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Par Emrys Harriet



Chapitre III Une Nuit à Gaume

Petit à petit, ils se rapprochèrent de Gaume. Le soleil se couchait lentement derrière les montagnes du Montserrat, donnant aux nuages blancs, une teinte orange, et au ciel une couleur rose clair. Devant eux les collines de l’Océan de Verdure, s’estompèrent peu à peu pour dévoiler une grande plaine d’herbe. Au loin, le petit village avait déjà revêtu son allure de nuit, brillant d’une multitude de lumières jaunâtres.
A l’entrée du village, la petite charrette passa entre deux colonnes, sur lesquelles il était sculpté des mots de bienvenue au voyageur. Gaume était un petit village très paisible en apparence, mais malgré cela, les habitants aimaient beaucoup les étrangers. Sur certaines pancartes et enseignes, il était écrit :

‘‘Visite guidée du lac Blanc’’
‘‘Musé du village’’
‘‘Randonnée en forêt’’
‘‘Transports Dergie, Gaume-Nars-Titus, Gaume-Cionaod-Selwyn, Gaume-Thorhild’’


Emrys regarda les alentours d’un air curieux et intéressé. C’était la première fois qu’il voyait autant de maisons et de fermes dans un espace aussi petit. Gereon ne l’avait jamais emmené à Gaume, ni même à Cionaod. Le jeune homme ne connaissait ses lieux que sur de vielles cartes qu’il avait à la ferme.
Seddik s’arrêta à l’arrière d’une grande demeure dont l’entrée donnait sur la route principale. Après que le vieillard ait frappé à la porte, Emrys se sentit très gêné d’arriver comme cela, à l’improviste, le soir, et de profiter de l’hospitalité à moitié garantie par Seddik. Après un court instant, un homme ouvrit brusquement, ce qui fit sursauter le jeune homme et le rendit encore plus mal à l’aise. L’homme en face d’eux était très mince, d’un façon qui inquiétait Emrys. Ces cheveux noirs laissaient paraître quelques touffes grises.

- Bonsoir Seddik, déclara-t-il. Il me semble que tu es en retard pour une fois.
- Je sais Marted, répondit Le vieil homme.
- Alors tu sais ce que cela signifie, mon ami. Tu me dois un dîner. Depuis le temps que j’attends ça.
- Profites-en. Pour une fois que je perds l’un de mes paris. Tu me connais assez pour savoir que je suis…
- Réglé comme une horloge, compléta l’homme. Oui, bien entendu.

Ils se mirent à rire tous les deux. Emrys n’osa pas trop bouger, mais un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Seddik se calma et prit en air sérieux qui ne lui allait pas du tout.

- Marted, je te présente le jeune Emrys. Il est le fils de Gereon.
- Bien ça alors, s’exclama son ami. Depuis le temps que j’entends parler de lui, je le rencontre enfin. Que faite-vous ici ?
- Il se rend à Titus, répondit Seddik, sans qu’Emrys ait eu le temps d’articuler le moindre mot. Je lui ai proposé de m’accompagner jusqu’à Nars. Est-ce que cela te dérangerait s’il passait la nuit chez toi ?
- Mais pas du tout, s’exclama Marted comme si cette question paraissait inutile. Pas du tout ! Entrez ! Ne restez pas à l’extérieur ! Il commence à faire froid.
- Je vous laisse quelques instants, déclara le vieillard. J’ai juste une course à faire. Ce ne sera pas long.
- Très bien. Tâche de ne pas arriver trop tard, car l’on ne t’attendra pas pour dîner.

Il se tourna vers Emrys, qui n’avait pas encore dit le moindre mot.

- Allez ! Venez ! Fit Marted, lorsque Seddik fut reparti. Laissons ce vieux filou s’amuser avec ses fumeurs de pipe.

Timidement, Emrys pénétra dans la grande maison. Il vit alors une immense pièce, faisant à la fois salon et salle à manger. En face de lui, il y avait une autre pièce sans porte, qui devait être la cuisine, où l’on entendait des bruits de couteau et de vaisselle. Jamais le jeune homme n’avait vu un lieu aussi vaste que celui-ci. Dans un coin, à sa droite, demeurait une gigantesque cheminée, où une bon feu rougeoyant brûlait calmement.

- Je suis content de vous voir ici, Emrys, continua l’homme, tandis qu’il marchait lentement en direction d’un escalier. Je me nomme Marted Felusard. J’ai toujours dit à votre père, qu’il pouvait venir chez moi, quand il voulait, mais il n’ait jamais venu. Je suis en tout cas heureux de voir enfin un Bachar franchir le pas de cette porte. Allons ! Suivez-moi !

Emrys lui emboîta le pas. Ils montèrent les escaliers et débouchèrent dans un long couloir, après avoir passé par un palier intermédiaire.

- Je devrais vous trouver une chambre sans problème, reprit Felusard alors qu’ils longèrent le corridor. J’espère simplement que ma fille ne va pas arriver à l’improviste.
- Pourquoi ? Demanda le jeune homme, qui parla pour la première fois à Marted.
- Parce qu’elle la fâcheuse tendance d’arriver de nulle part, à n’importe quelle heure. Et vous utiliserez sa chambre pour cette nuit. Normalement, elle ne vit plus ici depuis quelque temps.
- Votre fille ne vit plus avec vous ? Demanda Emrys, comme si s’était une chose qui ne devait jamais arriver.
- Oui. Elle a vingt et un ans. Elle a le droit de faire ce qu’elle désire maintenant. Et vous ? Vous savez ce que vous voulez ?
- Je sais ce que je veux faire, mais je dois accomplir quelque chose avant. Malheureusement, je ne sais pas très bien comment je vais m’y prendre.
- Est-ce que je peux vous aider ?
- Hélas, je crains que non.

Marted ouvrit la porte de la dernière chambre à gauche et y alluma une chandelle se trouvant à l’entrée. Puis il s’avança dans la pièce. Emrys le suivit lentement. Celui-ci resta des plus étonnés. La chambre était tellement grande que la lumière de la bougie n’atteignait pas les murs. Jamais Emrys n’avait vu une chose pareille. Il se sentit encore plus gêné qu’avant. La pièce devait faire cinq fois le taille de sa propre chambre, et la grandeur totale du salon chez lui.

- Voilà, déclara Marted après avoir posé le chandelier sur la table de nuit. Ceci sera votre chambre pour ce soir.
- Merci beaucoup.
- Bon ! Je vais vous laisser un moment. Si vous avez besoin de moi, je serai au rez-de-chaussée.

L’homme sortit, laissant la porte ouverte pour que les lumières du couloir éclairent un peu la chambre. Emrys posa ses affaires contre la petite table de nuit. Puis, il s’allongea sur le lit, regardant le plafond noir. Il pensa à tout ce qui s'était passé depuis la veille au soir. Son anniversaire ! Son départ de la ferme ! La rencontre de Seddik !
Seddik ! Est-il au courant de ce que je fais ? Gereon lui avait-il parlé des pierres de Verum ? De Mens ?
Emrys tira alors la pierre de dessous son chemisier. Celle-ci tournoya sur elle-même, suspendue par la chaîne. Les inscriptions gravées à l’intérieur, restèrent bien lisibles, comme si celles-ci ne bougeaient point, comparé au diamant.
Tout ceci paraissait invraisemblable. Lui ? Le fils d’un roi ? Il se mit à ricaner de cette idée stupide. Et pourtant, pourquoi pas, après tout. Il était tout petit, lorsque tout ceci est arrivé. Non, à part la magie, Emrys était un jeune homme rationnel. Il ne croyait pas à toute ces histoires à dormir debout, ces légendes sans queue ni tête, tout comme ces contes de dragons, de serpents de mer géants ou encore d’arbres et de rochers parlants.
Mais les pierres de Verum ! Il en tenait une, en ce moment-même. Comment pouvait-il nier leur existence ? C’était impossible maintenant. Il devait tenir sa promesse à Gereon.
Il rangea précieusement la pierre sous ses vêtements et laissant ses affaires dans la chambre, il sortit pour rejoindre Marted au rez-de-chaussée.

Arrivé dans le grand salon, Emrys s’aperçut que les couverts avaient été placés sur le table et qu’une délicieuse odeur de soupe s’était répandue dans la salle. Tout autour de la pièce, une banquette de bois placée à mi-hauteur des murs, faisait danser au-dessus d’elle de belles flammes jaunes. Le jeune homme comprit que cette sorte de torche circulaire était conçue par magie. La salle était parfaitement éclairée. Marted qui sortit de la cuisine, les bras chargés de plats, vit son invité et lui proposa de prendre place à la table, avant de repartir dans la cuisine.
Seddik arriva peu de temps après, portant entre ses mains un long paquet emballé d’un papier brun et solidement ficeler. Le vieil homme passa rapidement jusqu’aux escaliers qu’il grimpa discrètement.
Que fait-il, pensa Emrys, mais il ne dit rien, car le vieillard le regarda et plaça un doigt devant sa bouche en guise de silence.
C’est peut-être un cadeau pour son pari qu’il avait manifestement perdu. Le jeune homme sourit, plus il connaissait Seddik, plus celui-ci paressait étrange au yeux d’Emrys.
Enfin, le vieil homme redescendit. Il aurait certainement voulu se replacer devant la porte d’entrée, mais au même moment Marted entra à nouveau dans le salon, suivi, pensa Emrys, de sa femme.

- Seddik, s’exclama l’homme. Je ne t’avais pas entendu entrer.
- Sûrement que tu faisais trop de bruit dans la cuisine, répondit le vieillard. Je t’ai même appelée, mais tu ne m’a pas répondu.

Marted ne sut pas quoi répondre. Emrys sourit légèrement en regardant l’expression quasi figée de l’homme, mais il se retint d’éclater de rire. Ce qui aurait trahi la discrétion de Seddik.

Le dîner fut silencieux. Emrys sentait que cela dérangeait Seddik, qui était placé en face de lui.
Peut-être a-t-il peur de dire quelque chose qu’il regretterait, pensa le jeune homme.
Emrys ne connaissait pas le vieillard depuis longtemps, mais il pouvait comprendre que celui-ci se forçait à ne pas parler. Il avait le langue bien pendue pour suivant quoi.
La fin du repas se termina un peu tard aux yeux d’Emrys. Il dut se retenir plusieurs fois pour ne pas bailler devant tout le monde. Marted commença alors à poser quelques questions à Seddik, mais le jeune homme n’attendit pas les réponses. Il se retira poliment, en déclarant qu’il était épuisé. Personne ne le reteint.
Il monta, d’un pas lent et maladroit, les marches de l’escalier jusqu’à sa chambre, où il se changea pour se coucher. Il regarda Mens et décida qu’il serait plus prudent de la garder autour de son cou pour la nuit. Puis il ferma les paupière, repassant en revu tout ce qui s’était produit durant la journée, avant de s’endormir.

Durant la nuit, le vent s’était déchaîné, ainsi que la pluie. Des éclairs illuminaient le ciel noir. La bise faisait plier sous sa force, les branches des arbres et les herbes des champs. Dans le petit village de Gaume, plus personne ne se promenait à l’extérieur, mais une ombre s’avançait dans les rues caillouteuses.
Quelque instant plus tard, la porte des Felusard s’ouvrit lentement dans un grincement sinistre, alors qu’une immense silhouette apparut dans l’encadrement. Son corps tout entier dégoulinait de pluie. Ses cheveux longs et noirs étaient trempés, et ses yeux brillaient d’un rouge éclatant. L’individu portait à sa taille, un sabrolaser. L’étranger s’avança d’un pas lent et sourd, à l’intérieur de la maison. Puis il commença son ascension des escaliers.
Malgré toute sa discrétion, il ne put empêcher les marches en bois de craquer sous son poids. Les pans de sa longue tunique raclèrent le sol, laissant derrière elle une traînée d’eau. Ayant atteint l’étage supérieur, il s’arrêta et se mit à renifler. Puis il tourna brusquement la tête, tout en reprenant sa marche. Il prit délicatement, une vibrolame de dessous ses vêtements.
L’intrus s’arrêta devant l’une des portes et dans un léger grognement, l’ouvrit alors qu’un éclair illumina la chambre avant un brusque coup de tonnerre. Dans l’éblouissement, l’ombre ricana en découvrant une silhouette paisiblement endormie dans son lit. De ce rire sinistre, elle s’approcha, tandis qu’au dehors l’orage continuait sa danse folle, envoyant des feuilles valser dans le rythme infernal du vent. Une fois arrivé à la hauteur du dormeur, l’intrus leva son arme au-dessus de lui, avant de l’abattre violemment sur sa victime.

Emrys se réveilla en sursaut, dégoulinant de sueur. Au dehors, les volets claquaient fortement contre les fenêtres. Il reposa lentement sa tête sur son oreiller, pensant que tout ceci n’était qu’un affreux cauchemar, horrible d’ailleurs. Il soupira et essaya d’oublier tout ça et il tourna la tête de côté afin de se rendormir. Mais son repos fut de courte durée. A peine ses yeux s’étaient fermés qu’ils se rouvrirent. Puis il poussa un petit cri, avant de malencontreusement tomber du lit, provoquant un effroyable bruit.
Alors une silhouette se trouvant dans le lit se redressa, mais avant qu’Emrys n’ait pu dire le moindre mot, celle-ci fit apparaître une flamme dans sa main droite. Emrys découvrit devant lui, une jeune fille dont les longs cheveux étaient quelque peu mouillés.

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle d’une voix tremblante. Que faites-vous ici ?

Emrys n’eut pas le temps de répondre. La porte de la chambre s’ouvrit brusquement, laissant apparaître Marted suivi de Seddik. Le jeune homme remarqua tout de suite l’expression de peur sur leur visage, se transformer en étonnement.

- Laihla ! S’exclama Marted. Par tous les anges d’Hortus, mais que fais-tu ici ?
- Je suis chez moi, ici. Père ! Répondit-elle d’un air féroce. Mais lui, je ne vois pas la raison de sa présence.
- C’est un ami. Je lui ai proposé de passer la nuit ici, en sachant bien que tu n’y viendrais pas. Mais apparemment, tu as préféré changer d’avis.

La jeune fille se leva et s’approcha de son père. Entre temps, Emrys s’était relevé et avait pris place sur une chaise.

- J’aurai mieux fait de laisser la clef dans la serrure, reprit Marted. Peut-être aurions-nous pu dormir paisiblement. Tu nous as fait peur à tous.
- Je suis désolée, mais rien de tout ceci ne se serait passé, si ton ami avait dormi dans une autre chambre.
- L’autre chambre était déjà prise. La tienne était la seule disponible.
- Maintenant que tout danger d’intrusion est écarté, peut-être serait-il sage de retourner nous coucher, afin d’être en forme pour la journée de demain, déclara Seddik, voyant que la discussion commençait à s’envenimer.

Cela ne calma pas la mauvaise humeur de Marted et de Laihla, mais ils reconnurent tout les deux que le vieillard avait raison.

- On en rediscutera demain matin, ponctua Marted avant de refermer la porte derrière lui.
La jeune fille soupira, puis elle se tourna vers Emrys. Celui-ci s’imagina tout de suite qu’elle passerait sa mauvaise humeur sur lui, mais il fut étonné de constater que ne était pas le cas. Son visage devint soudain amical.
- On a meilleur temps de se recoucher, lui dit-elle en se remettant dans son lit.
Emrys ne bougea pas d’un pouce, trop étonné par la tournure de la situation. Laihla le remarqua et elle le regarda.
- Tu ne comptes tout de même pas rester ici toute la nuit ? Demanda-t-elle. Tu peux venir. Je ne vais pas te manger.

Sans un mot, il se recoucha à son tour. Après tout, de quoi avait-il peur, de son cauchemar ou de Laihla ? Un cauchemar n’est jamais devenu une réalité. Pourtant, il lui montrait l’arrivée d’un inconnu, et la fille de Marted était venue dans la chambre.
Peut-être était-ce qu’une coïncidence ? Ou alors ?
Il regarda sous son chemisier et aperçut Mens qui brillait légèrement. Emrys fronça les sourcils. Il observa lentement Laihla, paisiblement endormie. Puis il tourna la tête de côté, s’efforçant de se rendormir.

Le reste de la nuit se passa plus calmement, mis à part l’orage qui continuait de gronder sur l’Océan de verdure. En se réveillant, Emrys constata que Laihla avait la tête appuyée sur son épaule gauche. Il se déplaça lentement afin de ne pas troubler son repos. Une fois debout, il se changea et ramassa délicatement ses affaires avant de descendre, sur la pointe des pieds, au rez-de-chaussée.
Emrys ne savait pas du tout quelle heure il pouvait être, et le fait que le ciel soit couvert ne lui facilitait pas la tâche. Tout ce qu’il savait, c’était que Seddik, lui aussi était prêt. Apparemment, il l’attendait pour le départ.
Marted était également levé. Il invita ses deux amis à prendre le petit déjeuner, mais ils refusèrent poliment. Seddik lui répondit qu’ils mangeraient en route, car il voulait arriver le plus vite possible à Nars. Emrys acquiesça, même si l’idée de porter à sa bouche l’un des sandwiches de Jawad ne l’enchantait guère.

C’est ainsi qu’ils quittèrent Marted Felusard et Gaume, dont Emrys s’en souviendrait pendant longtemps. A la sortie du village, il y eut une grande bifurcation. La route de droite descendait vers le lac Blanc pour remonter à Nars et Titus, ou partir en direction du Sud. L’autre chemin, menait directement au village de Nars en passant dans la région du sud de la Forêt d’Alesia que la plupart des gens appelaient la Grande Forêt.
Sans grande surprise, Seddik emprunta le passage de gauche. Après tout c’était la route la plus rapide, mais après avoir parcourut un peu plus de deux ceazii, la route se trouva coupée par de grandes barrières. Trois soldats du royaume y étaient postés. Deux d’entre eux portaient une magnifique armure d’acier étincelant. Leurs casques étaient longs, se fondant au sommet en forme de lune, pointe en avant, où autrefois était fixée une pierre précieuse. Ils se tenaient de chaque côté de la route, une lancolaser, pointée vers le haut, immobiles telles des statues d’argent. Le troisième, quant à lui, portait, en plus de l’armure scintillante, une longue cape rouge. Son grand casque avait une allure différente, sans croisant de lune. Son sommet était plat et un rubis d’une immense pureté y été fixé. Une belle poignée de plume rouge, tombant vers l’arrière, surmontait cette pierre. Ce dernier, en voyant les deux voyageurs, s’avança, alors que les deux autres restèrent à leur poste. Seddik ordonna à Reghtis de s’arrêter.

- Je suis désolé, monsieur, déclara le garde. Mais cette route était fermée au trafic. Je vous prierai de bien vouloir faire demi-tour et de prendre la direction du lac. Vous pouvez couper par le chemin agricole se trouvant à votre droite.
- Pourquoi la route est-elle fermée ? Demanda Seddik.
- Elle a été jugée dangereuse et infranchissable, répondit le soldat. Veuillez-prendre un autre chemin.
- Dangereuse ! S’exclama le vieil homme. Cela fait plus de cinquante ans que j’emprunte cette voie. C’est la réponse plus ignoble et stupide que j’ai entendue.

Emrys comprit que Seddik ne comptait passer ailleurs et que le garde ne céderait pas et qu’il obéirait à ses ordres.

- Monsieur, continua celui-ci. Ces mesures ont été prises pour votre propre sécurité.

Seddik éclata de rire, tandis qu’Emrys se fit tout petit à ses côtés.
Ce ne serait pas le moment de partir en prison, pensa-t-il.

- Il n’y a pas plus de danger dans la Forêt d’Alesia que de foscioums dans le royaume, grogna le vieil homme.
- C’est la Grande Forêt, monsieur.
- Baliverne. Changer un nom parce qu’une route la traverse. C’est stupide. Que penserait Alesia, si elle entendait cela.
- Les créatures telles qu’elles étairnt, ont disparu depuis des siècles. Ces terres reviennent de droit à Sophus.
- Prenez garde que la nature ne vienne pas reprendre tout ceci, sinon il ne resterait plus grand chose aux hommes de ce royaume, ponctua Seddik.

Le vieillard lança le char en avant.

- Vous n’avez pas le droit, cria le soldat. Arrêtez-vous !
- Désolé, mais nous sommes très pressés, hurla Seddik pour se faire entendre.
- Attention devant ! S’exclama Emrys, plus à l’intention des gardes que ne bougeaient toujours pas, que pour son vieil ami.
Seddik ponta un doigt en direction de la barrière et la fixa du regard, sans prêter attention à tout le reste. Puis il déclara :
- Reo ibuhri !

D’un seul coup les planches de bois se partagèrent en deux et se déformèrent afin de créer un passage pour le char. Les deux gardes ne s’interposèrent pas et plongèrent sur le côté pour ne pas se faire renverser. Une fois qu’ils eurent traversé le barrage, les barrières reprirent leur apparence. Emrys regarda en arrière, en entendant le soldat jurer, mais ni lui, ni ses collègues ne les poursuivirent. Seddik attendit d’être caché par une petite colline, avant de ralentir l’allure.

- Pourquoi ne les as-tu pas écoutés ? Demanda Emrys. C’était la garde royal, qui plus est. Le roi Serenus sait ce qu’il fait, non ?
- Serenus est un homme sage et ce n’est sûrement pas lui qui a ordonné cette fermeture, répondit le vieillard. Il a trop à faire ailleurs, avec cette menace de Fosco. Les ordres qu’ils ont reçus, viennent du général Knud. C’est quelqu’un d’intelligent, mais très craintif. Le fait de couper la route, en est une preuve suffisante.
- Mais pourquoi a-t-il peur de la forêt ?
- Parce qu’elle a une allure menaçante, rien de plus.
- Juste à cause de ça ?
- Je comprends ta désapprobation, Emrys. Crois-moi ! Je suis toujours passé par là et regarde-moi. Je suis toujours vivant.

Emrys approuva d’un signe de tête, il regarda autour de lui. Ils dépassaient, maintenant, les dernières collines et une gigantesque plaine se dévoila devant leurs yeux. Le paysage était resplendissant. A l’horizon, on pouvait apercevoir le début de la forêt.

- Dans environ combien de temps, pensez-vous que l’on arrivera à Nars ? Continua Emrys.
- Vers le milieu de l’après-midi, pas avant. Quoique, avec un peu de chance, en début d’après-midi. Vous voyez là-bas. (Il montra du doigt les arbres alignés.) C’est la fin de l’Océan de verdure, ensuite nous passerons à travers la forêt, et enfin nous pourrons voir Nars derrière tout cela.

Ils continuèrent leur route. Tout autour d’eux, les champs étaient verts et ils brillèrent sous le soleil. Les herbes, aussi hautes qu’un homme de taille moyenne dans cette région, dansaient dans la bise légère qui balayait la plaine. Le bruit de sabots du cheval frappant le chemin de pierres, résonnait parmi le chant du vent.

Lentement, mais sûrement, le char s’avançait sur la route. Les arbres se rapprochaient de plus en plus. Seddik recommença à siffler et chanter, alors qu’à une dizaine de mètres de là, les deux voyageurs regardèrent l’entrée de la forêt.
Des bornes en granit étaient disposées, à espaces réguliers, le long de la lisière. Au-dessus de la route, avait été construite une arche en pierre, contre laquelle, maintenant, de la mousse vert-foncé poussait. Derrière cette construction, les arbres surplombaient la route, comme s’ils voulaient l’absorber.
Emrys se demanda si le moindre rayon de soleil arriverait à percer l’épais feuillage de la forêt. Seddik s’arrêta de chanter, puis le char passa sous l’arche. Le vieil homme prit une lanterne dans la main droite et avec la gauche, il claqua des doigts, faisant jaillir une flamme sur son pouce. Il alluma de cette manière la bougie de la lanterne.

- Pourquoi tu…, voulu demander Emrys, mais Seddik leva une main.
- Silence, fit-il à voix basse. On nous surveille. Tu as un pull ou un manteau, Emrys ?
- Bien sûr.
- Alors sors-le. Tu en auras besoin.

Emrys tourna la tête en tout sens, mais ne vit pas grand chose, car, comme il le soupçonnait, le soleil ne paraissait point jusqu’au sol. Seules les cimes des arbres étaient éclairées.
Le froid commençait à s’installer et Emrys dut avouer que mettre son pull était une excellente idée. Le noir se faisait de plus en plus lourd et pesant. Seddik dut ralentir la charrette, car on ne voyait rien au devant.
Des bruits retentissaient dans les ombres des bois : des craquements de branches, des bruissements de feuilles battues par le vent, des croassements de corbeaux, des pas d’animaux divers, sans oublier, de temps à autre, des hurlements de loups. Après un moment dans la Grande Forêt, Emrys n’osa plus bouger. Les bruits devenaient de plus en plus inquiétants et seuls les yeux du jeune homme pivotaient de gauche à droite. Il faisait froid, sans la chaleur du soleil et cela devenait de plus en plus insupportable. Seddik, qui jusque là ne s’était vêtu, prit un manteau et la plaça sur ses épaules. Emrys quant à lui, se blottit le plus possible pour se réchauffer.
Quelques minutes plus tard, des coassements de grenouilles et des bruits d’eau coulante, vinrent se rajouter au chahut ambiant. Seddik plissa les yeux, puis prit fermement les rênes et les tira d’un geste brusque, contre lui. Reghtis s’arrêta, ainsi que le char. Le vieil homme descendit du véhicule et s’avança jusque devant sa monture. Puis il revient auprès du jeune homme.

- Il n’y a plus de pont, dit-il à Emrys, toujours à voix basse. Surtout ne t’inquiète pas. Nous passerons, avec un petit tour de magie, naturellement.

Emrys acquiesça d’un signe de tête. Seddik se pencha sur le sol et ramassa une poigné de terre. Ensuite, il s’approcha du pont et lança la terre sur l’ouvrage en pierre. Emrys ne vit pas se qui s’était passé, car l’obscurité ne le lui permettait pas. Seddik reprit sa place sur la charrette et secoua les rênes et le cheval reprit sa marche. Après quelques rhubi, Emrys aperçut le pont. Effectivement, il était brisé. Seuls les deux montants, de chaque côté de la rive étaient intacts. Ceci devait être un grand problème, en temps normal, vu que la construction faisait environ dix rhubi de longueur. Mais il semblait que pour le vieil homme ce n’était qu’un détail à régler.
En effet le grand trou était maintenant bouché par un planchée de terre. le mur improvisé remplaça les dégâts du pont en pierre, qu’à l’évidence, personne ne voulait venir réparer.
Le char s’avança sur la nouvelle structure. Il semblait que Reghtis avait dû souvent passer dans cet endroit, car il n’avait aucune crainte du rafistolage provisoire qu’avait créé son maître. Sûrement que la route de la Grande Forêt n’était plus pratiquée depuis longtemps, pour qu’elle soit dans cet état. Une forme irrégulière qui secouait le véhicule de tous les côtés.
Après le passage du char, Emrys regarda en arrière et il put s’apercevoir que la terre avait disparu, laissant place au trou béant du vieux pont.

Les sinistres bruits qui enveloppaient la forêt, continuaient sans cesse. Le chemin était encore long, avant de ressortir du néant. Le trajet, par moment, tournait sec et Emrys soupçonnait même à la route de vouloir les renvoyer d’où ils venaient, pour que jamais ils ne puissent traverser la forêt. Mais il est clair que des arbres n’étaient en rien dotés d’intelligence, mis à part les rajables qui, bien que respectés par de nombreuses personnes, ne s’amuseraient pas à faire une telle chose. Cela ne leur apporterait rien. Pourtant, Seddik n’avait pas l’air d’être perturbé par tout cela. Il laissait à penser, qu’il était sûr de lui et que de passer dans la Grande Forêt serait un raccourci idéal. Il n’avait nullement peur, comparé à Emrys qui ne souhaitait que partir le plus vite possible de cet horrible endroit sombre et ténébreux.
Après une bonne heure à errer dans le noir, une forte lumière apparut dans le lointain, tel la sortie d’un tunnel. Le cœur d’Emrys se réchauffa en voyant cela.
Enfin le jour, pensa-t-il.
Quelques instants plus tard, le char sortit du rideau noir de la forêt, pour pénétrer dans la chaude et douce luminosité du soleil.
Ils remontèrent une légère pente. Arrivés au sommet, ils découvrirent devant eux le petit village de Nars et un peu plus loin, vers la gauche, la belle cité de Titus. De la fumée s’échappait des cheminées des maisons. Aucun nuage ne se voyait dans le ciel. Seul le soleil régnait sur le grand fond bleu-azur.

- Nous allons nous arrêter là-bas, déclara Seddik, montrant un replat du côté gauche de la route, en contre-bas de la pente. C’est midi, et il est temps de manger. Qui plus est, Reghtis doit se reposer.
- D’accord, répondit Emrys.

Ils avancèrent sur la route jusqu’à ce que le char se plaça au bord du chemin et s’arrêta.