeune femme, tout comme Merine. Mais contrairement à elle, je n;avais pas le droit de me laisser aller aux élans de mon cœur. Pourtant, malgré moi, j'allais commencer à découvrir et éprouver les émois qui portent une femme et un homme l'un vers l'autre. Ma nature de femme se révélait en même temps que je perdais l'innocence que je gardais encore de mon enfance. Et c'était cette nature qu'il allait falloir maintenant que j'apprenne à connaître pour mieux la contrôler, pour arriver à ce niveau de maîtrise auquel mes aînés étaient parvenus et qui avait fait d'eux des chevaliers Jedi et des maîtres. Je commençais à bien me connaître. Et je commençais à me dire que je n'étais qu'au début de l'épreuve. Sans doute celle-ci durerait-elle toute ma vie. Sans doute, serait-il particulièrement difficile pour moi de dompter ma nature impulsive et revêche.

Les dernières notes de musique moururent. Je me sentis à la fois soulagée que cette danse soit terminée et en même temps, j'éprouvais des regrets de devoirs quitter l'étreinte de mon cavalier. Mon regard rencontra celui de Qui-Gon. J'y lus une douceur que je ne lui avais jamais vue. Il n'était pas décidé à me lâcher la main. Déjà un nouveau morceau résonnait dans la salle de bal. Sans un mot, mon maitre m'étreignit dans un nouveau tourbillon. J'avais pourtant décidé de résister aux émotions créées par le plaisir de danser dans ses bras. Cette belle résolution ne tint pas plus de deux minutes. Je l'avais prise au moment où j'avais compris où voulait en venir mon maitre. Mais le plaisir et le bonheur que j;éprouvais en cet instant étaient trop forts. Ils étaient trop doux. Au diable mes résolutions de Padawan sérieuse et assidue. Il serait bien assez tôt d'y revenir une fois la soirée achevée. Maître Jinn semblait ne pas se poser de question à propos du plaisir qu'il prenait à danser avec moi. Mais Qui-Gon était un maitre. Il savait maîtriser ses émotions, et ne pas se laisser submerger par elles. Il connaissait ses limites. Moi, j'avais trop de choses à découvrir. Mais je décidais de ne pas m'en inquiéter. J'avais confiance. Qui-Gon ne faisait rien à la légère. Il ne faisait rien sans être sur de lui. S'il m'imposait cette épreuve à ce moment là, c'est qu'il m'estimait prête à la surmonter. Et j'avais confiance en la Force. Je savais que le moment venu, elle m'éclairerait comme elle l'avait toujours fait depuis seize ans, et depuis treize ans que je vivais au sein de l'Ordre Jedi. Qui-Gon me sourit. Je lui rendis son sourire avec franchise, sans gêne, sans plus d'arrière-pensée ni d'inquiétude.