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Par Emrys Harriet



Chapitre V Suivi de près

La lune éclairait les cimes de grands arbres, donnant à leur feuillage une couleur bleutée. Au fond de la forêt, scintillait une quarantaine d’œils blancs. Des grognements retentirent dans les ombres des arbres, alors que ces yeux s’avancèrent rapidement entre les troncs d’arbres garnis de mousses. Ils sortirent, comme l’éclair, de la forêt, dévoilant vingt et une créatures, environ de taille humaine. Plus précisément, elles avaient l’allure d’un homme, mais leurs membres étaient recouverts de poils. Certains étaient noirs, d’autres bruns, voir même gris. Leur tête ressemblait à une tête de chien. Ils possédaient également, de longs ongles brunis, et leurs pieds étaient nus. Ils portaient des vêtements de couleur foncée, déchirés et rapiécés. Ils reniflèrent l’air, par à coups. Puis l’un d’entre eux émit un long hurlement, tandis qu’un éclair perçait le ciel et que la pluie commençait à tomber. Ensuite il courut sur une route de pierres. Les autres le suivirent en hurlant à leur tour. Au loin devant eux, dormait le paisible village de Nars.

Emrys se réveilla en sursaut. Il remarqua que Mens clignotait fortement, autour de son cou. Il s’assit sur le rebord du lit.
- Merci, dit-il à l’intention de la pierre. J’espère que tu as raison cette fois.
La luminosité de Mens s’estompa. Emrys s’habilla rapidement. Au dehors, il pleuvait à verse. Il enfila sa veste et prit ses affaires. Il allait franchir la porte, au moment où celle-ci s’ouvrit et que Calvin se tenait devant lui, à moitié réveillé.
- Qu’est-ce que vous faites ? Demanda l’homme. Vous avez fait tellement de bruit que me voilà réveillé.
- Je suis navré, Monsieur Gino. Mais je dois partir sur le champ.
- Partir ? Maintenant ? Pour quelle raison ? Il pleut à verse dehors. Vous serez trempé jusqu’aux os avant d’avoir atteint l’une des Portes de la ville.
- Je suis poursuivi, et je vous mets en danger, en restant ici, ainsi que la ville toute entière.
- D’accord, mais ne partez pas. Nous allons avertir la garde.
Ils descendirent en toute hâte à l’étage inférieur. Calvin se vêtit simplement d’une grande veste, sur ses habits de nuit. Puis ils sortirent, courant dans la direction de l’ouest de la ville. La pluie leur fouettait le visage et leurs yeux étaient semi-fermés. Des rafales de vent s’abattaient dans les rues, donnant l’impression que la pluie tombait encore plus fortement. Leurs pieds s’écrasaient dans d’immenses flaques d’eau, dont le niveau leur arrivait parfois au-dessus de leurs chevilles. Calvin portait un chapeau et Emrys avait placé le capuchon de sa veste sur la tête. Plusieurs éclairs jaillirent dans le ciel.
- Comment avez-vous su que vous étiez poursuivi ? Demanda Calvin en criant, car le bruit du vent couvrait sa voix.
- C’est un de mes pouvoirs sur la vision du futur.
Emrys savait très bien au fond de lui que c’était Mens qui l’avait averti, mais il ne voulait pas le dire à Calvin, car les pierres de Verum possèdent de grands pouvoirs et nombreuses étaient les personnes qui voudraient les utiliser à leurs propres fins. Il attendit qu’un grand coup de tonnerre passe avant de continuer.
- Dépêchons-nous. Les loups-garous courent avec une grande rapidité. Ils arriveront bientôt.
- Des loups-garous ! Vous en êtes sûr ?
- Malheureusement oui.
Ils continuèrent de courir, devant eux se dressaient, à une centaine de rhubi, les Portes Sud-Ouest. Ils arrivèrent enfin, devant la muraille, mais il n’y avait personne et les Portes étaient grandes ouvertes. Calvin courut en direction d’une des tours de garde, celle de droite. Emrys le suivit. Tous les gardes de la ville s’étaient réfugiés dans les tours et les portes de celles-là furent fermées. Calvin cogna vivement à la porte. Après quelques instants, un homme ouvrit le judas de la porte, dévoilant ses yeux bruns et son nez légèrement recourbé.
- Qui va là ? Déclara l’homme avec un ton de mise en garde.
- Calvin Gino et l’un de ses amis, Emrys Bachar. Il est de la plus grande importance que je puisse parler au général Knud.
- Un instant, je vous prie.
L’homme referma le judas et peu de temps après, la porte de la tour s’ouvrit, alors qu’un grand homme apparut dans l’encadrement, éclairé de l’intérieur.
- Calvin. Que me veux-tu en pleine nuit ?
- Pas le temps de bavarder, Harm, répondit Gino. Des loups-garous se dirigent vers la ville. Fais fermer immédiatement les Portes et avertis les autres.
- Calvin. Les loups-garous ne sortent point de la Grande Forêt. (Il réfléchit un moment et des hurlements retentirent au loin.) Mais il me semble que manifestement, tu as raison. Entrez à l’intérieur.
Il entrèrent tous les trois dans la tour. Derrière la porte, se trouvait une petite salle. Des torches étaient placées contre les parois, les murs et de l’autre côté de l’entrée, il était placé une échelle, permettant d’accéder à l’étage supérieur. Contre le coin de la pièce, était calé une table avec deux chaises, dont l’une d’elles était occupée par un garde. A l’apparition de Calvin et d’Emrys, celui-ci se leva brusquement.
- Sonnez l’alarme, cria Knud regardant l’homme qui s’était précédemment levé, puis il se tourna vers un autre garde à sa gauche. Vous ! Occupez-vous de fermer les Portes, et vite.
Le premier homme, monta rapidement l’échelle, mais l’autre resta sur place et protesta.
- Mais général Knud. Nous n’avons point fixé les Portes au chaînage. Nous voulions attendre le matin.
- Bien entendu que nous voulions procéder aux fixations le matin, mais ceci est une urgence, alors faites le nécessaire. Poussez-la, s’il le faut ! Compris !
- Oui, mon général.
L’homme courut à l’extérieur, tandis qu’une cloche commençait à sonner dans la tour.
- Venez ! Déclara Harm, à l’intention d’Emrys et son ami.
Ils empruntèrent l’échelle. Puis ils s’arrêtèrent à l’étage suivant. Juste derrière la trappe, par laquelle ils étaient sortis, il y avait une ouverture, menant au sommet de la muraille. Emrys remarqua que plusieurs hommes se tenaient sur les remparts et un autre tirait vivement la corde qui activait la cloche de la tour, au centre de la pièce. Ils suivirent Harm qui sortit en courant sur la muraille.
Il s’arrêta au bout de quelques rhubi et observa à l’extérieur de la ville. Au loin, on entendait le son de deux autres cloches de Titus. Les Portes Nord et Sud-Est devaient, également, être en train de se fermer. Il semblait à Emrys que les trois cloches avaient des sonorités différentes, et cela devait sûrement être vrai, pour connaître d’où venaient les menaces ennemies.
Le général Knud aperçut des silhouettes noires, au loin. Elles se déplaçaient rapidement dans les vergers. Harm se retourna vivement, regardant en bas du mur.
- Les Portes sont-elles fermées ? Cria-t-il à l’intention de l ’un de ses hommes.
- Affirmatif, mon général.
Harm regarda à nouveau au loin. Il plissa ses épais sourcils touffus et noirs. Emrys et Calvin se tenaient à ses côtés.
- C’est étrange, déclara le général. Regardez ! Ils ne viennent pas directement vers nous. (Les deux autres regardèrent également dans la direction que Knud désignait du doigt.) Ils passent par Nars.
Un éclair jaillit, suivi d’un fort coup de tonnerre.
- Et alors ? Demanda Calvin. C’est quant même ici qu’ils se dirigent. Je ne vois pas le problème qu’il y a. S’ils veulent emprunter la route, c’est leur droit. Par bonheur, cela joue en notre faveur et nous laisse un plus de temps.
- Tu as raison, Calvin, continua Harm. Mais ce n’est pas ça qui ne gêne. A mon avis, ils cherchent quelque chose ou quelqu’un. Sinon, pourquoi, suivraient-ils la route ? C’est insensé. Jamais ils n’auraient fait cela, s’ils ne devaient pas suivre une trace. Et encore, leur intention n’est pas d’attaquer la ville. Je n’en vois qu’une petite vingtaine. Ils ne sont pas assez nombreux pour les craindre. Non, ils suivent quelque chose.
- Vous croyez ? Questionna Emrys, voulant faire croire qu’il n’y était pas au courant.
- Bien entendu. Et je crois que nous allons laisser les Portes fermées, jusqu’à ce que nous sachions, qui est visé par cette attaque.
Voilà ce craignait le plus Emrys : rester coincé à l’intérieur de la ville. Seddik avait bien dit que Knud était craintif, mais à ce point-là, il n’aurait jamais pensé. Il n’aurait pas dû écouter Calvin, et il aurait dû partir. Il aurait pu semer ses loups-garous à l’extérieur de la ville, dans la Forêt d’Alesia. Mais maintenant, il était piégé et il ne pouvait pas revenir en arrière. Ce qui a était fait, ne pourra pas être modifié. Il devait fuir Titus, sinon sa mission sera connue de la ville toute entière, ce qui, malheureusement, ne devait jamais se faire. Oui, s’enfuir. Il ne restait plus que cette solution.
- Merci de nous avoir averti, Calvin, continua Harm.
- Ce n’est pas moi qu’il faut remercier, mais mon ami, Emrys Bachar.
Le général regarda dans les yeux, le jeune homme, et lui tendit la main qu’Emrys empoigna.
- Heureux de faire votre connaissance, monsieur Bachar. Comment avez-vous fait pour savoir que des loups-garous venaient en direction de la ville ?
- Je fais souvent des rêves prémonitoires, répondit Emrys. C’est l’un de mes pouvoirs premiers.
Mieux fallait ne rien dire au sujet de Mens, à l’homme qui veut chercher la raison de la venue des loups-garous.
- Un illusionniste ! Ils sont rares de nos jours.
Soudainement, Emrys se souvins de la discussion sur les enchanteurs et les sorciers qu’il avait eu à Nars avec Seddik. Il espérait simplement que le fait de passer pour un illusionniste ne compliquerait pas les choses, mais apparemment on ne l’enfermerait pas.
- Merci ! Vos dons nous ont été d’un grand secours. (Le général regarda à nouveau les créatures.) Je pense qu’ils ne s’interposeront pas longtemps, lorsqu’ils verront que les Portes ont été fermées. Je vous propose de retourner chez vous. Les cloches sonneront, tant qu’ils ne seront pas partis, mais le temps que vous regagniez votre demeure, elles ne résonneront plus. Allez ! Et bonne nuit à vous, ne vous souciez guère d’eux.

Calvin et Emrys redescendirent tranquillement de la tour, puis en sortirent finalement. La pluie continuait de tomber à grosses gouttes et de grands nuages noirs recouvraient tout le ciel. La lune ne se voyait plus. Seuls quelques éclairs émanaient de la lumière dans la nuit. Les deux rentrèrent chez Gino, se mettent à l’abri le plus possible, pour ne pas être trempés. De temps en temps, un hurlement de loup-garou retentissait et ils se retournaient, comme pour savoir s’ils étaient poursuivis. Mais ils ne virent rien d’autre que le scintillement d’éclat, que les gouttes d’eau formaient sur les pavés de la rue.
Finalement, ils entrèrent à nouveau chez Calvin, déposant leurs vêtements humides près du feu, qui brûlait à petites flammes. Il restait quelques heures avant le lever du jour et ni Emrys, ni Calvin ne voulaient se recoucher. Ils s’assirent donc au salon, écoutant le feu crépiter dans le foyer.
- Je ne peux point rester plus longtemps, déclara Emrys, rompant le silence. Je ne désire pas rester coincé ici, et encore moins, que l’on sache qui je suis et ce que je fais.
- Je comprends votre inquiétude, Emrys. Mais vous avez entendu comme moi. Ils vont garder les Portes fermées, maintenant. Comment voulez-vous partir ?
- Je ne sais pas, mais je dois le faire et j’ai besoin d’un coup de pouce.
- Je vous aiderai. C’est à cause de moi, si vous êtes coincé ici. Au lieu de vous avoir laisser partir, je vous ai proposé d’avertir la garde. C’est ma faute.
- Non ! Vous avez cru bien faire. Vous ne pouviez pas savoir que le général Knud allait faire une telle chose.
Calvin secoua la tête, tout en la baissant, puis il la releva, regardant Emrys.
- Oui ! J’aurai pu le savoir. J’étais dans l’armée, autrefois. J’étais garde dans la même division que Harm Knud. Il avait continué de travailler là-dedans, mais pas moi. Je suis parti et je suis devenu bibliothécaire, quant à lui, il a vite gradé.
- Pourquoi avez-vous arrêté l’armée ?
- Vous voulez vraiment le savoir ?
Emrys acquiesça de la tête.
- Très bien, continua Calvin en soupirant. C’était pour la simple raison que les armées de Sophus ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois, dans les Temps Anciens.
- Que voulez-vous dire ?
Calvin se cala dans son fauteuil, reposant sa tête contre le dossier. Puis il tendit un doigt en direction du mur à sa gauche. Emrys tourna la tête et vit une gravure de bois accrochée contre la paroi. Elle représentait des sophustils à droite, brandissant de longs bâtons ornés de pierres à leur sommet : des kurep-junoyai. Ceux-ci brillaient d’un vif éclat.
Derrière les sorciers, se tenaient aslas, xouxs, niuprs, et autres hommes, armés de sabrolaser, ou d’arcs à faisceau. Et en face d’eux, il y avait des Foscioums, dont leurs grandes dents ressortaient de leur bouche.
- Vous voyez cette gravure, continua Calvin. Elle représente les derniers jours de la Guerre des Sept. Lorsque les sophustils unirent leur pourvoir pour empêcher l’ennemi d’avancer, en attendant la venue de la couronne de Verum.
"Autrefois, les guerriers de Sophus étaient de grands et puissants sorciers. Ils portaient fièrement leur bâton et aucune autre arme. Leurs pouvoirs faisaient leur force.
"Mais maintenant, de moins en moins de jeunes de notre peuple croient à de tels pouvoirs et les temps de paix n’ont, en ce sens, rien arrangé. Les jeunes sophustils s’entraînent de moins en moins à exercer leurs sorts, car ils n’en avaient nul besoin.
"Malheur pour nous, maintenant le besoin se fait sentir, et peu d’entre nous possède de grands pouvoirs, comme aux temps de jadis. L’armée s’est alors tournée vers les armes de métal et de lumière, comme les autres peuples qui ne maîtrisent point la magie.
"Si cela ne tenait qu’à moi, je fonderai une école, afin que des gens du royaume tout entier puissent apprendre la magie, mais mes pouvoirs sont petits, comparé…
- A nos ancêtres, conclut Emrys
- Non. Comparé aux vôtres. (Emrys le regarda ébahi.) Je vous ai vu faire jaillir une flamme de votre main, sans qu’il y ait eu de frottement et vous avez des dons d’illusionniste. Vos pouvoirs sont immenses. Une fois que votre tâche sera accomplie, voudriez-vous m’aider ?
Emrys ne répondit pas tout de suite. Il pensa à la place qu’il devra prendre, à la fin de sa quête. Est-ce que son père est-il encore vivant ? Si oui, lui donnera-t-il la couronne et reviendra-t-il en Sophus, ou restera-t-il avec ses parents. Et si son père n’est plus, il sera obligé de rester en Roald. Bien entendu, il reviendra car il l’avait promis à Débora, mais restera-t-il pour fonder une école ?
Emrys voulait lui poser des questions sur les enchanteurs et les illusionnistes, mais il se ravisa. Ces questions pourront attendre la fin de la guerre.
- Lorsque tout cela sera terminé, je vous promets de revenir, pour vous rendre réponse. Mais gardez espoir. Les ombres disparaîtront, pour autant que je puisse m’en aller.
- Vous avez raison, Emrys. Et je crois qu’il n’y a nul besoin de discours. (Il se leva et prit sa veste.) Allons ! Il faut partir et je vous accompagne jusqu’aux Portes Nord, mais pas plus loin. Je ne me sens pas de taille à affronter des loups-garous.
- Très bien, déclara Emrys, tout en se levant à son tour. Allons-y et espérons qu’ils n’aient pas encore bouclé les Portes.
- Vous pouvez faire une croix dessus. Comme je connais Knud, il aura déjà donné l’ordre. Mais ne vous inquiétez pas. J’ai une idée. Venez !
Ils sortirent. Calvin le premier, suivi de très près par Emrys, portant ses affaires, bâton en mains. Il pleuvait toujours aussi fort qu’avant et le ciel ne s’était pas éclairci. Il demeurait noir et ténébreux. Ils s’arrêtèrent près des Portes Nord, se cachant à l’ombre d’un bâtiment et observèrent ce qui se passait. Les gardes étaient répartis sur la longueur de la muraille, et une autre partie comblait les tours. Calvin se retourna vers Emrys.
- Je crois que c’est le moment, fit-il.

Un grand hurlement de loup résonna à l’intérieur de la ville. Les gardes tressaillirent. L’un d’eux agitait les bras, ordonnant à d’autres de partir voir ce qui se passait. Un autre cri retentit, et les gardes crièrent : Ils sont entrés. Les cloches sonnèrent à nouveau dans un bruit sourd. Emrys regarda les Portes et découvrit qu’il n’y avait plus grand monde. Il compta six soldats. Il décida donc, que c’était le moment propice pour fuir. Il s’avança lentement en direction des Portes. Il jeta un dernier regard en arrière lorsqu’il entendit un autre hurlement. Il sourit en pensant que Calvin aurait fait un très bon imitateur.
Il leva la tête, regardant un homme sur la tour de droite. Il sortit Mens et la détacha de la chaîne. Puis il la fixa au sommet du kurep-junoyai qu’il tenait fortement dans les deux mains, comme les sorciers de la gravure.
- Allez ! A toi de jouer maintenant, chuchota-t-il à la pierre.
A ces mots Mens clignota une fois et une fine poussière brillante vola dans les airs en direction des soldats. Celle-ci s’estompa lorsqu’elle arriva à la hauteur de leur tête. Un moment plus tard, Emrys entendit de grands cris.
- Ils sont sur les remparts. Attrapez-les !
Alors les gardes se déplacèrent, courant dans la direction opposée aux Portes. Les soldats étaient maintenant, au loin, plus personne ne gardait les gigantesques Portes Nord, mais celles-ci étaient fermées et il fallait posséder une grande force pour les ouvrir, même un peu.
Emrys ne se souciait guère de ce problème, mais par-contre, pour pouvoir fuir de la ville, il fallut faire croire à tout le monde que les loups-garous avaient pénétré à l’intérieur. Or c’était faux et ces êtres malveillants rodaient toujours à l’extérieur. Le plus grand danger viendra lorsqu’il aura passé les Portes.
Enfin il arriva devant le grand obstacle. Il ôta délicatement la planche qui tenait les Portes ensemble, puis la reposa doucement sur le sol. A l’aide de son kurep-junoyai, il écarta la Porte de gauche, afin qu’il puisse juste passer. Au-dessus de lui, il entendit un garde hurler à l’intention de ses autres collègues.
- Il y a magie derrière tout cela. Mes lasoflèches traversent les créatures. Laissez tomber ! Retournons aux tours.
Emrys courut d’un pas précipité, traversant les Portes. Il s’enfuit au nord, en direction de la Forêt d’Alesia. Le jour se lèvera bientôt, mais les nuages qui obstruaient le ciel, laissaient à penser que la nuit durerait encore longtemps. La pluie continuait, toujours, à tomber à verse. Les arbres de la forêt se voyaient à peine dans les ténèbres. De temps à autre, des éclairs jaillissaient dans le ciel, éclairant les cimes feuillues des arbres, dans un blanc éclatant.
Emrys courait toujours, son capuchon sur la tête, cachant partiellement son visage. Ses habits étaient trempés par les gouttes d’eau, ce qui alourdissait le poids de ceux-ci, rendant encore plus pénible la fuite. Il ne pourrait pas continuer à ce train-là encore longtemps et ça, il le savait très bien. Il commencera à marcher lorsque le jour se sera levé. A ce moment-là, les loups-garous perdront leur horrible apparence.

Emrys arriva à la lisière de la forêt, lorsqu’un grand hurlement retentit en arrière. Il s’arrêta, se retourna, regardant au loin la ville. Il aperçut plusieurs silhouettes noires courir dans sa direction.
Ils arrivent, pensa-t-il.
La pluie avait maintenant cessé de tomber, mais le ciel restait chargé de nuages. Le soleil n’apparaissait point à l’horizon, même pas un seul rayon ne traversait le voile nuageux.
Les loups-garous approchaient de plus en plus. Emrys était fatigué, mais il devait continuer la route et échapper à ses poursuivants. Il abaissa sa capuche et reprit sa course. Il continua sur une vingtaine de rhubi sur la route. Puis, ses jambes se dérobèrent sous lui et il trébucha, roulant dans le talus à sa gauche. Il essaya de se retenir à l’aide de ses mains, tentant d’empoigner branches ou arbustes. Il en prit une, mais malheureusement celle-ci était sèche et elle céda avec le poids d’Emrys. Il ne put retrouver une prise et il se cogna la tête contre un bout de rocher. Il vit tourbillonner l’herbe verte du talus, tout en continuant sa descente. Enfin, il s’arrêta d’un seul coup, arrivant contre un arbre. Il entre-ouvrit ses yeux et il aperçut une lueur jaune dans le ciel. Puis, le noir envahit ses pensées. Ses yeux se refermèrent et il sombra dans les ténèbres.

A son réveil, Emrys remarqua qu’il se tenait dans une autre position qu’auparavant. Il était allongé, le dos contre un rocher et les bras le long du corps. Son bâton se trouvait à quelque rhubi de lui, à sa droite et ses autres affaires étaient alignées au pied d’un arbre en face de lui. Il portait un bandeau qui lui serrait la tête. Il le toucha avec les mains. Il était humide et enlevant ses mains, il avait les doigts tachés de sang. Emrys comprit donc que quelqu’un l’avait trouvé dans la forêt. Etait-il au même endroit qu’après sa terrible chute ? Cela, il ne pouvait pas le dire, mais qu’importe. Il était vivant et c’était le principal. Il s’appuya sur une main, afin de se lever.
- Je ne ferais pas cela, à votre place.
Emrys surprit tourna légèrement la tête à gauche. Il vit un homme aux vêtements déchirés. Son visage était un peu allongé, ses cheveux d’un noir d’encre coupés très court. Ses yeux bruns brillaient dans son regard. Celui-ci s’approcha.
- Vous êtes encore trop faible, continua l’homme. Reposez-vous. Tenez ! (Il tendit les mains vers Emrys.) Je vous ai apporté des fruits. J’ai pris ce que j’ai pu trouver.
Emrys restait méfiant. L’homme lui fit un léger sourire, montrant de longues canines. Emrys regarda ensuite les mains de l’homme, voyant des fruits, tels que mûres, fraises et baies des bois. Etait-ce cet homme qui lui a sauvé la vie ? Pourquoi ? Emrys ferma un instant les yeux, puis, posa son regard sur le kurep-junoyai, car la peur que l’on put voler Mens lui effleura l’esprit. Il respira profondément, relâchant ses muscles en voyant qu’elle n’avait pas disparu. Pour finir, Emrys parla à l’homme.
- Vous êtes un loup-garou, n’est-ce pas ? (L’homme estompa son sourire.) Pourquoi m’avez-vous sauvé ?
L’homme resta quelques minutes, silencieux, il détourna le regard et avait les yeux perdus dans la verdure de l’herbe.
- Je vous ai sauvé parce que vous avez une grande importance pour le monde et pour mon clan.
- Votre clan ! S’exclama Emrys.
- Ne criez pas aussi fort, déclara l’autre en tournant la tête vers le jeune homme. Ils ne sont pas loin. Il ne faut pas qu’ils nous entendent.
- Qui ça, Ils ? Je ne comprends pas.
- Vos poursuivants. Les loups-garous.
- Vous n’en êtes pas un ?
- Oui, mais je viens du clan des Niproz-zeag, et pas eux. Ils sont mauvais et très cruels.
- Je ne savais pas qu’il y avait plusieurs clans de loups-garous.
- Bien sûr qu’il y en a plusieurs. Niproz-zeag est le clan des bons loups. Ça veut dire cela en asla. Mais vous poserez des questions plus tard. Il faut que vous mangiez. Nous devons partir, avant qu’ils nous trouvent et si possible, avant la tombée de la nuit.
Emrys n’avait pas trop confiance envers le loup-garou, mais ce qu’il avait dit était vrai. Il devait manger pour reprendre des forces. Il observa un moment les fruits qui se trouvaient devant lui. Il les mangea les uns après les autres avec des gestes lents, car il avait une douleur dans l’épaule gauche et également à la hanche, du côté droit. Le loup-garou, quant à lui, resta debout et il guettait au loin. Emrys regarda le ciel et remarqua que par rapport au soleil, qui brillait maintenant, il devait être midi.
Après avoir fini de dîner, il essaya de se lever, mais il avait une grande peine. Le loup-garou remarqua qu’Emrys se mettait debout et il alla l’aider, le tenant par le bras.
- Attendez ! Déclara-t-il. Je vais vous donner votre bâton, pour vous appuyer. Je porterai vos sacs.
- Merci, répondit Emrys lorsque le loup-garou lui apporta son kurep-junoyai. Quel est votre nom ?
- Je ne nome Bardolf Oméya. Je suis originaire de Kamîl, mais cela fait longtemps que je vis ici, avec les Niproz-zeag.
- A cause de votre race ?
- En quelque sorte, mais je vous expliquerai cela plus tard, lorsque nous serons au village.
- Chez les Niproz-zeag ?
- Exact.
- Très bien. Je vous suis, mais puis-je vous poser une question ?
- Bien entendu.
- Comment m’avez-vous trouvé et pourquoi les autres loups-garous n’ont pas réussi ? J’ai de la peine à comprendre.
- C’est très simple. Je vais vous expliquer, mais marchons en même temps. Ils nous trouveront tôt ou tard, si l’on reste ici.
Bardolf se mit en marche les sacs d’Emrys sur les épaules. Emrys le suivit, étant à ses côtés pour mieux entendre le récit de son sauveur.
- Les nuages se levèrent gentiment lorsque nous entrâmes dans la forêt d’Alesia, commença Bardolf. Quand je dis, nous, cela signifie le clan qui vous poursuit et moi-même, à l’intérieur du groupe, en temps qu’espion de mon clan.
"Peu de temps après, le soleil se leva, et nous reprîmes nos apparences normales, telles que vous me voyez maintenant. Nous vous suivions au flair, mais une fois la mutation terminée, notre odorat ne fut plus le même. Il n’était plus aussi sensible. Nous étions donc obligés de vous chercher. La plupart du groupe continua sur la route, d’autres la suivirent encore un moment, puis ils prirent différents sentiers qui traversent la forêt.
"Je fus du second groupe, mais avant de prendre un chemin quelconque, je remarquai au bord de la route, que de l’herbe était éraflée, faisant ressortir de petites mottes de terre. Après un moment de course, lorsque tout les autres furent loin de moi, je repartis en arrière, à pas léger. Arrivé à l’endroit que je trouvais suspect, je descendis le talus, sur la pointe des pieds. Je ne vis rien, tout de suite, mais après un moment, j’aperçus un rocher, où sur l’une de ses faces, il y avait une tache de sang.
"Continuant, je remarquais une traîné de sang dans les herbes. Je la suivis, jusqu’au moment où je vous vis, étendu, auprès d’un arbre. Vous ne bougiez plus. Tournant votre tête, je pus remarquer que vous étiez blessé. Je déchirai un morceau de ma manche et je fis un bandage passant sur la plaie, entourant votre tête.
"Ensuite, je vous ai déplacé, en vous portant, dans un lieu mieux abrité, afin que les autres ne puissent pas vous trouver facilement. Puis, je vous ai appuyé contre un rocher, la tête vers le haut pour que vous vous perdiez moins de sang. Je suis resté un moment à vos côtés et il approchait de midi. Je partis donc chercher de la nourriture pour dîner. Voilà toute l’histoire.
- Je comprends mieux maintenant. Mais pourquoi avoir déposé mes affaires un peu plus loin que le rocher ? Demanda Emrys.
- C’était plus facile pour vous poser contre le rocher, et puis j’avais peur qu’à votre réveil, vous preniez une quelconque arme pour vous sauver avant de m’avoir écouté.
- Je suis un sophustil, Bardolf. Et si j’avais eu l’intention de vous blesser ou de vous tuer, je n’aurai pas utilisé d’arme.
- C’est gentil. Je me sens plus en sécurité.
- Peut-être vous, mais quant à moi, je ne sais qu’en dire. Et si vous m’emmenez dans un guêpier, je peux vous dire que je ne serai plus gentil du tout.
- Ne vous faites pas de soucis. Je vous emmène dans mon village, pour vous soigner, afin que vous puissiez reprendre la route au plus vite. Je sais qui vous êtes et ce que vous voulez faire. Je l’ai entendu, à la lisière de la Grande Forêt, lorsque vous étiez accompagné d’un vieillard.
- Vous avez entendu ?
- Oui. Et malheureusement pour vous, je n’étais pas le seul.
- Je comprends. (Il serra les dents et mit la main droite sur sa hanche.) Aïe ! Je suis désolé Bardolf, mais je suis obligé de me reposer un instant.
- Continuons encore quelques mètres. Il y a la Tahir, un peu plus loin. Nous nous arrêterons là-bas. Nous pêcherons et avec de la chance je trouverai des herbes pour vous soigner un peu.

Ils arrivèrent au bord de la rivière. Son eau était claire et coulait lentement entre de grands rochers ronds. Elle était tellement transparente que l’on pouvait voir le fond. Autour de son lit, poussaient roseaux, fougères et hautes herbes, ainsi qu’une multitude de fleurs sauvages : pâquerettes, marguerites, primevères, boutons d’or, orchidées et lupins. Il y avait également quelques arbustes isolés. Des papillons de couleurs différentes et abeilles allaient d’une fleur à l’autre.
Emrys était émerveillé par ce qu’il voyait en ce moment. Il se coucha contre un arbre, regardant la rivière et écoutant son chant mélodieux d’eau caressant les rochers. Bardolf, quant à lui, s’avança au bord de la Tahir, les genoux au sol. Il mit les mains à l’intérieur de la rivière. Après quelques minutes, il se retira avec deux poissons dans les bras. Il s’approcha alors d’Emrys.
- Tenez, dit-il tendant l’un des poissons au jeune homme. C’est pour vous. Mangez-le pendant que je regarde s’il y a des plantes utilisables dans le coin.
- Merci beaucoup. Vous le mangez cru ?
- Euh. (Il regarda le poisson.) En général non.
- Alors donnez-le-moi, je le ferai cuire.
- D’accord. (Il donna le poisson.) Mais faites discret.
- N’ayez crainte.
Bardolf se détourna et disparut derrière un buisson. Pendant ce temps, Emrys prit les deux poissons dans les mains. Puis, il fit jaillir de la chaleur de ses paumes. Quand Bardolf revint, il avait une poignée d’herbes en main. Il vit Emrys et la fumée s’échappait des mains, puis s’arrêta net.
- Qu’est-ce donc que cela ? Demanda-t-il un peu effrayé.
- Du poissons grillés, Bardolf. N’ayez pas peur.
Le loup-garou s’approcha lentement.
- Vous tombez bien, continua Emrys. Les poissons doivent être délicieux, maintenant. (Bardolf qui s’était assis en face de lui, déposa les herbes à ses pieds. Emrys posa le poisson par terre.) Attention, il est chaud.
- Merci, répondit Bardolf, prenant la nourriture. J’ai trouvé de quoi apaiser votre douleur à la hanche. Mais mangeons. Je vous soignerai après.
- Très bien.
Il mangèrent délicatement leur poisson, tout en faisant attention aux arêtes. Emrys trouvait que, sans épices ou herbes aromatiques, cette nourriture n’avait pas grand goût, mais elle soulageait son estomac. Il n’avait rien mangé depuis hier soir, mis à part les quelques fruits de tout à l’heure.
Après un moment, ils avaient fini leur repas. Bardolf prit, dans son sac, un petit bol en bois et il alla chercher un galet au bord de la rivière. Revenant aux côtés d’Emrys, il plaça les herbes dans le bol et à l’aide du caillou, le tenant fortement dans la main gauche, il écrasa les plantes. Celle-ci, se faisant broyer, laissèrent sortir un liquide de couleur verte, très concentré. Après une quinzaine de minutes, les herbes disparurent, écrasées dans le bol, juste le jus demeurait à l’intérieur du récipient.
- Montrez-moi votre hanche, s’il vous plaît.
Emrys descendit ses pantalons. Bardolf trempa les doigts dans le liquide verdâtre et l’étala sur la peau du jeune homme qui était devenu un peu bleue. Il y mit tout le contenu.
- Laissez à l’air libre, que ça pénètre dans la peau.
- D’accord. Merci Bardolf.
- De rien Emrys, mais cela vous soulagera un certain temps. Le médecin de mon village vous soignera mieux. Il a des connaissances de guérison aslas.
Bardolf se leva pour nettoyer son bol dans la rivière. Une fois ceci fait, il revint vers Emrys, secouant le bol, afin de l’égoutter un peu. Puis, il le remisa dans son sac et il mit celui-ci à son dos. Emrys regarda sa hanche et remarqua que le liquide vert avait pratiquement disparu.
- Vous pouvez vous rhabiller et vous lever. Nous devons continuer, maintenant. Les autres risquent de nous tomber dessus à tout moment. Une fois au village, nous ne risquerons plus rien. Allez ! Venez vite !
Il avait moins mal à la hanche, mais elle était encore douloureuse. Bardolf tira la main d’Emrys, pour l’aider à se lever. Le jeune homme s’appuya sur son bâton, tandis que l’autre portait tous les sacs. Il traversèrent la Tahir, passant de rocher en rocher. Emrys avait de la peine, mais avec l’aide de Bardolf, il franchit la rivière sans encombre. Puis ils marchèrent vers l’ouest, pénétrant à nouveau dans la forêt.