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Par Emrys Harriet



Chapitre II Revelation

Printemps 2002 A.N.

Le soleil du printemps brillait au-dessus des plaines de Sophus. La matinée avait déjà débuté depuis quelques heures. L’Océan de Verdure revêtait ses habits verdoyants. Les champs reprenaient vie après un long hiver rigoureux. De partout, les hommes amenaient bêtes et outils sur leur lieu de travail. Le temps semblait s’écouler, comme l’eau claire de la Tahir. Mais au plus profond des cœurs, la peur et l’angoisse grandissaient, rendant soucieux, à chaque bruit suspect, les habitants de Sophus. L’ombre s’étendait maintenant jusqu’aux frontières de Paitje. L’hiver ne permettait pas aux ténèbres de passer les montagnes et cela faisait déjà plusieurs saisons que les xouxs s’étaient cachés dans les profondeurs de leurs cavernes. Malgré la menace, les sophustils s’efforcèrent de vivre en paix, comme au temps de jadis. Malheureusement, rien n’était comme avant. Les gens le savaient, et encore plus Gereon. Il avait assisté à la chute de Jouda et du royaume de Roald. Son cœur était lourd et rempli de chagrin. Aujourd’hui, la grandeur de Sophus s’était éteinte dans les âges, seuls quelques hommes croient encore aux anciennes religions, mais la puissance des grands mages avait disparu depuis trop longtemps pour être restaurée. Mais il reste encore un espoir. Gereon était le seul à le connaître. Le jour est venu, où l’héritier de Roald va se réveiller, faisant trembler de peur la puissance maléfique de Fosco.

Le petit hameau de Cionaod ressemblait à une gigantesque fourmilière. Les gens allaient et venaient de toute part, traversant les rues avec char à répulseur ou hotte. Gereon se frayait un passage parmi la foule de paysans. Il portait de vieux vêtements bruns, de grandes bottes sales et pleines de boue et il s’appuyait sur un vieux bâton tout recourbé. Devant lui se trouvait l’auberge ‘‘La corne de bœuf’’. Cela faisait des semaines qu’il avait quitté la ferme et un peu de repos ne serait pas d’un grand refus.
Le bâtiment était le plus grand du hameau. Celui-ci abritait plusieurs chambres pour les voyageurs de passage dans la région. Comme l’architecture de Sophus, l’auberge avait de petites fenêtres en forme de demi-arc, de grandes portes en bois. Les murs blancs étaient traversés de poutres de bois, horizontalement, verticalement et en transversale. Le toit était composé de lames métalliques rouillées. Au-dessus de l’entrée, un écriteau en forme de blason sur lequel était gravée une tête de bœuf et dessous était écrit ‘‘La corne de bœuf’’, se trouvait suspendu par deux grande chaînes en acier.
Gereon poussa la porte en prenant la poignée en forme de corne. A l’intérieur régnait une odeur étrange, mélange de fumée et de plats préparés aux œufs, oignons et lard. Des voix résonnaient dans la grande salle. Des hommes étaient debout sur des tables, chope en main et chantaient de vieilles balades. D’autre riaient en buvant et dansant autour d’eux. Gereon Bachar fit une grimace et soupira. Les gens ne buvaient plus pour les mêmes raisons. Oublier le malheur qui s’abat sur Silaurs, voilà le seul but de l’ivresse maintenant.
D’une table, un homme leva sa chope de bière et appela Gereon, dans un grand cri qui retentit aux oreilles du nouveau venu. Le vieil homme détourna le regard.

- Allez Gereon ! Viens t’asseoir !

Bachar s’approcha de la table. A celle-ci se trouvaient trois hommes. Le vieillard tapait fortement de son bâton sur le plancher de l’auberge. Il prit la dernière chaise et s’assit aux cotés de ses amis. Le premier d’entre eux était Kalarus Tolen, un homme de grande carrure, mais les rides du temps pouvaient se lire sur son visage et ses cheveux blancs témoignaient des dures années de labeur dans les champs. Le deuxième, Marted Felusard, était une personne longue et mince. Il était originaire de Kamîl, mais ses parents avaient émigré en Sophus, il y a des années. Maintenant, ils étaient morts de puis longtemps. Marted retourna dans le deuxième pour leur sépulture. Il y resta quelque temps avec sa famille, avant de revenir. Le dernier était Seddik Jawad, un homme respectable, accroché à la vieille religion, dont certains ancêtres étaient Jedi. Il avait voulu attirer Gereon dans le monde de la magie, mais celui-ci trouvait qu’il était maintenant trop vieux pour cela. De plus, Le vieil homme avait eu assez de travail dont il devait s’occuper.

- Une bière bien fraîche pour mon ami Gereon, Olivan, cria Seddik au barman.
- Merci ,déclara Bachar lorsque le serveur lui déposa sa boisson devant lui.
- Alors, commença Marted. Où étais-tu passé ? Cela fait des semaines que l’on ne t’a plus vu.
- On a même pensé que tu t’étais caché, en vu d’une bataille qui s’annonce, ou même quitté la planète, continua Kalarus.
- Non. Loin de moi l’idée de me terrer comme un xoux dans sa grotte, ou de quitter ceux que j’aime ici, répondit le vieil homme. J’avais envie de voir une dernière fois le pays, avant de retourner à ma ferme pour y demeurer pour toujours.
- Et alors ? Demanda Seddik en tirant une grande bouffée sur sa pipe et en relâchant aussitôt un panache de fumée. Tu as des nouvelles ? Qu’en pensent-ils à Gmyn ?

Gmyn était la capitale de Sophus, ville où le seigneur Serenus Alwis résidait et gouvernait le royaume. Cette cité se trouve être la plus belle de toutes. Un avis que seuls les sophustils partagent, bien entendu. Mais ces temps-ci, le roi avait peur, tout comme le reste du monde, d’ailleurs. Il avait ordonné le renforcement des défenses du royaume.

- Les quatre murs sont en rénovation, répondit Gereon. Celui de Meiko est pratiquement achevé, mais pour les autres, il reste passablement de travail.
- Ils ne seront jamais finis à temps, grogna Kalarus. Les foscioums peuvent attaquer à tout instant. Maintenant que l’hiver a passé, rien ne les empêche d’emprunter les gouffres du Montserrat et conquérir les terres du Sud-Est.
- Les gouffres sont bien gardés, fit Gereon. Je les ai vus de mes yeux. Ils ne se risqueront pas à traverser par là.
- Cette bataille est perdue d’avance, déclara sombrement Seddik. Nous le savons depuis longtemps. Les grands mages ont disparu depuis plus de deux mille ans. Il n’y a plus aucune force dans le royaume de Sophus.
- Et les tours de garde ? Objecta Marted.
- Les tours de garde ! répondit Jawad. Ces bâtiments qui pourraient lancer des rayons laser à distance, avec l’aide du Fluide ? Mais qui aurait le pouvoir de les faire revivre ? Nos fils et filles n’apprennent plus que de petits tours de magie grotesques. Aucun d’entre eux auront la puissance de rallumer les diamants des tours. Et même si quelqu’un y arrivait, les rayons qu’elles diffuseront ne sera jamais assez grands pour repousser les ténèbres de Fosco.
- Tu es trop pessimiste Seddik, déclara Gereon. L’espoir persiste toujours.
- J’aimerai bien avoir une attitude différente, mais il faut voir la réalité en face. Autrefois, notre peuple avait réussi de justesse à repousser les forces ténébreuses et nos ancêtres possédaient d’immenses pouvoirs. Après la Guerre des Sept, que s’est-il passé ? Ils ont tellement eu peur que les foscioums reviennent qu’ils ont construit ces quatre grandes murailles, qui sont aujourd’hui tombées en ruine. Il est clair que sans un appui de la part des derniers royaumes, nous n’aurons aucune chance.
- Mais le roi est très attaché aux anciennes traditions, déclara Marted. Il possède beaucoup de pouvoirs, non ? Il pourrait facilement les utiliser pour allumer les diamants.
- C’est effectivement possible, répondit Gereon.
- Mais rappelons-nous que les tours de garde ont été créées également après la guerre, continua Seddik. Nous ne savons pas du tout si elles fonctionneront, car nous n’avons jamais eu l’occasion de les tester.
- Et si nous lancions un message à la République, fit Marted.
- Pourquoi se soucierait-elle de nous ? Demanda Seddik. Elle a bien assez de problèmes comme ça, à ce qu’il paraît. Non, nous devons régler la question seuls.

Ils restèrent un long moment silencieux à la table.

- Mais comme l’a bien dit Gereon, reprit Jawad. L’espoir persiste toujours, mais il faudra le trouver, ce qui ne sera pas très facile.
- Sur ce, je vous laisse mes amis, déclara Gereon en reposant la chope de bière vide.
- Déjà ! S’écria Kalarus. Mais tu viens d’arriver.
- S’il faut chercher l’espoir, comme l’a si bien dit Seddik, il est préférable de commencer dès maintenant.

Gereon fit un petit sourire, mais lorsqu’il découvrit les visages inexpressifs de ses amis, il reprit un air séreux.

-Bon heu… Bredouilla-t-il. Bonne journée.

Puis il s’avança en direction de la porte, saluant quelques personnes au passage.


Gereon sortit de l’auberge. Il fouilla dans ses poches. Il avait cru avoir perdu quelque chose, lors d’une petite bousculade à l’intérieur. Après tout le voyage qu’il avait entrepris pour la trouver, ce serait trop bête de la perdre maintenant. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Elle était avec lui. Il allait la sortir pour la contempler, mais Seddik sortit également et Gereon retira vite les mains de son manteau.

- Je te raccompagne ? Demanda Seddik qui remit son grand chapeau à plume. J’aimerai te parler seul à seul.
- Aucun problème. Je suis fatigué.

Les deux hommes passèrent à l’arrière de l’auberge, où était resté Reghtis, le cheval de Seddik, ainsi que son char. Ils montèrent à l’avant et dans un bruit de sabots, sortirent de Cionaod.

- Si tu le désires, fit Seddik. J’ai une deuxième pipe à l’arrière.
- Merci, mais sans façon, répondit Gereon. Je me rappelle encore de la première fois que j’ai fumé l’une de tes pipes.
- Moi aussi, je me souviens comme si c’était hier. Après une bouffée, en te voyant marcher, j’ai cru que tu avais bu au moins dix chopes de bière en deux minutes.

Ils se mirent à rire tous les deux. C’était les meilleurs amis du monde. Ils s’étaient connus le 45ème jour d’automne, en 1983 A.N., Gereon avait laissé son fils, entre les mains de ses voisins les plus proches, les Alois, et il était parti à Titus. Le vieil homme avait entrepris des recherches à la bibliothèque de la ville. C’est en revenant à la ferme qu’il rencontra Seddik. Gereon s’était blessé à la jambe. Son vieil ami le croisa et le transporta jusque chez lui. Il lui avait proposé de fumer une pipe. Il avait dit que ses herbes composaient un excellent remontant, que c’était lui-même qui en faisait le mélange minutieux. Ce fut le début d’une grande amitié, même si la pipe qu’avait essayé Gereon, ne lui avait pas donné grande satisfaction, car il toussa pendant plusieurs minutes. C’est en se rappelant tous ces souvenirs, qu’ils éclatèrent de rire.

- Je ne sais toujours pas quelles herbes tu mets dans tes pipes, continua Gereon.
- Je ne le dirai jamais, répondit Seddik. C’est un secret et si je te le dis, tu n’oserais pas m’écouter jusqu’à la fin. (Il prit un air beaucoup plus sérieux.) Dis-moi. Pourquoi es-tu parti aussi longtemps ? Ce n’est pas dans tes habitudes. Tu as toujours voulu rester aux côtés de ton fils. Et de plus tu m’a l’air beaucoup plus joyeux que la plupart des gens, alors que nous savons tous que la planète est au frontières de la destruction. Réponds-moi franchement et sans mentir. Tu peux me faire confiance.
- Je ne peux pas te le dire. C’est un secret.
- Et il sera bien gardé avec moi. Tu sais, un grand secret est trop lourd pour qu’on puisse le porter tout seul. Même si l’on n’y arrive bien, au début, mais au fil du temps, il nous fatigue plus que tout.


Gereon soupira. Ce que lui disait son ami était vrai. Il avait vécu depuis près de vingt-deux ans dans le mensonge. Il avait dit à tout le monde, quant on le lui demandait, qu’il s’était marié en Roald, avec une femme de là-bas, mais que lorsque les foscioums avaient attaqué le royaume, elle avait été tuée. Tandis que lui et son fils avaient fui. Une histoire complètement ridicule, mais on l’avait cru. Après tout, il avait été très convaincant. Maintenant, pourquoi garder encore ces mensonges ? Son fils, qui ne l’était pas réellement, est assez mûr pour connaître la vérité. Et d’ici quelque temps, le monde entier le saura. Enfin de compte, Seddik ne l’avait jamais trahi. C’était son ami le plus fidèle et il savait garder les choses importantes pour lui-même.


- J’avais besoin d’une preuve, Seddik, commença Gereon. Emrys est un grand jeune homme maintenant. Pour lui, il est venu le jour de partir. Cela me chagrine, mais c’est comme cela. Je le savais depuis le début.
- Je ne comprends pas ce que tu me dit, répondit son ami. On dirait que tu veux chasser ton fils, mais tu aimerais qu’il reste. Et quelle est cette histoire de preuves ? Pour Qui ? Toi ?
- Je n’ai pas parlé de mon fils, Seddik. Je n’ai pas de fils.
- Mais Emrys ? Protesta le fumeur.
- Emrys est une promesse que j’ai faite au roi Boto Harriet. (Son ami le regarda étrangement étonné.) Oui. Emrys est le fils de Boto. J’ai promis de l’élever jusqu’à qu’il soit prêt. Maintenant, sa place n’est plus ici.
- Et tu crois vraiment qu’il va te croire !
- Je sais que non. Il aura du mal à s’y habituer, mais je ne peux pas faire autrement. Si je suis parti ces derniers temps, c’était pour retrouver un élément important, afin qu’Emrys me croit. Je sais qu’il a toujours pensé que les histoires que je lui racontais sur le monde, n’étaient rien d’autre que des contes pour enfants. Il n’y a jamais porté un grand intérêt. Il n’aura pas le choix désormais.
- Qui l’aurait cru ? Toi ! Elever le fils d’un roi ! Et que désires-tu qu’il fasse. Prendre le trône de son père. Je suis de ceux qui croient aux anciennes histoires, ce qui fait que je sais que si les ombres ont pu passer la frontière des Terres Nobles, cela veut dire que la couronne de Verum n’existe plus.
- Tu as raison Seddik, la couronne n’existe plus, mais elle n’a pas été détruite pour autant. Ce sera à Emrys de faire en sorte qu’elle réapparaisse.
- Alors nous avons encore un peu d’espoir, mon ami.
- Garde le secret. Je ne tiens pas à ce que l’ennemi soit mis au courant par qui que ce soit.
-Ne t’inquiète pas. Avec moi, ton secret sera bien gardé.


Après cette discussion, ils atteignirent la grande route et cinq minutes plus tard, ils se trouvèrent devant un portail qui séparait un petit chemin de la route actuelle. Gereon descendit après que le char se soit arrêté.


- Je te quitte ici, déclara-t-il.
- Oui. N’oublie pas Gereon. Il y a toujours une pipe qui t’attendra chez moi, lorsque le petit sera parti.
- Merci Seddik. Je ne l’oublierai pas.


Ainsi se séparèrent les deux amis. Gereon rentra chez lui. Demain, ce sera l’anniversaire d’Emrys. Il devait préparer ce qu’il devait lui dire et surtout, être très convaincant.

Le lendemain fut le 23ème jour de printemps. Les terres du royaume de Sophus brillèrent sous le soleil de l’après-midi. Une légère brise soufflait sur les plaines. L’Océan de verdure s’étendait à perte de vue. Des rires volèrent dans les airs, réchauffant le ciel bleu azur.
Brassant les herbes, deux jeunes gens, un homme et une femme, couraient, sautaient et dansaient. L’un poursuivait l’autre. Les rires se faisaient de plus en plus grands. La végétation était assez courte, mais toutefois, de hauteur surprenante pour la saison, jusqu’au niveau des genoux. La jeune femme qui marchait devant, tomba d’un seul coup, en se prenant les pieds dans une pierre. Elle disparut dans les herbes des champs et resta là, entre les brins, dos au sol. Le jeune homme qui la poursuivait, se laissa tomber à son tour à ses côtés. Ils partirent les deux, en éclats de rires. Puis le calme revint lentement.
La jeune fille avait les cheveux châtain-clair, longs et tressés. Ses yeux verts brillaient tels deux émeraudes. Elle portait une robe verte, la confondant presque avec l’herbe. Le jeune homme, lui, avait des cheveux bouclés, noirs et ils lui arrivaient à la hauteur des épaules. Ses yeux étaient bruns. Il possédait un chemisier blanc, un pantalon et des bottes brun-foncé.


- T’avais-je dit que mon père a une surprise pour moi ? Fit le jeune homme à son amie, après que les rires s’estompèrent.
- Non, lui répondit la jeune femme.
- Il me le dira ce soir.
- Une petite surprise pour ton anniversaire.
- Oui. (Il se tourna vers la jeune femme.) Et toi, m’en as-tu fait une ?
- Approche.


Il s’avança vers elle et ils s’embrassèrent tendrement.


- Merci pour ce cadeau.
- De rien. Ça m’a fait plaisir. (Elle fit une pause.) Tu devrais ramasser cette pierre qui m’a faite tomber. Ton père ne sera pas content, s’il casse la lame de sa faucheuse contre elle.
- Tu as raison. Que ferai-je sans toi ?
-Pas grand chose. (Elle sourit, mais le jeune homme se releva et s’éloigna gentiment. Elle se leva et le suivit.) Que se passe-t-il Emrys ?


Emrys ne répondit pas tout de suite. Il continua de marcher, puis s’arrêta, ramassa la pierre dans le champ et se tourna face à son amie.


- C’est mon père, Débora. Il me fait souci. Je ne sais pas. Il a l’air d’être nerveux à l’idée que j’ai vingt-deux ans, aujourd’hui.


La jeune femme lui prit la main et ils reprirent leur marche.


- Ce n’est rien, lui répondit-elle. Ça a sûrement un rapport avec autre chose, mais pas avec ton anniversaire.
- Je l’espère. (Ils s’avancèrent de quelques pas.) J’irai voir ton père, ce soir.
- Emrys !
- C’est toi que j’aime, Débora. Et c’est toi que je désire épouser et nulle autre. Je ne désire point l’une de ces citadines qui n’osent pas s’aventurer dans l’Océan de verdure, de peur que des insectes ne leur grimpent sur les jambes. (La jeune fille ricana.) C’est pourquoi j’irai demander ta main auprès de ton père.
- Ne crois-tu pas que c’est un peu tôt ?
- J’attends ce moment depuis tellement longtemps, que rien ne pourrait me faire changer d’avis. A moins que tu ne le désires point ?
- Je te suivrai partout ou tu iras. Je te le promets.
- Je te remercie. (Ils s’arrêtèrent, car la maison d’Emrys apparut devant eux.) Je dois y aller. Mon père m’attend. (Il lui fit un baiser sur la joue.) Je te vois ce soir.
- Oui.


Ils se tenaient toujours la main, tandis qu’Emrys s’éloignait d’elle. Leurs mains se séparaient lentement. Débora resta un instant, à le regarder s’en aller, puis elle partit à son tour chez elle. L’épouser ! La jeune fille le comprenait. Cela faisait déjà deux ans qu’ils étaient ensembles et ils se voyaient tous les jours car ils étaient voisons. Mais Débora avait quelques réticences. Son père n’était pas vraiment joyeux à l’idée qu’elle épouse le fils d’un fermier.

La maison du jeune Emrys était une ferme isolée, au milieu des champs de son père. Comme tous les sophustils possédant des terres dans la campagne, le père d’Emrys sortait peu souvent en ville. Il préfèrit l’Océan de verdure et ses champs fertiles. Ce qui étonnait Emrys était qu’il soit parti pendant plusieurs semaines et qu’il n’était revenu que hier. Volets bruns, murs devenus légèrement gris avec le temps, poutres et porte en bois, le toit en métal : la maison était belle et chaleureuse pour une ferme.
Le jeune homme ouvrit la porte et entra dans le salon. C’était la plus vaste pièce, où un feu flambait au fond de la salle, dans une grande cheminée. Son père, assis sur une chaise à bascule, regardait paisiblement les braises du foyer rougir. Emrys s’avança dans sa direction, puis arrivant à ses côtés, s’arrêta.


- Père.
- Assieds-toi seulement, Emrys, fit le vieil homme en montrant une chaise en face de lui.


Le fils obéit et prit place sur la chaise. Il y eut un long moment de silence avant que son père reprenne la parole.


- J’ai quelque chose de très important à te dire.
- Une autre légende, Père ?
- Prends garde, Emrys, fit le vieil homme d’un ton dur. Toutes les histoires que je t’ai racontées, sont réelles. (Il reprit son souffle.) Mais celle-ci est la plus importante, alors écoute-la bien.


" Il y a très longtemps, les huit royaumes vivaient en paix et en harmonie sur la planète. Mais un jour, le roi des foscioums, Imre Donovan, fit entendre à son royaume qu’ils étaient au centre du monde et donc qu’ils étaient le peuple le plus important du monde. Pour eux, les autres peuples se devaient de venir au centre, en pèlerinage, une fois par année. Ils affirmèrent que c’était au centre que le monde a commencer à se former.
" Les sept autres ne furent pas du même avis que Donovan. Fou de rage, Imre décida de fermer les routes commerciales aux sept royaumes, pour leur montrer que son peuple était le plus important du monde, pour faire comprendre que sans le huitième, les sept ne pourraient point survivre.
" Plusieurs siècles ont passé depuis lors. Et la descendance de Donovan réalisa que les terres de Fosco n’avaient plus aucune richesse, plus d’or, de métal, de pierres précieuses. Alors ils décidèrent de rouvrir les routes commerciales, mais malheureusement les autres royaumes refusèrent de s’aventurer chez les foscioums. Ils redoutaient un piège quelconque et l’accord tomba à l’eau.
" Furieux, Ettore Donovan, le souverain de Fosco prit l’initiative de former une armée et d’attaquer le septième royaume. Ils réduisirent plusieurs villages en cendres. Les troupes de Roald ne pouvaient point retenir l’armée de l’ombre. C’est ainsi que le roi Joost Harriet, souverain du septième royaume rapporta les actes des foscioums aux autres royaumes.
" Les sept décidèrent de confectionner une couronne aux immenses pouvoirs. Elle s’appela la couronne de Verum, munie de six pierres précieuses, ayant en elles différents pouvoirs. Chacun des royaumes forma une partie de la couronne, la monture et les six pierres de Verum. Elles avaient toutes une couleur différente et un nom pour chacune d’elles : Vita, Vis, Sapiéntia, Tutéla, Temperatio et Mens.
" Une fois la couronne terminée, elle fut portée par le roi Joost pour empêcher les foscioums d’étendre leur pouvoir et pour leur résister. L’armée de l’ombre se retira.


Emrys écouta le récit avec la plus grande attention, mais il ne put s’empêcher de faire une remarque.


- Mais, Père. Si tout ceci était vrai, les guerriers de l’ombre ne rôderaient pas un peu partout, dans le cinquième royaume. Tout ceci est une légende, une belle histoire sans doute.
- Je n’ai pas fini mon récit, Emrys. Alors écoute-le jusqu’à la fin, je t’en prie.


" Pendant plus deux mille ans, plus aucune attaque du huitième royaume ne se reproduisit. Mais certains pilleurs foscioums attaquèrent les villages en bord de frontière. Après plusieurs attaques répétitives, le roi du septième, Boto Harriet, décida de porter un coup fatal au huitième royaume et de détruire le mal qui y régnait.
" Lors d’une bataille, il se servit de la couronne de Verum pour réduire à néant les guerriers de l’ombre. Il voulut réessayer, mais cette fois-ci la couronne refusa de lui obéir. Son but était de garder prisonniers les êtres de l’ombre dans leur royaume et non de les détruire.
" Depuis ce jour, elle ne reconnut plus le roi Boto. La couronne ne lui servait plus à rien. Il la fragmenta dans une salle cachée dans les profondeurs du château, une salle bâtie pour cet effet. Les six pierres se détachèrent de la monture et chacune des parties retourna dans le royaume de sa création.
" Une semaine plus tard, les foscioums attaquèrent la cité de Jouda, capitale du royaume de Roald. Le roi avait eu un fils ce jour-là, méconnu de tous. Sachant que seul son fils pourrait reporter la couronne, il donna l’ordre à l’un de ses serviteurs de donner à son fils un médicament pour le faire dormir, de partir très loin avec lui et de l’élever. Le jour venu, son fils partira à la recherche des pierres de Verum, pour reprendre le trône de son père et repousser les guerriers de l’ombre dans les Terres Noires de Fosco.


- C’est une très belle histoire, Père.
- C’est une histoire réelle, Emrys. Je vais te faire une confidence. J’étais au palais de Harriet le jour où les guerriers de l’ombre attaquèrent la cité. (Le jeune homme se leva d’un bond.) C’était moi le serviteur qui a porté le fils du roi, hors du royaume de Roald.
- Père !
- Non, Emrys. Je ne suis pas ton père. Ton père est Boto Harriet, roi du septième royaume.
- C’est impossible, fit le jeune homme, subjugué par la nouvelle. Non ! C’est impossible !
- Je ne te mens pas. (Emrys s’accroupit auprès de Gereon.) Pourquoi ne t’ai-je pas enseigné la magie, comme le font tous les parents de Sophus ? C’est la petite Débora qui t’a tout appris, pas moi. (Le vieil homme lui tapa sur l’épaule.) Prends la boîte sur la cheminée. (Emrys se savait pas vraiment quoi penser de tous cela, mais il se releva et empoigna une boîte en bois sculpté. Il la tint dans ses mains.) Ouvre-la seulement.


Le jeune homme ouvrit lentement la boîte. Une lumière éclatante et blanche jaillit. Emrys plissa les yeux, tellement la lumière l’aveuglait. Quand le couvercle fut complètement soulevé, une belle pierre blanche de forme octogonale apparut. Il remarqua qu’il y avait des inscriptions gravées à l’intérieur. Emrys ne comprenais pas ce qu’elles signifiaient. Il ne les avait jamais vues auparavant. Au milieu de celle-ci, il y avait un symbole qui ne disait vraiment rien à l’esprit d’Emrys. Il ressemblait à l’eau crachée d’une fontaine.

- Qu’est-ce que c’est ? Un diamant ? Demanda le garçon se refusant à croire que l’histoire de son père ou de Gereon, soit vraie.
- Non, Emrys. C’est Mens, la pierre de l’esprit, l’une des pierres de Verum. Jamais je ne l’ai vue autant briller. Il faut croire qu’elle t’a reconnu, Emrys.
- Moi ?
- Tu es le fils du roi, Emrys. Toi seul pourras retrouver les pierres de Verum et reformer la couronne.
- Mais, où avez-vous trouvé Mens ?
- Dans le quatrième royaume. Je savais que tu ne croirais pas mon histoire, alors il me fallait te donner une preuve. Il m’a fallut vingt ans pour la trouver, en cherchant dans de vieux livres l’emplacement où elle pouvait être, mais la voici. (Emrys regarda à nouveau la pierre.) Prends-la. Porte-la. Ramènes les autres. Tu y arriveras plus facilement et plus rapidement que moi, car c’est ta destiné. Et enfin, les guerriers de l’ombre repartiront chez eux et pour toujours. Emrys ! (Le jeune homme le regarda dans les yeux.) Surtout n’oublie pas. Toutes les histoires que je t’ai racontées, se sont réellement passées.

Débora était assise sur une pierre devant chez elle. Le soleil s’était couché et le ciel devint de plus en plus sombre. Emrys ne venait pas. La jeune femme se posait des questions. C’était étonnant qu’il soit en retard. Elle rentra chez elle en courant et prit un gros pull.

- Où vas-tu, Débora ? Fit un homme mettant des bûches dans le foyer qui brûlait à grandes flammes.
- Voir Emrys, Papa, répondit la jeune fille avant de se sauver à l’extérieur.

Myles Alois, le père de la jeune fille, se dirigea vers la cuisine. C’était un homme imposant, que l'on n’osait pas contredire. Il le fallait bien, car c’était un grand cultivateur qui possédait un grand nombre d’employés. Monsieur Alois ne voulait pas qu sa fille épouse un fils de paysan, comme Emrys. Il lui avait payé des études à Titus et à Gmyn. Il trouvait normal qu’elle se marie avec une personne plus importante. Malheureusement, ce n’était pas le cas. Cela faisait longtemps qu’ils se fréquentaient. Myles devait se faire une raison. Jamais sa fille n'aimera un autre homme, mais il avait toujours de la peine à l’accepter.

- Ah ! Cet Emrys Bachar.
- Arrête de te plaindre, Myles, fit sa femme. Il n’est pas méchant ce petit.
- Oui, certes. Mais il est tout de même étrange. D’ailleurs, son père également. Gereon ne lui a jamais enseigné la magie. C’est Débora qui l’a fait. (Il regarda par la fenêtre.) Il est trop imprévisible, et c’est un fermier, Severa. Je n’aimerai pas qu’ils se marient, mais si cela doit se faire, je préfère qu’il l’épouse le plus vite possible.
- Pourquoi donc ?
- Je ne désire pas lui enseigner quelque chose, s’il ne devient pas le mari de Débora.

L’Océan de verdure sombra dans la nuit noire. Emrys était assis sur une petite colline, près d’un arbre, dont les feuilles chantaient sous le vent. Les herbes des champs furent secouées en tous sens. Le regard du jeune homme était perdu dans le lointain, ses cheveux fouettant son visage.

- Emrys !

Débora courait dans les champs. Elle savait que si quelque chose n’allait pas, Emrys sera près du grand érable. C’était un endroit qu’il aimait énormément. Elle le repéra à côté de l’arbre et accourut vers lui. Elle s’assit calmement et resta un moment sans rien dire.

- Emrys ?

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite. Il fixait toujours une chose imaginaire, devant lui.

- Te souviens-tu de cet endroit, Débora ?
- Oui, bien sûr. C’est ici qu’on s’est rencontré pour la première fois. Comment l’oublierais-je ?
- Moi non plus. Je ne l’oublierai jamais.
- Emrys ? Que se passe-t-il ? Pourquoi n’es-tu pas venu parler à mon père ?

Le jeune homme mit une main dans son chemisier et en ressortit un diamant monté en collier. Il brillait comme une lumière et en tournoyant, les deux jeunes gens remarquèrent que les inscriptions, gravées à l’intérieur, pouvait se lire de la même façon, des deux cotés de la pierre, mais encore fallait-il les comprendre. Pourtant, la transparence de celle-ci en aurait prétendu le contraire.

- Qu’est-ce donc ? Demanda Débora.
- Ceci est Mens. (Il fit tournoyer le joyau.) La pierre de l’esprit, l’une des pierres de Verum.
- Les pierres de Verum ! Emrys ! Mais tout ceci est une légende.
- Je le croyais également. Mais regarde ça ! Regarde la pierre ! Comment ne pas croire que cela existe ?
- Que veux-tu dire ?
- Gereon Bachar m’a tout expliqué.
- Pourquoi appelles-tu ton père par son nom ?
- Il n’est pas mon père, fit Emrys tout en contemplant la pierre. Enfin, c’est ce qu’il dit. Il m’a sauvé le jour de ma naissance et il m’a élevé ici, au calme. Mon cœur ne veux pas le croire, mais ma raison ne pense pas qu’il m’ait menti.
- Et il t’a révélé le nom de tes parents, ce soir. C’est pour cela que tu n’es point venu chez moi. Tout ceci t’a fait un choc. Mais pourquoi cette pierre ?
- Mon père est, ou était, le roi Boto Harriet.
- Du septième !
- Oui. Et ceci. (Il montra du doigt la pierre.) Ceci est mon héritage, Débora. (Il se releva et lui prit les mains pour l’aider à se lever.) Et je dois retrouver les autres pierres, et enfin reprendre son trône avec la couronne de Verum. C’est le souhait de mon p…

Il hésita un court instant. Gereon n’était pas son père, sinon pourquoi lui aurait-il dit tout cela ? Pourquoi lui aurait-il enseigné plein de chose sur le bien et le mal, durant toute son enfance ? Gereon savait ce qu’il adviendrait de lui, depuis longtemps.

- C’est le souhait de Gereon, reprit-il. Je lui en ai fait la promesse.
- J’irai avec toi.
- Non.
- J’ai promis de te suivre, partout où tu iras.
- Cette promesse là, doit venir après une autre.
- Laquelle ?
- Je reviendrai ici, quand tout sera terminé et je te demande de m’attendre.

Débora lui prit la main et elle lui fit toucher le tronc du vieil érable. La main s’enfonça dans le bois, faisant échapper une fumée blanche. Puis la jeune femme lui retira la main, laissant une empreinte dans l’écorce de l’arbre.

- Ta promesse est inscrite sur ce tronc, lui dit-elle. Le jour où tu reviendras du septième, la marque s’effacera. Je saurai que tu auras tenu cette promesse. (Ils se regardèrent dans les yeux.) Je t’attendrai, et lorsque tu reviendras, je te suivrai dans le septième.
- Je m’en vais demain matin, très tôt.
- Où iras-tu ?
- Je ne sais pas ! Dans l’un des autres royaumes ! Peut-être, celui de Maoise ?

Il rangea la pierre sous son chemisier.

- Tu as toute la nuit pour y réfléchir, fit la jeune femme.

Ils s’embrassèrent dans les herbes de l’Océan de verdure, devant l’arbre de la promesse, alors que la lune passait entre ses branches bourgeonnées.

Débora était au bord de la fenêtre. Elle regardait à l’extérieur. Il n’y avait pas grand chose à voir. De la buée envahissait les vitres. Lorsqu’elle ne vit plus rien, elle se leva et sortit en refermant la porte derrière elle. S’asseyant sur une pierre, elle observa les étoiles. Une nuit calme et paisible. Après un long moment, son père sortit à son tour, mais il resta devant l’entrée de la ferme.

- Que fais-tu Débora ?
- Je regarde le ciel, papa.

Myles s’approcha d’elle et se mit à ses côtés, par terre dans l’herbe. Il paraissait très serein. Il sentait que quelque chose n’allait pas et que cela avait sans doute un rapport avec Emrys Bachar. Il n’était pas fâché contre le jeune homme. Celui-ci aimait sa fille. Il le savait depuis longtemps et il savait également qu Débora n’aurait choisi aucun autre. Il était heureux de voir, qu’elle avait découvert le grand amour et grâce à Emrys. Si ce jeune homme disparaissait, elle ne s’en remettrait pas. Myles ne voulait point qu’une chose pareille arrive à Débora.

- J’ai quelque chose pour toi, ma fille.

Il chercha dans ses poches et en ressortit une petite flûte de bois. La demoiselle tourna la tête pour le regarder. Le petit instrument était blanc. Sur ses côtés, de forme très carré, furent sculptés différentes choses, tels que rayons lumineux, feuilles d’arbre et racines.

- Cette flûte fut sculptée dans un rajable par mon arrière-arrière-grand-père et mon père me l’a transmise le jour où je suis parti de chez lui. Maintenant, elle est à toi.

Il lui tendit les mains où reposait l’objet.

- Mais, papa. Je ne partirai pas.
- Oui, je le sais, Débora. Mais lui, il va partir.
- Tu veux parler d’Emrys.
- Oui, Emrys.
- Comment sais-tu qu’il va partir ?
- Prends la flûte et je t’expliquerai. (La jeune fille prit l’instrument et le tripota dans ses mains.) Tu vois, ma fille. Grâce au Fluide, cette flûte répond aux questions qu’on lui pose, en soufflant à l’intérieur. Cela fait deux mois que chaque soir je lui demande si Emrys va venir me demander ta main. (Pendant un court instant Débora rayonna de bonheur en apprenant que son père espérait qu’Emrys l’épouse.) Et chaque soir, elle me dit qu’il reste chez lui. Hier soir, elle m’a répondu qu’il viendrait aujourd’hui, mais rien. J’étais très intrigué, alors je lui ai reposé la question ce soir et elle m’a dit qu’il allait partir.
- Et elle a raison.
- Oui, mais Emrys ne sait pas où il va aller. Essaye la flûte. Elle te répondra.
- Où Emrys va-t-il partir ?

Débora mit la flûte à ses lèvres et souffla à l’intérieur, faisant sortir une douce et belle mélodie, en se concentrant sur le Fluide. Lentement un rayon de lumière bleue sortit du bout de l’instrument et se dirigea gentiment vers la maison d’Emrys. La jeune fille continua de jouer, tout en regardant la lumière arriver chez son amour. Atteignant la ferme, le rayon tourbillonna autour d’elle, puis il se divisa en six branches, dont trois partirent au sud-ouest et les autres au nord-est. Après cela, Débora enleva la flûte de sa bouche et la laissa dans ses mains. Elle regarda les rayons se disperser à l’horizon.

- Tu vois ma fille, lui fit son père en regardant lui aussi les rayons. Son esprit est embrouillé. Porte-lui les réponses dont il a besoin. C’est un homme exceptionnel, Débora. Ne le laisse pas mourir dans ce voyage.

La jeune fille regarda la flûte et la serra fort dans sa main. Pour la première fois, son père pensait du bien d’Emrys. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle était heureuse, enfin, pas entièrement. Il allait partir. Peut-être ne le reverra-t-elle plus.

Dur réveil que le lendemain. Emrys cru avoir rêvé. C’est sentant Mens, contre son torse, qu’il prit conscience de la réalité de la chose. Ce matin, il devait faire son sac, et partir. Il avait plus ou moins réfléchi sur l’endroit où il devait se rendre. Le plus simple était de se rendre à Titus. Il y avait là-bas, la deuxième plus grande bibliothèque de la planète. Il se leva et s’habilla le plus rapidement possible. Ensuite, il prit son sac à dos et le prépara. Il y mit un pull et une grosse veste, ainsi qu’il pantalon de rechange, également un morceau de pain et un peu de viande emballée dans un linge. Emrys laissa de la place, même s’il aurai pu prendre plus de chose, car il devait y mettre encore les livres qu’il trouverait en ville. Enfin, il ouvrit la porte de sa chambre, mais s’arrêta soudainement. Il se retourna et regarda une dernière fois la pièce. Un soupçon de nostalgie s’installa en lui. Il avait le sentiment qu’il ne reverra plus cette ferme, dans laquelle il avait vécu toute sa vie.
Finalement, il sortit et descendit les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée, où Gereon et son petit déjeuner l’attendaient.

Quelques heures plus tard, Emrys portait son sac au dos, ainsi qu’une sacoche en bandoulière. A l’intérieur, il y avait principalement une carte du monde, de l’argent, que Gereon lui avait donné après le repas. Mens se trouvait attachée à son cou, pendant à l’intérieur de ses vêtements. Le jeune homme s’accroupit auprès de Gereon qui était assis devant la ferme.

- Merci, Monsieur Bachar.
- Ne me remercie pas. Je t’envoie peut-être à la mort, fiston, en te demandant de parcourir ce voyage à travers les sept.
- C’est mon père qui me l’a demandé, par l’intermédiaire de vous.
- Tu as raison, Emrys. Mais jamais je ne me le pardonnerai, s’il t’arrivait quelque chose.
- Il ne m’arrivera rien. Je vous le promets.
- Oui. Tu es fort, comme ton père, et sage, comme ta mère. N’oublie pas Emrys. Le plus grand pouvoir est l’intérieur d’un être et non son physique.
- Merci, Gereon, dit le jeune homme en frottant les épaules de son père adoptif. Je reviendrai. Je vous le promets.

Emrys se releva et partit en direction du Nord-Ouest, puis il disparut dans l’horizon de l’Océan de verdure.

- Je sais que tu tiendras ta promesse, fils de Boto Harriet, fit Gereon regardant le lointain.
- Emrys !

Entendant ce cri, Bachar tourna la tête dans sa direction et il aperçut Débora qui arrivait en courant et elle s’arrêta, devant le vieil homme, toute essoufflée.

- Où est Emrys ? Demanda-t-elle.
- Il est parti, mon enfant, répondit Gereon.
- Où ça ?
- La-bas, fit l’homme en montrant du doigt ses champs, mais…

Bachar n’eut pas le temps de finir sa phrase que Débora était déjà repartie au pas de course à travers les étendues d’herbes.

Le jeune aventurier s’avançait lentement dans les herbes des champs de son père adoptif. Au loin, apparut l’arbre, sous lequel il avait médité le soir dernier. Il marcha dans sa direction, et après quelques instants, il arriva au pied de l’érable qui portait l’empreinte de sa main. Il hésita un instant. Etait-il vraiment le fils de Boto ? Sûrement, mais il n’avait que la parole de Gereon.
Il regarda la marque brûlée, tendit l’index et le plaça dans le trou noir. De la chaleur se dégagea du doigt et il inscrivit ses initiales " EH ", de son vrai nom. Il observa une dernière fois l’inscription, puis s’en alla pour rejoindre le chemin. Il avança d’une centaine de pas, avant d’entendre la voix de Débora l’appeler. Il s’arrêta et se retourna, voyant la jeune fille courir vers lui. Emrys ne voulait pas qu’elle l’accompagne, mais ne pas s’arrêter serait un acte d’une grande malhonnêteté. Les herbes de l’Océan de verdure s’écartaient, la laissant approcher son ami. Arrivée aux côtés du jeune homme, elle stoppa sa course, essoufflée, elle reprit une bouffée d’air.

- Emrys. Je…, commença-t-elle, mais épuisée, elle respira à nouveau profondément. Je voulais te donner quelque chose, avant que tu partes. (Elle sortit de la poche de son pull, la petite flûte en bois de rajable et la lui tendit.) Tiens ! Voilà ! Prends-la ! Cette flûte répondra à toutes les questions que tu lui poseras. (Le jeune homme ramassa l’instrument dans ses mains, et l’inspecta.) Ne veux-tu pas l’essayer ?
- Pourquoi le faire ? Je sais où je dois me rendre et c’est dans le troisième. Mes recherches commenceront là-bas. (Il plaça la flûte à l’intérieur de sa sacoche.) Merci beaucoup. Je te la rendrai quand je reviendrai.
- Moi, je n’en ai nul besoin. Garde-la. Ce sera ton cadeau d’anniversaire.
- D’accord, je te remercie. Ecoute, je ne veux pas me mettre en retard. La route est déjà longue.
- Oui. Tu as raison. (Elle l’embrassa sur la bouche.) Bonne chance ! Je t’attendrai. Soit prudent.
- Ne t’inquiète pas, tout ira bien.

Emrys n’en était pas sûr. Après tout, Gereon lui avait dit de ne pas oublier les histoires qu’il lui avait racontées étant plus jeune. Peut-être que quelques-unes de ces légendes lui sauveraient la vie. Le jeune aventurier tourna les talons, puis partit en direction de la route menant à Titus, la grande citée culturelle de Sophus. Il espérait y trouver des informations sur les pierres de Verum. Il avait environ deux meah à parcourir avant d’atteindre Titus. Ce qui est une grande distance. Jamais, il n’était parti aussi loin de chez lui.
Ce sera une première, pensa-t-il avec mélancolie.
Il se retourna, et regarda une dernière fois la ferme où il avait grandi si longtemps. Il aperçut également Débora qui secoua le bras, en guise d’au revoir. Emrys ne lui répondit pas. Le simple fait de la quitter, lui faisait mal au cœur. Une grande envie de rester auprès d’elle voulait s’installer en lui, mais il devait partir, accomplir sa tache et ramener la paix à travers les sept.

Il continua sa route solitaire et déboucha sur la route principale, après avoir passé un petit portail en bois de chêne qui séparait le chemin de la ferme. Ensuite, il prit la direction de Titus. Le parcours serpentait entre les collines. Après plus de deux heures de marche à bon rythme, les pierres et cailloux qui formaient le chemin commencèrent à lui faire mal aux pieds et il décida de trouver un lieu de repos. Regardant autour de lui, il aperçut un immense champ surélevé à sa droite. Un talus d’herbes coupées séparait la route du champs. La pente douce était propice pour se reposer. Emrys s’avança vers le bord, puis s’assit gentiment dans la verdure. Il y resta une quinzaine de minutes, en ouvrant son sac, et prenant sa gourde où il but une grande gorgée d’eau.
Au loin, il entendit le bruit d’un char à répulsion. Quelques instants plus tard, le véhicule apparut aux yeux du voyageur. Il était tiré par un cheval gris, tacheté de blanc, et transportait de la paille. Un vieil homme menait la brave bête. Il avait une longue barbe blanche, ses cheveux tombaient sur ses épaules, un chapeau brun, au bord long et garni de trois plumes de paon, sur sa tête. Il portait une chemise bleue dont juste le tissu large des manches était visible, le reste était caché par un blouson brun. Son pantalon était également brun, ainsi que ses grandes bottes. Il avait un air joyeux, sifflotant une harmonieuse musique, tout en fumant une somptueuse pipe blanche aux bords dorés. Son char avançait lentement sur la route de pierres. Approchant d’Emrys, il le regarda, comme s’il se demandait ce que le jeune homme faisait assis dans l’herbe. Ses yeux bleus restèrent fixés sur le voyageur, puis fronça les sourcils et quelques instants après, à la hauteur du lieu de pause, il cria un " Holà " tout en tirant les rênes vers lui. Le char s’arrêta et le vieil homme se tourna entièrement du côté d’Emrys, tout en restant silencieux un instant. Enfin, il prit la parole d’une voix rauque et sérieuse.

- Jeune homme. Ne seriez-vous pas Emrys Bachar, le fils de Gereon ?

Emrys se demandait, s’il devait faire confiance au vieil homme, mais une force étrange lui chuchotait dans son esprit, que ce marchand de foin ne lui voulait aucun mal.

- Oui, monsieur.
- Je le savais, même si cela fait plusieurs années que je ne t’ai point vu. Je me rappellerai toujours de toi. (Le vieil homme regarda autour de lui.) Vous êtes loin de chez vous, mon jeune ami. Que faites-vous ici ?
- Je dois me rendre à Titus. J’ai des recherches à effectuer.
- Ah ! Je vois. (Un air songeur se dévoila sur le visage ridé de l’homme.) Je dois transporter ce chargement jusqu’à Nars. Titus se trouve proche de ce village. Vous me semblez fatigué. Voulez-vous faire le voyage avec moi ? C’est plus reposant avec un cheval.
- Merci bien, c’est gentil à vous.

Le vieil homme se décala sur la gauche, tandis qu’Emrys se releva du talus, emportant ses affaires sous le bras. Il grimpa sur le véhicule et s’assit à côté du vieillard. Il posa son sac entre ses jambes, puis le char démarra lentement sur la route. Après un instant de silence, Emrys prit la parole.

- Comment connaissez-vous mon père ?
- Je l’ai croisé la première fois, il y a dix-neuf ans. On a fait du commerce ensemble, avec ce même char. Un jour il m’a dit qu’il voulait tout arrêter, parce que vous deveniez grand et il fallait qu’il s’occupe de vous. Apparemment, vous êtes assez mûr maintenant. En rentrant, je vais peut-être lui proposer de recommencer les affaires. Pourquoi pas ? Qu’en dites-vous ?
- J’en dis que mon père fera ce que bon lui semblera, Monsieur.
- Oh ! Je m’excuse. Je ne m’étais pas présenté. Je me nomme Seddik Jawad.
- Enchanté, mais vous n’êtes pas obligé de me vouvoyer.
- Très bien, Emrys. Je te propose de dormir à Gaume. J’ai un ami là-bas qui me fournit un toit et de quoi me nourrir. Je ne pense pas qu’il y aura de problème.
- Merci c’est très gentil.

Un meah est l’équivalant d’un jour de marche.
Ils avancèrent lentement entre les petites collines, jusqu’au moment de dîner, où ils s’arrêtèrent un instant pour manger. Emrys n’eut pas le temps de sortir ses affaires que Seddik lui tendit de la nourriture provenant de son gros sac brun et boueux. Le jeune homme regarda l’espèce de sandwich d’un bien triste état qui lui était offert. Il hésita à le prendre.

- Tiens ! N’es pas peur ! Déclara Le vieillard. Il ne va pas te manger. Je dirais même que c’est toi qui le feras.
- Tu es sûr que cela ne te dérange pas.
- Mais non. Mon épouse me donne toujours dix fois trop à manger pour mes voyages.

Emrys s’empara du sandwich et le finit en essayant de ne pas paraître dégoûté. Seddik lui en proposa un autre, qu'il refusa poliment. Ensuite, ils burent un peu d’eau. Puis, le vieil homme se leva et appela son cheval qui paissait au bord de la route.

- Reghtis ! Ep d’ip wu woipd, cria Seddik.
- Pourquoi tu ne lui parles pas normalement ? Demanda Emrys.
- C’est un asla qui m’a offert Reghtis pour service rendu. Il ne connaît pas d’autres langues que l’asla.
- Et il te comprend ? S’interrogea le jeune homme, en voyant que le cheval n’avait pas bougé.
- Bien sûr, mais il est un peu têtu, bougonna le vieillard, avant de se mettre à crier. Fottsumea ucau viev ba cueuva, acutacaa ba louxaoxv.

Emrys resta pétrifié quelques instants. Le ton dur et grave qu’avait prit Seddik l’avait surpris. Le vieil homme se tourna vers lui.

- Il comprend que l’asla, lui dit-il avec un sourire. Mais il déteste que je parle en xoux. Surtout quand je ne mets en colère.
- Je vois, répondit le jeune homme.

En effet, Reghtis galopa vite devant la charrette, où Seddik lui remit son harnais. Puis, ils reprirent la route, sillonnant entre les collines vertes. Le reste de la journée se passa dans le calme. Emrys regardait le paysage autour de lui. Il n’avait jamais quitté la ferme, mais pour l’instant, tous ce qu’il voyait était pareil. Seddik, quant à lui, fumait, sans grande retenue, sa pipe que de temps à autre il rallumait en faisant apparaître une flamme sur son pouce. Et durant tout le trajet, le vieil homme, d’un air très joyeux, sifflait et chantait quelques paroles, qu'Emrys écouta attentivement.

Aussi loin que remontent mes souvenirs,
Je me rappelai que je devais partir.
Sans conviction, je le fis cependant.
Des montagnes neigeuses, aux joyeuses cités,
Des prairies fleuries, aux ignobles marais,
Je déambulais presque à chaque instant.
Le voyageur de la solitude,
C’est ce nom qu’on me donne d’habitude.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.

Un jour pluvieux, je me suis retrouvé,
Au devant d’un misérable bosquet.
C’est à cet endroit que j’ai découvert,
Un monstrueux corbeau tout déplumé.
Il s’est approché et il m’a parlé.
Il m’a dit : trouve la montagne de verre.
Le voyageur de la solitude,
C’est ce nom qu’on me donne d’habitude.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.

Etonné, je l’ai alors regardé,
Mais trop tard, il s’est déjà envolé.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.
Le voyageur de la solitude,
C’est ce nom qu’on me donne d’habitude.
Dam dam dam, dam dom, dam dam.

Emrys comprit que Seddik ne se rappelait plus de la fin de la chanson, mais les paroles de celle-ci résonnèrent un moment dans sa tête. Il avait l’impression que c’était lui, le voyageur de la solitude. Est-ce un hasard, si le vieillard avait choisi ce petit air, ou était-il au courant de la mission que Gereon lui avait confiée ?

Emrys ne le savait pas, mais il se garda de le lui demander. Après tout, il devait faire en sorte que le moins de personnes possible le sachent.