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Par Emrys Harriet



Chapitre VI Chez les Niproz-zeag

Ils marchèrent tout le reste de l’après-midi, toujours vers l’ouest et légèrement au nord. Emrys ne savait pas très bien où il allait, mais il semblait que Bardolf le savait parfaitement et le jeune homme lui faisait entièrement confiance. C’était étrange, Emrys avait l’air de s’être attaché au loup-garou. Celui-ci paraissait différent de tout ce qu’Emrys avait entendu sur les loups-garous et leurs mauvaises manières. Bardolf, il est vrai qu’il ne le connaissait pas très bien, mais il semblait être aimable, généreux et sincère. Emrys sentait un lien entre lui et Bardolf, un lien très fort.
De temps à autre, ils changèrent de direction afin d’éviter certains sentiers de la forêt. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, les arbres devenaient de plus en plus larges, hauts et vieux. Certains étaient déracinés depuis longtemps, car de la mousse verte recouvrait une grande partie des troncs. On pouvait entendre des oiseaux chanter, et de temps en temps, quelques-uns traversaient le ciel bleu de la mi-journée.
Durant tout le trajet, il n’y eut pas un mot. Ni Emrys, ni Bardolf ne parlaient. Ils se contentaient de marcher. La hanche d’Emrys allait mieux, mais tandis que le soleil se couchait lentement, la douleur revenait petit à petit et il s’appuya plus fortement sur son bâton.
- Sommes-nous encore loin ? Demanda-t-il, fatigué par l’effort qu’il devait endurer.
- Il reste encore un grand bout, répondit Bardolf. Mais encore un petit effort. La nuit va bientôt apparaître, je pourrai ainsi vous prendre sur mes épaules.
Ils firent encore du chemin, pendant environ une demi-heure. Après cela, il s’arrêtèrent, car Emrys avait trébuché sous le poids de la fatigue. Ils s’assirent dans un endroit, plus ou moins caché parmi des buissons, et se reposèrent, attendant la nuit. Bardolf espérait arriver avant la tombée de la nuit, mais il avait changé d’avis en voyant qu’Emrys, blessé à la hanche, ne pouvait point avancer vite.

Le soleil continuait de descendre, donnant au ciel des reflets mauves à roses. Il n’y avait aucun nuage. Emrys regarda le ciel, fasciné par sa beauté. Le silence régnait, Pas un seul bruit. Puis Emrys aperçut une étoile, alors que le ciel commençait à devenir sombre. Immédiatement après, il entendit de légers gémissements et il tourna la tête. Il vit une chose qui l’effraya, qu’il n’avait jamais vue auparavant et même dans toutes les histoires qu’on lui avait racontées, il n’aurait jamais imaginé une telle chose.
Devant lui, Bardolf était en train de muter. Sa peau devint brune et ses canines supérieures s’allongèrent. Refermant les mâchoires, elles sortirent d’environ sept centimètres. Puis Bardolf tomba à terre, les mains sur le visage. Emrys remarqua que ses ongles avaient légèrement poussé et qu’ils étaient, maintenant, jaunes. Après un moment assez bref, de plaintes de douleurs, Bardolf se releva, debout sur de puissantes jambes. Il avait les genoux faiblement pliéss, ainsi que les coudes de ses bras. Son visage était complètement modifié, ressemblant à celui d’un loup, recouvert de ses courts cheveux. Ses oreilles, également, avaient changé. En fait, il ressemblait à un loup sur ses deux pattes arrières, mais avec des dents plus longues. Il leva la tête et regarda un instant le ciel. Puis il regarda Emrys.
- Il faut y aller, maintenant, déclara-t-il avec une voix plus rauque que d’habitude.
Emrys ne réagit pas tout de suite. Il avait l’air d’avoir plongé dans un rêve, où un sentiment de crainte et de peur surgit.
Et si c’était un piège, se disait-il. Je suis fini. Je ne pourrai jamais m’enfuir avec ma hanche dans cet état.
- Non. Ce n’est pas un piège, Emrys. Je ne vous ferai aucun mal. Je vous emmène en sécurité, dans mon village.
- Comment savez-vous cela ? Fit le jeune homme sortant de son rêve. C’est ce que j’étais en train de penser.
- Je ne sais pas. On dirait que votre voix a résonné dans ma tête.
- Bon. Ce n’est pas grave, déclara-t-il en se levant péniblement.
- Allez ! Ne perdons pas de temps. Ils pourront suivre notre trace, maintenant. Grimpez sur mes épaules.
Emrys s’approcha de lui et s’assis sur ses épaules. Bardolf se leva.
- Donnez-moi votre bâton et accrochez-vous à mon cou. Ça va secouer.
Emrys fit ce qu’il dit. Le loup-garou sentit les mains du jeune homme, autour de son cou et il partit en courant. Il courut vite. Emrys ne voyait rien d’autre que des ombres d’arbres défilant à une allure folle. La lune montait lentement dans le ciel. Elle était grande et belle. Une magnifique nuit de plaine lune, éclairant le monde d’une gigantesque clarté étincelante.
Emrys se tenait fortement à Bardolf. Il était ballotté en tous sens. Il sentit une grande fatigue le gagner. Quant il commençait à somnoler, des hurlements de loups retentirent dans les ombres de la forêt. Tout cela le réveilla et il empoigna encore plus Bardolf. Les deux fuyards ne dirent rien, seuls les grands cris maléfiques de leurs poursuivants et le crissement des herbes sous les pas de Bardolf, s’entendaient à leurs oreilles. Quelques fois, le loup-garou s’arrêtait net et Emrys faillit tomber à plusieurs reprises. Il changea souvent de direction, mais Emrys avait peur car les cris des autres loups-garous se rapprochaient de plus en plus. A un moment donné, ils arrivèrent dans une grande clairière. Là Bardolf s’arrêta et ne reprit point la route.
- Nous sommes cernés, déclara-t-il.
- Laissez-moi, descendre. S’il vous plait, demanda Emrys.
Bardolf se mit à genoux et le jeune homme posa à nouveau les pieds à terre. Puis il regarda le loup-garou dans les yeux. ‘‘Non. Ce n’est pas un piège’’. Emrys se remémora les paroles du loup-garou.
"Je te crois," pensa-t-il.
- Maintenant, rendez-moi mes affaires et allez vous cacher.
- Non. Je ne pourrai faire cela. Vous êtres trop faible.
- Il est vrai que je ne peux point courir, mais je sens que je pourrai les impressionner avec ma magie.
Bardolf resta immobile un moment, puis il regarda tout autour de lui et déclara, tout en déposant les affaire d’Emrys par terre.
- Très bien, mais je reviendrai et j’espère que vous serez encore vivant.
Après ces mots, il fila à une vitesse incroyable et en un instant il disparut dans la forêt. Emrys ramassa le kurep-junoyai et le tint fortement dans les deux mains.
Les hurlements se rapprochaient avec une rapidité inquiétante. Emrys se plaça au centre de la clairière. Il écouta attentivement tous les bruits qu’il entendait. Il regarda également la lune en se disant dans son esprit une parole adressée à elle :
Pourquoi les as-tu rendu comme cela ?
Emrys soupira. Que ce soit de la faute de l’astre nocturne, il ne le pensait pas réellement et même, cela n’aurai rien changé à la situation. Il pouvait remercier le ciel que Bardolf l’est trouvé et l’est aidé, également maudire sa hanche qui l’a horriblement retardé dans sa fuite. D’innombrables choses défilaient dans son esprit. Ne finirait-il jamais sa quête ? Reverrait-il une derrière fois Débora avant de partir pour un autre monde ? Des questions qui allait avoir réponse dans peu de temps, car aux abords de la clairière, Emrys fit une multitude d’œils blancs et, s’avançant lentement, les loups-garous apparurent au nombre de quinze.
Par tous les anges ! Faite que ma magie fonctionne! pensa-t-il.

A ce moment-là, Emrys brandit son bâton et il fit un tour sur lui-même. A l’instant précis où il réalisa le cercle, des flammes apparurent, entourant le jeune homme et empêchant les loups-garous d’approcher.
- Allez. Brille, chuchota-t-il à la pierre.
Celle-ci obéit, éclatant d’un beau blanc, alors les loups-garous, stupéfaits, s’arrêtèrent.
- Ayez crainte, misérables, cria Emrys. La Dame blanche me protège. Vous ne pourrez rien me faire. La lune vous offre un grand pouvoir, mais les miens sont encore plus grands que tout, et aidé de la Dame, vous ne pourrez m’atteindre. Fuyez, avant qu’il ne soit trop tard pour vous.
Il eut un grand silence. Emrys et ses ennemis écoutaient le chant du feu. Mens brillait haute et fière au sommet du bâton. La lune était gigantesque et éclatante. L’un des loups-garous brisa le silence.
- Sornette que tu nous cries. La lune n’a rien à t’offrir comme pouvoir. Crois-tu que je ne connais point la philosophie des sophustils. Tes pouvoirs viennent de l’esprit et toi, tu es jeune, trop jeune même, pour posséder d’immenses pouvoirs. Nous sommes plus nombreux que toi et de tes flammes, nous n’avons nullement peur. Tu ne fais pas le poids. Cette nuit sera la dernière que tu verras.
Celui-ci fit un grand fracas de bruits et ils sauta par-dessus le cercle de feu. Les autres en firent de même. Les uns après les autres, ils chargèrent Emrys.
Un long trait rouge déchira le ciel dans un grand sifflement strident. Il atteignit le premier loup-garou, proche d’Emrys, en pleine gorge. Celui-ci s’effondra à terre, raide mort. Tous les autres s’arrêtèrent étonnés. Emrys également ne bougeait plus, surpris par la lasoflèche qui venait de tuer l’un de ses adversaires. Tout à coup, un long son de cor résonna dans la forêt.
- Des aslas, cria un loup-garou, Fuyons.
D’autres lasoflèches furent tirées à travers la clairière. Les loups-garous s’enfuirent, mais certains furent trop lents et ils tombèrent, transpercés de plusieurs coups. Emrys se mit à terre, tournant la tête dans tous les côtés. Personne ne venait pour l’attaquer et les lasoflèches ne lui étaient pas destinées.
A un moment donné, le son de cor était vraiment très proche. Emrys se retourna complètement et aperçut d’autres loups-garous. Ceux qui jouaient du cor tenaient un sabrolaser dans l’autre main et les autres possédaient des arcs à faisceau de grande longueur. Le groupe de guerriers avançait assez vite, même s’ils marchaient, en direction d’Emrys. Le jeune homme vit Bardolf, parmi eux, et il s’en approcha. Son nouvel ami commença à rire.
- Je vous avais dit que je reviendrai, déclara-t-il. Merci de m’avoir attendu.
- Je n’ai guère eu le choix, répondit Emrys.
- C’est la deuxième fois que je vous sauve la vie.
- Oui, et merci beaucoup.
Ils partirent tous deux dans un éclat de rire. L’un des autres loups-garous s’avança d’eux et parla à Bardolf, dans une langue qu’Emrys ne comprenait pas, mais il soupçonnait que cela soit de l’asla.
Comment se fait-il qu’un loup-garou parle le langage des aslas, se dit-il.
Après un moment, le loup-garou partit et la plupart d’entre eux avec lui. Emrys les regarda s’en aller.
- Ils vont poursuivre les autres qui ont pu fuir, dit Bardolf. Il ne faut pas que votre quête soit ébruitée. Et ces malfrats se feraient une joie de dénoncer vos intentions aux foscioums. Nous avons ramené avec nous un brancard. Comme cela, vous pourrez dormir en même temps que nous vous transportons au village.
- Merci, Bardolf.
- Ce n’est rien. Vous avez besoin de repos.
Il restait six loups-garous avec Bardolf et Emrys. Deux d’entre eux déposèrent le brancard à terre. Le jeune homme y prit place et deux loups-garous le soulevèrent. Puis, ils partirent à la file indienne en direction du Nord-Ouest. Emrys regarda un moment les étoiles qui défilaient dans le ciel, entre les branches des arbres. La lune, elle aussi brillait grande et fière sur un immense fond noir, parsemé d’une multitude de points scintillants. Emrys observa la Dame blanche. Elle lui faisait penser à Mens lorsqu’elle prenait vie soudainement. Maintenant, elle s’était éteinte et Emrys plaça son bâton contre la poitrine et sombra dans de beaux rêves éclairaient de milliard de couleurs.

Emrys ouvrit lentement les yeux. Il entendit des oiseaux chanter, un chant heureux et une belle mélodie. Il tourna doucement la tête, regardant l’endroit où il se trouvait. C’était une belle demeure, petite et calme. Elle ne possédait qu’un seul étage, où il y avait deux lits, dont l’un était occupé par Emrys, une cheminée en face de l’entrée avec quelques étagères rudimentaires, faites de planches de bois superposées, sur lesquelles il y était placé des tas de choses, autant pour la cuisine que pour d’autres usages incertains. Au fond de la maison était monté une table, entourée de deux chaises et à coté d’Emrys, une armoire.
Il se leva lentement et s’assit sur le rebord du lit. Il regarda par la fenêtre, où entraient les rayons du soleil, doux et chaud, comme de l’or. Puis la porte s’ouvrit et un asla entra à l’intérieur du bâtiment. Il était de haute taille, aux cheveux châtains clairs et longs. Il portait des habits entièrement beiges.
- Vous êtes enfin réveillé, fit-il.
- Je crois, répondit Emrys.
- Je m’appelle Chafi, continua l’asla en serrant la main du jeune homme. Je suis le médecin de ce village. Je vous souhaite la bienvenue chez les Niproz-zeag.
- Merci. Emrys Bachar.
- Je sais qui vous êtes, monsieur Bachar. Bardolf nous a déjà beaucoup parlé de vous.
- Ah bon !
- Oui. Mais oubliez cela. Vous devez vous reposer. J’ai pensé que vous voudriez prendre l’air. J’ai ainsi placé une chaise à l’extérieur. Allez-y, cela vous fera du bien et l’on a une belle vue sur le village.
- Nous ne sommes pas au village ?
- Non. Nous sommes bien à l’extérieur. Pour la médecine, c’est ce qu’il y a de mieux. Allez ! Venez !
Emrys se leva et suivit Chafi au dehors de la maison. Une fois sorti, il aperçut une plaine de toute beauté. Des montagnes et des falaises, hautes et robustes, entouraient cette espace de verdure. Emrys comprenait, maintenant, pourquoi Bardolf disait qu’ils seraient en sécurité une fois arrivés au village.
Au centre, il y avait le village des Niproz-zeag, mais la plupart des demeures étaient en ruine. Au milieu de tous cela, se dressait une tour de forme circulaire et le haut légèrement penché vers l’intérieur. Elle aussi, devait être désaffectée. Elle semblait ne pas être habitée, au moins les étages supérieurs. Il n’y avait aucun nuage dans le ciel, comme le jour précédent.
Emrys s’assit sur la chaise, contre le mur de la maison. Une deuxième chaise se trouvait à côté et Chafi y prit place. Il regardèrent le paysage, ses oiseaux volants et chantants dans le ciel.
- Tout est si calme, dit Emrys. Où sommes-nous ? Et quelle est cette tour ?
- Nemesio, le chef de notre clan, répondra à toutes vos questions. Je pense que vous irez le voir dans l’après-midi.
Malgré toutes les pensées qui se baladaient dans son esprit. Emrys se sentit fatigué et il bailla en fermant les yeux.
- Pourquoi suis-je donc si fatigué ? Demanda Emrys. Le soleil est haut dans le ciel. Je dois avoir bien dormi.
- Vous avez en fait dormi pendant plus d’un jour. Nous sommes le 28ème du printemps. Les plantes que j’ai utilisées pour vous soigner, ont des effets de somnolence. J’ai réussi à vous guérir. Enfin, pas complètement, il y a juste votre hanche qui pose problème. Vous n’en souffrirez pas tout de suite, mais si vous marchez trop longtemps, cela risque de vous faire d’affreuses douleurs. Le mieux serait que vous vous reposiez pendant au moins deux mois.
- Deux mois ! - C’est juste une estimation, mais je ne doute pas que vous reprendrez la route d’ici peu. Maintenant dormez. Je vous réveillerai lorsque nous partirons à la rencontre de Nemesio.

- Monsieur Bachar ?
Emrys ouvrit lentement les yeux. Le soleil se trouvait beaucoup plus bas qu'avant, caressant les cimes des montagnes. Il était recouvert d'une couverture, mais il était toujours placé dans la chaise. Chafi se tenait devant lui, debout, le regardant dans les yeux.
- Monsieur Bachar ? Répéta-t-il. Il faut vous réveiller. Nemesio vous demande.
- Oui. J'arrive.
Emrys se leva, alors que Chafi lui tendait son manteau. Le jeune homme déposa la couverture sur la chaise, mettant ses affaires, pour se tenir chaud. Ensuite, ils descendirent en direction du village. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, il semblait à Emrys que le village, en grandissant, ressemblait plutôt à une ville de taille moyenne. Les maisons, au abord de la ville, n'avaient aucune lumière, contrairement à celle du centre, où les fenêtres laissaient échapper de douces couleurs jaunâtres et une grande partie des habitants les regardait passer dans la rue. Emrys se blottit dans son manteau. Il avait froid car une légère bise soufflait, maintenant. Il regardait de droite à gauche, observant les citoyens.
- Pourquoi, me regardent-ils comme cela ? Demanda-t-il à Chafi.
- Parce que vous êtes notre sauveur.
- Ah bon. Alors je suis un sauveur qui a dû être sauvé par deux fois.
- Si vous voulez parler de Bardolf, c'est vrai qu'il vous a sauvé, mais vous, vous allez tous nous sauver et à long terme Bardolf également.
Bardolf. Emrys se demandait où il était en ce moment. Peut-être était-il reparti et qu'il ne reviendrait pas pour ce soir. Il aimerait tant le revoir avant de quitter le village, avant de voir Nemesio.
Ils continuèrent à marcher et ils arrivèrent face à la grande tour. Emrys regarda le sommet. Il y aperçut des oiseaux, ou plutôt des corbeaux d'après leurs cris. Ayant cette vision, un frisson lui parcourut le dos et il détourna le regard. Ils se trouvèrent devant la porte du bâtiment. Elle était un tout petit peu plus haute qu'Emrys, partant en pointe vers son sommet et elle possédait deux grandes poignées en forme de cercle. On aurait dit que par rapport aux murs, elle avait été rénovée.
Chafi tapa sur celle-ci qui donna un bruit sourd et caverneux. Après quelques instants, la poignée tourna sur elle-même et la porte s'ouvrit avec un horrible grincement. De l'autre côté, apparut un maoisien, un bouclier à son bras gauche. Il avait les cheveux noirs, assez courys, mais le reste de son pelage était de couleur brune et ses vêtements plutôt beiges. Il portait un sabrolaser sur son coté. Celui-ci demanda à Chafi et à Emrys de le suivre. Ils obéirent et entrèrent, débouchant dans un long couloir éclairait par des torches de chaque côté, accrochées à de longues colonnes sculptées soigneusement. Emrys avait l'impression d'être quelqu'un d’important, rencontrant une autre personne de haute dignité. Il remarqua qu'il y avait une multitude de signes et de symboles contre les murs, mais Emrys ne comprit pas leur signification, et après tout, ce n'était pas important. Il nota cependant que certains ressemblaient aux gravures que portait Mens. Emrys avait de grandes questions à poser à Nemesio et il pensait que cet autre homme, aussi. Ils n'eurent pas parcouru beaucoup de chemin, avant qu'une porte rectangulaire se dressa devant eux. Le maoisien l'ouvrit et ordonna à Emrys d'y entrer seul. Il n'eut pas le choix et de toute manière, il était trop intrigué par cet endroit pour refuser. Il tenait toujours son bâton, mais de la main droite, maintenant, car sa hanche lui faisait encore un peu mal.
"Merci, Seddik. J'ai l'impression qu'il me servira beaucoup." Pensa-t-il.
Le maoisien referma la porte avec grand fracas. Emrys regarda la salle. Elle était vase et ronde, munie d'une autre porte, en face de lui. Au centre, était dressée une petite colonne, où une coupe de feu reposait. A l’arrière de la pièce, il y avait quatre sièges, surélevés au milieu d'une plate-forme, dont plusieurs marches permettaient d'y accéder. L'endroit était bien éclairé, faisant apparaître assit dans l’un des sièges, un asla, fier et droit. Il ne dit rien pendant un moment, observant son hôte.
- Bienvenu à vous, Emrys Bachar, déclara-t-il rompant le silence. Je suis heureux de faire votre connaissance. Bardolf m'a beaucoup venté votre courage. Je sais que pour lui, c'est la chose qu'il admire le plus en vous, mais pas moi, même si je crois ses paroles. Je juge de la valeur d'un être par rapport à sa sagesse et c'est tout. J'aurai quelques questions à vous poser, sur votre voyage. Quant à vous, je suppose que vous en avez également, à propos de nous.
- Je serai ravi de vous répondre et aussi que vous m'éclairiez sur quelques points qui suscitent en moi de grandes intrigues.
- Très bien. Je pense que vous serriez plus en confiance, si vous commenciez.
- Merci, monsieur. Je ne comprends pas très bien votre village. Où sommes-nous ? Es-que tout le monde, ici, sont des loups-garous ? Pourtant vous êtes un asla, Chafi également et j'ai vu des maoisiens. Je croyais que les loups-garous n'étaient que des hommes pendant le jour. Est-ce faux ?
- Oh ! J'aurai pensé que Bardolf vous aurait tout de même expliqué quelque chose, mais je vois que ce n'est pas le cas.
« Tout ce que vous avez dit n'est pas tout à fait faux. Nous sommes tous, des loups-garous, autant Bardolf que moi-même. Autrefois, nous étions tous, tel que vous nous voyez maintenant, jusqu'au jour où un loup-garou nous a mordus.
- Mordu ? Demanda Emrys.
- Oui, mordu. Vous n'êtes pas sans savoir que les loups-garous possèdent des glandes, reliées à leurs canines supérieures. Ces glandes génèrent un liquide nocif. Pendant la période de la plaine lune, lorsque la mutation se fait. Les loups-garous, mordant leur proie, transmettent ce liquide dans le sang de la victime. Si elle n'est pas tuée par son agresseur, le poison se déplacera dans tout le système sanguin, imprégnant le corps tout entier de ce liquide. Tout ceci modifie l'être mordu et à la prochaine pleine lune, il aura la belle surprise de se voir transformé en loup-garou.
« Une partie des victimes a, malheureusement, suivi ses agresseurs et est devenue comme eux, mauvaise et dangereuse. Les autres ont eu peur de la réaction de leurs proches. Ils sont partis, seuls, loin de leur famille et de leurs biens, errant dans le monde, sans but, car ils ne voulaient faire aucun mal à personne.
« Je fus de ceux-là, comme tous ceux ici. Un jour, je croisai quelques-uns dans la même situation que moi, dont Bardolf. C'est à partir de ce moment, que nous décidâmes de créer un village et que cela ne se sache pas. Ce fut moi, qui eus l'idée de venir ici, au Cercle des Grands Mages.
- Le Cercle des Grands Mages ! Ce lieu, où autrefois, les plus grands magiciens vivaient et enseignaient leur savoir à d'autre sophustils ?
- Oui, c'est exact.
- Mais, je croyais que tout ceci n'était qu'une légende.
- Oh, oh ! Bien des choses sont, pour les mortels, des légendes, car les histoires et les chansons se perdent au fil du temps. Surtout dans votre peuple, où une grande multitude de générations s'est développée, alors que nous, cela fait plus de deux mille ans que nous vivions et nous n'avons, pour la plupart, encore point de successeur. Telle est la vie de chacun et c'est comme cela que le monde est fait mon ami.
- Pouvez-vous me dire ce qu'ils sont devenus ?
- Je ne peux pas vous raconter grand chose. Tout ce que je sais, c'est que lors de la Guerre des Sept, les mages sortirent du Cercle et vinrent se joindre aux armées en Paitje, afin de ralentir l'avancée des Foscioums, en attendant la couronne de Verum. Je crois qu'après la guerre, ils ne revinrent plus ici. Pour quelle raison, ça je l'ignore. Je n'étais pas très grand à l'époque. Je devais avoir tout juste dix ans. Je n'ai jamais participé à cette guerre. J'ai simplement écouté ce que les guerriers racontèrent, étant revenu en Laux. Désolé, mais je ne sais rien d'autre.
- Ce n'est pas grave. Peut-être qu'un jour, je le saurai.
- Peut-être bien. (Il soupira profondément.) Avez-vous d'autres questions à me poser.
- Oui, juste une. Où est Bardolf ?
- Il vous manque déjà ?
- Disons simplement que je me sentirais moins désorienté avec lui à mes côtés.
- Je comprends, mais ne vous en faites pas. Je le connais depuis longtemps. Il admire beaucoup les personnes qui ont du courage. Le connaissant, je pense qu'il ne se défera de vous pas facilement et que même, il n'y arrive pas.
- Vous pensez qu'il veut me suivre ?
- Je ne veux pas le dire ouvertement, mais je pense que oui. (Il attendit un moment.) Bien ! Je suppose que si vous n'avez pas d'autres questions, elles viendront d'elles-même, plus tard. Quant à moi, j'en ai et si vous voulez ne pas y répondre, je comprendrai. C'est un sujet délicat et une histoire plus qu'étrange. Bardolf, m'a dit que vous êtes un élément important pour la lutte contre Fosco. Je ne sais pas en quoi, mais je lui ai fait confiance et je l'ai autorisé à vous amener ici. Maintenant, j'aimerai bien savoir votre but dans ce conflit, quoique je le devine.
- Ce que je peux vous répondre, monsieur. C'est que l'enchantement lancé, il y a très longtemps, contre le huitième royaume, a été rompu et j'ai pour mission de le reconstituer.
- Comment est-ce possible ? Si l'enchantement n'agit plus, cela veut dire que la couronne a été détruite.
- Nul ne peut détruire la couronne, monsieur. Elle a juste été fragmentée.
- Malheur que vous nous apportez là, monsieur Bachar, car seul un descendant de Joost Harriet pourrait retrouver les morceaux. D'après ce que je sais, personne n'est revenu de Roald depuis l'attaque, il y a vingt-deux ans. Donovan le savait et il dut tuer toute la lignée des Harriet.
- Ce que vous dites doit être vrai. Seulement je modifierai la dernière phrase. Donovan doit croire qu'il a tué toute la lignée des Harriet.
Nemesio ouvrit grand les yeux et regarda le jeune homme. Il se leva de son siège et s'avança. On aurait dit qu'il lisait dans le regard d'Emrys. Il descendit les marches, puis s'arrêta devant son hôte. Il s'agenouilla devant lui.
- Messire Harriet, déclara-t-il. Pardon. Je ne vous avais pas reconnu, mais je vois en vous les yeux de vos ancêtres, les mêmes que Joost, le Juste. Pourquoi le nom de Bachar, Messire ?
- Le jour de l'attaque contre Jouda, l'un des serviteurs de mon père, Gereon Bachar, ne prit et m'amena dans le quatrième royaume. C'est lui qui m'a élevé. Relevez-vous, je vous pris, Nemesio.
L'asla se remit debout et déclara.

Emrys vit Chafi que lorsqu'il fut hors de la tour. Celui-ci avait attendu à l'extérieur sur un petit mur en ruines. Il regardait le ciel. Maintenant, il était noir et parsemé de petites étoiles. On entendait le chant de quelques insectes nocturnes, tels que grillons et cigales. Il y avait également de petites lucioles, volant dans l'air en clignotant. Emrys était émerveillé, car c'était la première fois qu'il en voyait.
- Comme c'est beau ! Fit-il.
- N'est-ce pas ! Répondit Chafi, détournant son regard sur lui. Avez-vous obtenu des réponses à toutes vos questions ?
- Oui, Chafi. Je comprends mieux maintenant.
- Très bien. Comme cela vous pourrez passer une bonne nuit. Allons ! Rentrons, il se fait tard.

Un grand homme, suivi de plusieurs autres, marchait entre de gigantesques arbres aux branches et troncs tordus. Il était vêtu de brun et portait une cape bleue. Son bras droit était recouvert d’un tissu de Roald bleu, vert et noir. Les personnes qui le suivaient, étaient également en brun et possédaient le même tissu roaldame. Leurs pieds semblaient lourds, car ils avançaient avec peine. Ils ne possédaient qu'un sabrolaser et rien d'autre. Le grand homme noiraud l'avait laissé à sa ceinture, mais les autres tenaient le leur, fortement dans les mains, dont les lames coloraient l’air de différentes couleurs. Ils arrivèrent près d'une petite mare, bordée de roseaux.
Il y avait des bruits inquiétants, des animaux lugubres. Un moment donné, un grand cri perçant résonna. Le premier activa vivement son sabre. Celui-ci étincelait sous le soleil. Sa lame était violette. La barre transversale du manche étaient repliés, longeant la lame. Au sommet du manche, était fixé une perle en cristal prise entre quatre griffes. Alors le cri se fit entendre une seconde fois, mais plus proche. Les hommes furent pris de panique et partirent aux pas de course, sauf le plus grand d'entre eux. Il resta droit et fier, son beau sabrolaser dans les mains. D'un seul coup, une grande bande blanche jaillit des buissons, entourant la jambe droite de l'homme. Vivement, il la trancha de son sabre. Il cria :
Montre-toi Defin, salle bête, démon de l'enfer.
A ces mots, une autre bande apparut, prenant l'arme par le manche. L'homme le prit des deux mains et le retint fortement. La sorte de corde commença à céder, mais une nouvelle série revint en force. L'homme n'eut pas assez de force et il lâcha le sabre. Après cela il y eut un long cri féroce. Voyant qu'il était désarmé, il s'enfuit à toutes jambes.

Emrys se réveilla. Il faisait encore nuit, il claqua des doigts, créant une petite flamme sur le pouce. Cela lui permettait de voir quelque peu où il marchait, pendant qu'il s'avançait en direction de la table. Il prit son sac et le déposa à côté de lui, après s'être assis sur une chaise. Il ouvrit un livre devant lui, un de ceux que Calvin lui avait donné, et il commença à le feuilleter. Après un moment, il s'arrêta sur une page comportant un dessin : le manche d’un sabre sur laquelle étaient gravés des symboles aslas.
- La voilà, dit-il à voix basse.
- Voilà quoi ? Demanda Chafi.
- Vous êtes réveillé vous aussi ? Demanda Emrys après avoir sursauté.
- Oui. J'ai le sommeil léger en fin de nuit. Je vous ai entendu tourner les pages. (Il regarda le livre, et vit le dessin.) Benisis, Le sabrolaser de Joost !
Emrys regarda le titre sur la page de gauche.
- Vous avez raison. Le sabre de Joost. Vous le connaissez ?
- Oui, je l'ai vu une fois, lorsque Meilseoir, souverain de Laux, l'a donné à Joost, en public. Pourquoi vous êtes-vous levé, maintenant, pour cela ?
- J'ai fait un rêve et j'ai vu ce sabre, dit-il en tapant du doigt sur le dessin. Vous connaissez quelque chose sur cet homme ?
- Je sais qu'il participa à un concours pour devenir le roi de Roald.
- Pourquoi ?
- Il y a longtemps le roi de Roald, Tulaphis Göran mourut sans héritier. J'étais très jeune à l'époque. J'avais treize ans. Le royaume décida d'organiser un concours pour élire un nouveau roi. Une sorte de course dans le monde entier où le premier arrivé à Temaru aurait gagné. Le seul qui y arriva fut Joost Harriet. Il reçut ce sabrolaser qui marqua l'acte de son courage. Le reste concernant le sabre, vous pourrez le lire ici. Bon je vous laisse, je vais préparer le petit déjeuner. Je pense que vous voulez partir tôt.
- Oui.
- Bien. A tout à l'heure.
Emrys lut les pages concernant le sabrolaser de Joost. Il était dit ceci :
« Joost reçu ce sabre, du roi Meilseoir de Laux, lors de son couronnement en 1955 T.A.. Quand les foscioums envahirent son royaume en l'an 1978 T.A., il repartit en Laux, afin d'avertir les autres souverains sur son passage, de la situation.
« C'est alors qu'il traversait les marais de Maoise qu'il perdit son arme. La légende raconte que lui et ses quelques gardes furent attaqués par une arachtophone, connue dans la région sous le nom de Defin.
« A ce qu'il parait le sabre aurait été retrouvé et plantée dans la souche d'un rajable coupé, par un ermite, mais nul ne sait quand ni où. »
J'irai le chercher, pensa Emrys. Il appartenait à ma famille et c'est vers ma famille qu'il reviendra.

Après un long moment d'absence, Chafi revint enfin, un grand pain dans les mains. Il le posa sur la table, tandis qu'Emrys ferma son livre et le rangea dans le sac.
- Voilà, déclara l'asla. Du bon pain frais, une petite marche matinale jusqu'au village, ça fait du bien, n'est-ce pas ?
- Vous avez raison, mais je pense que j'aurai le temps de marcher pendant la journée.
Chafi ricana.
- Mangez ! Vous aurez besoin de forces pour la suite.
L'asla sortit également du lait et quelques bouts de viande. Pendant quinze minutes, ils mangèrent sans dire un seul mot. Ils finirent enfin le repas et Chafi lui donna les restes du pain. Après cela, Emrys prit toutes ses affaires, ses sacs au dos et son kurep-junoyai dans la main droite. Ils sortirent. Le soleil ne s'était pas encore levé et le ciel était parsemé de petits nuages.
- Faite bonne route, Emrys. La journée s'annonce belle.
- Merci, Chafi. Merci pour tout.
- Je n'ai fait que mon travail et je suis heureux de vous avoir connu. Vous êtes un grand homme. Je le lis dans vos yeux. Vous ferez de grandes choses.
- Puissiez-vous avoir raison. Au revoir Chafi.
- Au revoir, Emrys Bachar. Filez en douce, que personne ne vous voit. La sortie de la vallée et à votre droite. Bon voyage.
Emrys leva la main pour le saluer. L'asla fit de même. Puis le jeune homme partit de ce lieu beau et paisible.