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Par Emrys Harriet



Chapitre VIII Le Seigneur Loup

Ils se mirent en marche. Grands arbres et verdure de forêt défilaient lentement de chaque côté du petit sentier en terre battue qu’ils empruntèrent. Celui-ci était tout bosselé, traversé d’épaisses racines et de temps à autre, ils devaient contourner des arbres et buissons qui y avaient poussé en plein milieu. Durant tout le chemin qu’ils parcourraient, ils entendirent oiseaux, insectes et bêtes sauvages, tels que cerfs, écureuils, lièvres et sangliers.
Une journée magnifique, sans nuage ni vent. Emrys regardait souvent autour de lui, la beauté qui s’offrait à lui. A un moment donné, ils quittèrent le long couloir menant au Cercle et le sentier disparut peu à peu. Bardolf demanda à Emrys de le suivre attentivement, afin de ne pas se perdre, car la forêt devenait un amas de troncs, presque identiques, même taille et même couleur d’écorce. Ils descendirent une légère pente, remplie de rochers recouverts de lierres et de mousse. Puis ils suivirent, pendant quelque temps, un petit torrent, d’une eau très claire.
Ils arrêtèrent à midi, dans une clairière. Ils déjeunèrent là, rien qu’une petite partie de leurs provisions. Ils se reposèrent un long moment, avant de repartir. Enfin, en milieu de l’après-midi, alors que les arbres se faisaient de moins en moins nombreux, ils débouchèrent sur la route, près d’un pont qui permettait de franchir la Tahir.
Ils continuèrent leur chemin sans faire de pause, en direction du nord. La route était composée de graviers ronds. Elle était assez large, mais Emrys ne l’avait pas remarqué lorsqu’il fuyait Titus, car il avait les loups-garous qui le pourchassaient. Cette voie était beaucoup fréquentée. Ils croisèrent plusieurs véhicules. De temps en temps, ils bavardèrent avec d’autres voyageurs. Ils parlèrent, mais à aucun moment ils prononcèrent un mot sur leur but premier. Quant on leurs demandait ce qu’ils faisaient là, ils répondaient simplement qu’il fuyait Sophus, car les foscioums ne se montrait guère, mais ils avançaient lentement en direction du royaume et un jour, ils le submergeront.
Le jour passa rapidement et après avoir fait plusieurs pauses durant l’après-midi, ils s’arrêtèrent définitivement. Ils étaient fatigués, plus Emrys que Bardolf à cause de sa hanche. Il s’éloignèrent de la route, afin de passer la nuit, tranquillement. Arrivé à un endroit bien adapté, Emrys se laissa tomber au pied d’un petit talus.
- Ah ! Enfin du repos, dit-il. J’en avais grand besoin.
- Moi aussi, répondit Bardolf qui resta debout. Ça va mieux ta hanche ?
Emrys se frotta la jambe, tout en posant son kurep-junoyai à côté de lui. Il regarda le ciel, dont quelques étoiles apparaissaient déjà.
- Oui. Ça va mieux, mais ce n’est pas encore super.
- Très bien. Reste-là ! Je vais chercher du bois. J’en ai pour peu de temps.
Bardolf déposa ses affaires et il repartit dans la forêt. Emrys chercha, pendant ce temps, un pull en laine dans son sac. Il dégrafa sa cape, mit le pull et replaça la cape sur ses épaules, en rabattant le capuchon sur la tête. Le ciel devenait de plus en plus sombre et l’air plus froid. Bardolf revient, chargé de bois, des gros comme des petits. Il les déposa un peu plus loin, à un endroit assez distant des arbres et il aménagea un foyer, l’entourant de grandes pierres. Emrys s’approcha de lui et quand le loup-garou lui un signe de la tête, il tendit la main droite en direction du foyer, tout en fermant les yeux. Après un court instant, le bois prit feu. Ce tour étonnait toujours Bardolf, car il ne savait jamais à quel moment la flamme jaillissait, mais maintenant il n’avait plus peur.
Ils déballèrent une couverture chacun. Elles étaient très larges et leur permettaient de s’y rouler à l’intérieur. Il restèrent l’un en face de l’autre. Emrys se tenait accroupi, ses mains prenant les pieds, tandis que Bardolf était couché face au feu, appuyé sur le côté gauche. Le loup-garou sentait que quelque chose tracassait son compagnon et cela l’empêchait de dormir.
- A quoi penses-tu, Emrys ? Demanda-t-il.
- A Débora.
- Qui est-elle ?
- C’est ma future épouse. Je n’ai point pu faire ma demande, car je dus partir pour accomplir cette quête, qui dormait depuis vingt-deux ans, sans que je le sache. (Il soupira par mélancolie.) Ah, Bardolf. Qu’aurai-je dû faire ? L’avoir laissée m’accompagner ou l’obliger de rester.
- Tu lui as dis de rester, car si tel n’était pas le cas, elle serait en ce moment avec nous. Je ne la connais pas, je ne peux pas savoir quel caractère elle possédait. Mais si tu as jugé qu’elle devait rester, tu as sûrement fait le bon choix.
- Je me le demande, maintenant, Bardolf.
- Tu voulais la préserver des dangers que nous allons affronter durant notre voyage.
- Oui. Tu as raison, mais elle me manque.
- Je comprends. Moi aussi, j’ai dû me séparer de ma femme.
- Pour quelle raison ?
- Lorsque je me suis fait mordre par un loup-garou, un soir alors que je rentrais chez moi. J’avais peur de moi, quand je découvris ce que j’étais devenu. Je n’osais plus sortir de chez moi, et je n’arrivais pas à dire ce qui s’était passé à ma femme. J’avais trop peur de sa réaction. Un jour, je ne pouvais plus le supporter et je me suis enfui.
« Depuis, je repense à elle de temps en temps, et un jour, j’aimerai la revoir, même si elle ne me reconnaît pas.
- Peut-être que tu pourras aller la voir, si elle habite toujours le même endroit.
- Merci, Emrys. Tu es vraiment un type bien, et j’espère que l’on finira ensemble cette quête. Maintenant, il faut dormir, pour affronter la journée de demain et les maoisiens de Marbord.
- Pourquoi ?
- La plupart n’aime pas les étrangers, mais pas tous. On devrait en trouver quelques un qui soient sympathique. Nous verrons bien. Bonne nuit.
Bardolf se mit sur le dos et sombra dans le sommeil. Emrys se coucha également, mais ne put pas dormir facilement. Il prit Mens dans la main droite.
- Tu veux me dire quelque chose ? Demanda-t-il à voix basse.
La pierre se mit à briller. Emrys la regarda un moment, puis il ferma les yeux. La lumière blanche lui éclaira le visage. Il visionna alors, dans son esprit, des tas de scintillements de toutes les couleurs, jusqu’à ce qu’il vit une pierre violette, flottant au-dessus d’un socle en pierre gravé de symboles, dont il ne saurait pas dire la provenance. La vision se fit plus large et Emrys aperçut un homme de haute taille, un capuchon sur la tête et celui-ci était entièrement vêtu de blanc. Son visage ne se voyait pas sous sa capuche, et à son côté, se trouvait fixé le manche blanc d’un sabrolaser. La vision prit du recul, et Emrys vit que l’homme était dans une petite pièce rectangulaire. On pouvait y accéder par un étroit couloir. Ensuite, vint une pièce plus grande et vaste. Enfin, avec encore plus de recul, une petite entrée amenait dans cette salle. La sortie était une ouverture dans une paroi d’une falaise, où deux grosses colonnes et une voûte avaient été sculptées dans le roc.
Emrys rouvrit les yeux et serra Mens fortement dans la main.
- « Les pierres appellent les pierres et l’élu à elles. » Répéta-t-il à voix basse. Appelle Temperatio et dis lui que je viens la chercher.
Emrys plaça Mens à sa chaîne et il se coucha et dormit en ne pensant à rien d’autre que de se reposer.

Les premières lueurs du matin eurent de la peine à se montrer, car une multitude de nuages couvrait le ciel. Emrys se réveilla, alors qu’il entendait un son de râclement grinçant, ainsi qu’il vombrissement. Bardolf était déjà debout et il vérifiait la puissance de sa lame de sabre bleue contre un rocher. Emrys se leva lentement et regarda son compagnon.
- C’est une drôle de façon de réveiller les gens, dit-il.
Le loup-garou leva la tête, retirant la lame de la pierre. Il fit un léger sourire, à peine visible.
- Je suis désolé, répondit-il. Je devais le faire, mais hier j’étais trop fatigué. Et en marchant, c’est un peu difficile. Je te laisse manger et ranger tes affaires, pendant que je finis.
Bardolf continua ses réglages, tandis qu’Emrys prit son petit déjeuner et ensuite, il plia sa couverture et la rangea dans son sac. Puis, il mit ses affaires sur les épaules et son bâton à la main, après y avoir placé Mens au sommet. Il se plaça en face de Bardolf et le regarda manœuvrer son arme.
- Je crois que c’est bon cette fois, dit-il.
Il s’avança, épée à la main, vers un arbre mort et il trancha une branche d’un seul coup vif. Il ricana.
- Voilà. Une arme efficace, continua Bardolf.
Emrys tendit alors son bâton en direction de la branche et celle-ci flamba en un instant.
- Hé ! Ça c’est de la triche ! Déclara le loup-garou.
- Oui, répondit Emrys, en haussant les épaules. Mais ça marche également. Bon assez ri. Il faut partir, maintenant.
- Tu as raison, répondit Bardolf, en rangeant son sabre à sa ceinture. Le temps se fait maussade. J’espère que nous arriverons à la taverne, « Le Froment », avant que la pluie ne tombe.
Le loup-garou prit son sac et ils partirent tous deux dans la direction de Marbod, en passant par la route principale. Celle-ci était déserte. Emrys pensa que cela devait être en rapport avec le temps. Les nuages devenaient de plus en plus noirs et ils descendirent lentement dans le ciel, maintenant sombre.
Les deux voyageurs pressèrent le pas, car Bardolf avait peur qu’ils se fassent surprendre par le brouillard. Il n’en fut rien. Au alentours de midi, après avoir bifurqué à droite dans une intersection, ils arrivèrent à l’entrée du village de Marbod.
C’était un petit village paisible, dont il y avait peu d’habitations. Emrys avait entendu parler de l’architecture maoisienne, mais jamais il n’en avait pu observer de près. Les maisons avaient la forme d’un triangle ou de plusieurs triangles appondus. Le bas des pans des toits étaient planté dans le sol et le sommet se rejoignait. Deux murs fermaient les structures des demeures. Les toits n’avaient aucune ouverture, sauf pour la cheminée. Les fenêtres et les portes se trouvaient sur les faces murales.
Le tonnerre se fit entendre dans le Nord et ils regardèrent tous deux le ciel. Puis Bardolf demanda à Emrys de le suivre. Ils traversèrent une bonne partie du village en direction de l’est pour déboucher devant un grand bâtiment. En fin de compte, il n’était pas tellement immense, mais comparé aux autres constructions, il était plus imposant. Ils entrèrent dans l’établissement. Il y faisait chaud, et bon vivre. Ils s’assirent à une table et se découvrirent, tout en déposant leurs affaires à côté d’eux. Ils restèrent un moment, là, à observer ce qui les entourait.
Un bar se trouvait centré, au fond de la pièce, et le barman nettoyait des verres. La taverne était assez petite, en fin de compte, mais suffisante pour la population du village. Presque toutes les tables étaient occupées et il y avait une cohue pas possible, à peine si Emrys et Bardolf arrivaient à s’entendre.
Voyant qu’ils ne se faisaient pas servir, le loup-garou décida d’aller au bar pour prendre la commande. Il demanda à son compagnon ce qu’il voulait et il s’avança vers le barman. Emrys, quant à lui, resta au même endroit, se demandant comment passer inaperçu en demandant des renseignements sur le fameux sabre. Bardolf revint, après un moment, avec deux gros verres.
- Voilà, dit-il en posant les deux verres. Deux thés kandéliens.
- Je t’avais dit un thé de sauge.
- Désolé, mais ils n’en avaient plus en réserve. J’ai du prendre autre chose.
- Qu’est-ce qu’il y a exactement, là-dedans ? Demanda le jeune homme, un peu sceptique.
- C’est un mélange d’herbes, de feuilles, de fruits et d’épices : tilleul, mente, pêche, pomme. Il y a bien d’autres choses à l’intérieur, mais je ne connais pas les ingrédients exacts. C’est une boisson typique de Kandéla.
Emrys regarda le verre, alors que Bardolf le portait déjà à ses lèvres. Le jeune homme trouva étrange que la boisson ne fume pas et même, qu’elle ne soit pas du toute chaude.
- Ça se boit froid ? Demanda-t-il. C’est bizarre pour un thé, non ?
- En règle générale, cela se boit chaud, répondit Bardolf. Mais le barman m’a dit qu’ils avaient eu des problèmes avec l’eau chaude. Pour ma part, je pense que c’est plutôt dû à ce que le gérant n’aime pas les étrangers. Il a fait exprès de mal nous servir, pour que l’on ne revienne plus.
- Passe-moi ton verre.
Bardolf posa le verre sur la table et Emrys y plaça ses mains autour. Après quelques minutes, de la vapeur s’échappait du récipient et le jeune magicien fit la même chose avec sa boisson. Son compagnon le remercia et continua à boire. Emrys ingurgita une gorgée et il eut de la peine à avaler. Ensuite, il fit une grosse grimace, puis toussa.
- C’est infect ce truc, déclara-t-il.
- Ça s’appelle un thé kandélien.
- Peu importe. C’est imbuvable.
- Cette boisson n’est pas faite pour être bonne, mais pour redonner de l’énergie.
- Tu as raison. Ça secoue les nerfs, mais tu aurais pu me le dire avant.
- Désolé, mais comme tu es le fils d’un paysan, je pensais que tu le savais.
- Pas si c’est une boisson de la région de Kandéla. Tiens ! Prends le reste !
- Tu ne finis pas !
- Non. Je ne peux pas avaler une telle chose.
- Mais oui. Fait un petit effort.
- Non. Je ne peux pas.
Emrys poussa le verre en direction de Bardolf.
- Bon d’accord, conclut le loup-garou, en buvant la boisson d’une traite. Bien, il faudrait se renseigner sur ce sabre, si l’on veut continuer notre route. N’est-ce pas ?
- Oui. Bien sur, mais comment le faire discrètement ?
Ils détournèrent tous les deux leur regard, sur un maoisien qui s’approchait d’eux. Il était grand et droit, au pelage entre le brun et le roux, et ses cheveux raides tombaient en niveau du cou. Alors, un grand sourire se dessina sur le visage de Bardolf.
- Alors, monsieur Oméya, déclara le nouveau venu, quant il fut assez proche de la table. Il serra la main à Bardolf. Tu vas bien. Ça fait un bail que je ne t’ai plus vu. Où étais-tu passé ?
- J’avais un nouveau travail dans le 4ème, répondit Bardolf. Horst, je te présente Emrys Bachar. Emrys voici Horst Inochentie, un vieil ami.
- Enchanté Emrys, fit le maoisien en prenant la main du jeune homme.
- Alors, que deviens-tu ? Demanda Bardolf.
- Je travaille ici, et je dois retourner au bar. Le patron est parti chercher des livraisons, mais venez seulement au bar, comme cela, on pourra discuter un peu.
Sur ce, Horst repartit derrière le bar. Bardolf et Emrys prirent leurs affaires et le suivirent, s’asseyant sur des tabourets.
- Alors Bardolf, que fais-tu dans le coin ?
- Je suis en voyage. Je me rends dans le 1er.
- Ah ! C’est un long chemin.
- Oui, je sais et est-ce que tu veux bien m’aider à y arriver plus tôt ?
- Comment pourrai-je t’aider ?
- Nous cherchons le sabre de Joost, intervint Emrys, qui voulait, lui aussi, partir le plus vite possible, car pour lui, le temps pressait. Chaque jour est un jour où les foscioums continueront leur invasion.
- Personne ne sait, cria le patron de la taverne, qui, apparemment, était revenu. Si vous cherchez des renseignements sur ce sabre maudit, allez ailleurs. On ne veut pas d’embêtement ou de fouineurs.
- Ce n’est pas vrai, répondit Horst avec dégoût.
- Laisse ce vieux fou, avec ses rêves de malheur, continua le barman. Vous devez savoir, étrangers, que tous ceux qui ont recherché le sabre maudit ne sont jamais revenus.
- Vous oubliez monsieur Cecil, insista Horst.
- C’est un menteur. Il ne raconte que des sornettes.
- Qui est-ce ? Demanda Emrys.
- C’est un ermite qui vit dans les marais, répondit le jeune maoisien.
- C’est un fou excentrique, rétorqua le patron. Cela fait des années que personne ne l’a plus vu. C’est bien mieux ainsi, car ses propos gênaient tout le monde et en plus, ils faisaient fuir les voyageurs.
- Et cela vous gênait tellement ? Déclara Bardolf avec un sourire narquois.
- Bon ça va. J’ai compris, finit par dire le barman. Vous voulez que je vous serve autre chose ?
- Non-merci, ça ira, répondit Emrys qui se souvenait encore de l’horrible goût de toute à l’heure. Nous aimerions juste en savoir un peu plus sur ce maoisien, monsieur Cecil.
- Dis leur, toi, déclara le patron à son employé. Je ne tiens pas à me mêler à cette histoire.
Horst regarda les deux voyageurs. Maintenant, il hésitait. Il est vrai que personne, mis à part Klaudei Cecil, n’était revenu de leur recherche. Et ce vieux maoisien, en était revenu aveugle. Il ne voulait pas que son ami devienne comme cet être, banni de la société ou pire, qu’il meurt dans une tentative désespérée. Mais il sentit que les deux hommes attendaient une réponse et qu’ils comptaient sur lui. Il devina aussi qu’ils ne partiraient pas avant d’avoir les informations qu’ils désiraient. Il essaya de se détendre, ou tout du moins, de le faire paraître aux autres. Puis il ouvrit la bouche, cherchant les mots justes pour ne pas effrayer ses amis.
- Klaudei Cecil est un vieux maoisien, qui vit à l’écart des villages. En plein milieu des marais de Peleo. Il dit avoir trouvé le sabre légendaire, mais personne ne l’a cru. Après de nombreuses plaintes des habitants de Marbod, il fut jugé et banni des nôtres. Mais comme il fut aveugle, on lui fournit une demeure dans les marais.
- Savez-vous comment s’y rendre ? Demanda Emrys.
- Malheureusement non, répondit le maoisien, puis il baissa la voix. Attendez-moi dehors pour une réponse.
Emrys ne comprenait pas le comportement de Horst, mais Bardolf dut savoir où son ami voulait en venir.
- Merci, quand-même, déclara Bardolf, après avoir déposé quelques écus sur le bar. Au revoir Horst. J’espère que l’on se reverra.
- Je l’espère aussi. Au revoir Bardolf.
Emrys salua également le maoisien, avant de suivre Bardolf au-dehors. Ils s’appuyèrent contre le mur de la taverne, essayant de se mettre à l’abri, car il pleuvait à verse maintenant et les nuages avaient horriblement baissé. Ils attendirent, mais Emrys qui ne comprenait encore pas la réaction de Horst, fut obligé de poser la question.
- Pourquoi nous a-t-il dit de l’attendre pour nous donner une réponse ? Il nous a bien dit qu’il ne savait rien.
- C’est faux, Emrys. Il sait quelque chose, mais il n’a pas pu le dire en public.
- Pourquoi donc ?
- Ce maoisien a été banni, et selon la loi en Maoise, celui-ci n’a pas le droit de retourner dans un endroit civilisé dans tout le royaume. Et aucun maoisien ne peut voir un banni, sous peine de le devenir à son tour. Un banni est comme une personne morte, que l’on oublie avec le temps, ou, quant l’on n’arrive pas à oublier, on apprend à le faire à contre cœur.
- Je trouve cela injuste.
- Je suis d’accord avec toi, mais c’est la loi ici. Peut-être qu’un jour cela changera.
- Je l’espère. Si ce maoisien peut nous aider, j’en toucherai un mot au roi, lorsque la quête sera terminée.
L’instant d’après, Horst sortit de la taverne. Il referma la porte.
- Venez, dit-il en mettant un chapeau. Allons chez moi. Il y aura moins d’oreilles indiscrètes.
Ils se couvrirent et ils suivirent Horst à travers les rues du village, parsemées de flaques de boue. La pluie tombait en grande masse et il fallut peu de temps pour qu’ils soient tous les trois trempés. Emrys n’aimait pas les orages violents, mais malheureusement, tels sont les conditions climatiques en Maoise : des jours de grande chaleur avec de l’air humide et des jours froids accompagnés d’averses violentes. Le jeune magicien n’aimait non plus pas l’idée de devoir voyager dans ce pays en plein air et sans abri.

La demeure de Horst se trouvait vers l’Ouest du village. Un étranger pourrait se perdre, à chercher quelqu’un, si celui-ci est chez lui, car les maisons se ressemblent grandement. Les seuls détails qui pouvaient changer étaient la position et la forme de la cheminée, le nombre et le placement des fenêtres et la couleur des volets et de la porte, qui en général se trouve au milieu de la façade.
Bientôt, ils entrèrent dans la maison. Chaud et doux était son air. Il restait dans le foyer, de belles braises rougeoyantes. Horst invita ses hôtes à enlever leurs affaires mouillées et à prendre place dans le salon, près de la cheminée, où il remit quelques bûches de pin pour faire revivre le feu. Puis, le maoisien s’assit dans un fauteuil. Ils restèrent un petit moment sans dire un seul mot, mais Horst rompit le silence.
- J’ai l’impression que vous vous êtes mis dans une drôle d’affaire, mes amis. Et je pense y avoir mis les pieds en plein dedans. Chercher le sabrolaser de Joost ! Mais quelle mouche vous a piqués ! Cela fait des siècles que Benisis, le sabre du roi est devenu une légende, une histoire racontée aux enfants pendant les jours de grandes fêtes. Mais tout ceci est loin d’être la vérité. Je vais être franc avec vous. Je sais comment on peut se rendre chez Klaudei Cecil, mais je ne vous y emmènerai pas sans connaître les raisons qui vous poussent à trouver cette arme. Je pensai que vous étiez des personnes sensées. Bardolf, je te connais depuis longtemps et je sais que tu ne ferais pas une chose pareille.
- Je suis le serviteur d’Emrys, Horst. Il a une grande tâche à accomplir et j’ai promis de le suivre et de l’aider. Ce sabre a une grande importance pour lui, ce qui fait que cela est également important pour moi.
- Alors ma question se porte à vous, Emrys. D’apparence vous me semblez être un magicien d’une grande sagesse, mais si vous trouvez quelque chose de sage, en fait, de retrouver cette arme, pour moi, il en reflète de la pure folie.
- La seule arme efficace contre les foscioums est l’espérance, Horst, déclara Emrys. Benisis est le symbole de l’espérance, de Joost le Juste. Si il revenait à être vu, il inspirerait la délivrance des Terres Nobles et la crainte aux guerriers de l’ombre. Il montrera la grandeur des temps passés et l’avènement d’une ère nouvelle en Silaurs. Ce sabre épée est le symbole de la vérité et de la liberté. Il éclairera les cœurs assombris, et quand il aura conquis tous les cœurs, une grande armée pleine d’espoir marchera derrière lui, se battant sans peur contre la vague sombre de Fosco. Il ne faut pas croire qu’il suffit d’une grande armée pour gagner cette guerre, mais il est préférable de posséder des chevaliers croyant à la victoire, jusqu’au bout.
Pendant qu’Emrys parlait, Horst se sentait heureux et confiant en ce sophustil qui, en ces heures sombres, avait bel est bien éclairé ses yeux. Le simple fait d’avoir entendu ces mots, donnait à Horst une impression étrange, qu’il qualifia d’espoir restreint, tant que ces paroles ne resteraient rien d’autre que des mots battant dans l’air. Le maoisien était maintenant convaincu qu’Emrys n’avait pas de pensées noires, et que ce qu’il voulait, c’était de réunir les Sept pour combattre les ombres. Quand ce jour viendra, et il viendra, Horst y combattra, sans hésiter, aux côtés du sabre de lumière.
- Très bien. Emrys, déclara Horst. Je sens, dans votre voix, la vérité, et dans vos yeux brille la flamme de l’espérance. Vous êtes digne des grands sages des Temps Anciens, c’est pourquoi je vous emmènerai auprès de Klaudei Cecil, mais non maintenant, car il y a un long chemin jusque-là. Même en partant tout de suite, nous nous ferons surprendre par la nuit et les drocknites et autres animaux sont sans pitié à l’heure du repas. Nous partirons donc demain matin, de bonne heure. Je vous propose de manger. Je vais préparer la table et ensuite vous pourrez visiter le village à votre guise.
- Horst. Vous nous rendez un très grand service. Que puis-je faire pour vous remercier ? Demanda Emrys.
- Laissez-moi faire partie de la grande guerre.
- Ceci n’est pas de mon ressort. Je ne suis point roi ici, mon ami, mais je pense que le jour venu, votre vœu s’exaucera de lui-même. Nous ne prendrons pas le même chemin, mais nous arriverons tout de même, à la fin de tout, au même endroit.
- Il est vrai que j’aurai voulu vous suivre, mais ma place est ici, car les ombres se rapprochent et je désire rester là, pour défendre mon royaume et protéger les miens.
- Je comprends et je respecte votre choix.
- Bon, venez et mangeons.
Ils se mirent à table et leur repas fut rassasiant. Puis Emrys et Bardolf se promenèrent dans Marbod, alors que Horst se devait de retourner travailler à la taverne. Les deux voyageurs partirent à l’est du village, jusqu’à arriver devant un moulin, dont une roue à aube baignait dans la Tahir. Là, ils traversèrent sur un petit pont en bois qui menait dans la forêt d’Alesia, ou à travers le Bois d’Orfeo pour déboucher dans les marais de Peleo.
Ils s’assirent au bord de la rivière et maintenant que la pluie avait cessé, l’air était légèrement plus chaud, mais les nuages restaient nombreux dans le ciel. Emrys n’avait pas tenu à laisser Mens chez Horst, même si celui-ci avait insisté pour qu’ils y laissent leurs affaires jusqu’au lendemain. Mais le jeune homme n’osait pas perdre de vu la pierre, c’est pourquoi il l’avait attachée à sa chaîne, tandis que le kurep-junoyai était resté là-bas.
- Tu as très bien parlé, tout à l’heure, déclara Bardolf. De belles paroles assurément.
- Je n’ai pas dit totalement la vérité, Bardolf, et il y une chose que tu dois savoir. Je ne te l’avais pas dit, parce que je ne voulais pas que cela ait une influence sur ton jugement, afin de me suivre, ou pas. (Ils se regardèrent dans les yeux.) Je m’appelle Emrys Harriet, fils du roi Boto de Roald.
- Je sais, fit Bardolf sans être surpris, avant de lancer une pierre dans la rivière.
- Tu savais ! S’exclama Emrys. Mais enfin comment ? C’est impossible ? Je ne te l’ai jamais dit. Quand l’as-tu su ?
- C’est Nemesio qui me l’a appris, le soir-même où tu l’avais rencontré, mais ne t’inquiète pas. J’avais décidé de te suivre bien avant ce jour-là et j’avais pensé que si tu ne m’avais encore rien dit sur ton vrai nom, c’était parce que tu ne voulais pas que quelqu’un le sache.
- Oui, c’est exact, et c’est toujours valable. Il ne faut pas ébruiter mon nom. Je suis le seul descendant des Harriet et le seul à pouvoir retrouver les pierres de Verum et sa monture.
- Ne t’inquiète pas. Tu restera monsieur Bachar aux yeux de tous, car je n’en dirai pas le moindre mot.

Toute la journée durant, ils restèrent à l’extérieur, se déplaçant peu souvent. Emrys voulait profiter de reposer sa hanche le plus possible, car la journée de demain promettait d’être longue et périlleuse. Les marais ne sont pas une partie de plaisir. En début de soirée, la pluie se remit à tomber et ils rentrèrent chez Horst, mais malheureusement celui-ci n’était pas encore rentré. Ils se dirigèrent donc à la taverne et reprirent place à une table. Le barman les reconnut et se mit à rire.
- Vous n’êtes pas encore partis, cria-t-il.
- Nous ne partirons que lorsqu’une âme généreuse nous aidera, répondit sèchement Bardolf.
Le maoisien se mit à rire encore plus fort qu’avant.
- Et bien vous pourrez attendre encore longtemps, mais ne vous souciez guère. A votre mort, nous renverrons vos corps dans votre royaume.
Bardolf ne put que sourire, pendant que le patron rit, en passant par la porte de derrière. Un sourire qui voulait dire : Parle seulement mon gros. Il est vrai que pour Bardolf, le patron de cet établissement devait plus manger et boire que dire de mauvaises paroles.
Ils n’attendirent pas que Horst ait fini sa journée, car les voyant assis, celui-ci leur donna les clefs de la maison et ils partirent chez leur ami.
Ils restèrent dans le salon. Bardolf fouinait dans son sac, comme pour vérifier ce qu’il transportait et à faire attention de n’avoir rien oublié. Emrys, quant à lui, avait sorti une carte pour regarder le trajet qui leur restait à parcourir avant de quitter Maoise et de temps en temps, il rajoutait quelques bûches afin d’entretenir le feu.
La suite de la soirée fut très calme, car Emrys s’assoupit dans son fauteuil, tandis que Bardolf avait l’air pensif. Il se souciait d’une seule chose. Ce fut que le vieux banni ne soit plus de ce monde.
"Comment ferait un être aveugle pour survivre dans un marais hostile tel que celui de Peleo?" se disait-il.
Car il est vrai que tout le monde sait bien que les marais de Maoise, et pas rien que celui de Peleo, grouille de drocknites, insectes venimeux et autres bêtes féroces.
C’est vers les alentours des vingt-deux heures que Horst rentra, faisant sortir Emrys de son sommeil.
- Désolé de vous avoir fait attendre, déclara le maoisien. Mais j’ai du finir tard, pour pouvoir prendre congé demain. Avez-vous mangé ?
- Non, répondit Bardolf en se levant, tandis qu’Emrys étira les bras devant lui. Nous t’attendions, mais nous avons déjà préparé nos affaires, afin de repartir tôt.
- Très bien. Mangeons un peu alors et allons tous nous coucher, car la journée de demain sera longue.
Ils passèrent à table, dans une grande pièce à côté du salon. Ensuite, Horst les conduisit chacun à leur chambre, et le sommeil ne tarda pas à prendre le dessus sur eux, car quelques minutes plus tard, ils sombrèrent tous trois dans le monde des rêves.

Des bâtiments brûlèrent sous les yeux du roi de Roald, alors que des cris retentissaient de partout. D’un seul coup, un grand bruit résonna dans le château. La porte principale venait de céder. Une série de portes s’ouvrirent jusqu’au moment où apparurent trois foscioums. L’un d’entre eux s’avança vers le roi, tandis que les deux autres restèrent en arrière.
- Où est la couronne ? Demanda l’être de l’ombre
- Elle n’est plus ici, répondit le roi. Et jamais vous ne mettrez la main dessus, Donovan.
Le foscioum hurla d’un cri suraigu. Alors, il empoigna son sabre et tout en le levant, sa lame rouge crépitante, trancha la tête du roi. La reine, qui se trouvait à côté, resta pétrifiée sous les yeux de cette vision. Le seigneur de l’ombre s’approcha d’elle et lui transperça la poitrine d’un coup vif.
A ce moment-là, Emrys se réveilla, poussant un long cri. L’instant d’après Bardolf et Horst déboulèrent dans la chambre, le loup-garou, dans la main gauche, sabre au poing et la maoisien l’arc à faisceau tendu.
- Que se passe-t-il ? Demanda Horst.
- Rien, fit Emrys se levant sur les coudes. Rien, juste un cauchemar.
Les deux autres soupirèrent, abaissant leur garde.
- D’accord, déclara Horst. Le jour va bientôt se lever, mais redormez un peu, si vous le pouvez.
- Qu’as-tu vu ? Demanda Bardolf, tandis que Horst repartit.
- Mes parents, Bardolf. C’est la première fois que je les vois, et sans doute la dernière. (Plusieurs larmes coulèrent le long de ses joues. Bardolf s’assit au bord du lit.) Donovan ! Assassin !
- Bientôt, le jour viendra où ils seront vengés. Allez repose-toi.
Son ami quitta à son tour la chambre et Emrys se recoucha, mais il ne put pas refermer les yeux, car le cauchemar lui pesait encore dans son esprit.
"C’est gentil de m’avoir montré mes parents, Mens." Pensa-t-il. "Mais j’aurai espéré les voir lors d’un jour plus heureux, comme leur mariage."
Alors le jeune homme entendit une voix dans son esprit. Elle parlait une langue perdue depuis longtemps, mais Emrys arriva à comprendre :
Tu voulais savoir, ce qui était arrivé à tes parents. Je n’ai fait que te donner une réponse. Si tu veux voir tes parents, il y de beaux tableaux au château des Harriet.
- Mens, chuchota-t-il.
Oui, continua la voix. C’est moi que tu entends Emrys.
Pourquoi ? Pensa le jeune homme.
Parce que seul un descendant de Joost Harriet peut porter la couronne de la Vérité. Donovan voulait que la lignée soit brisée, mais il ne savait pas que tu existais, et te voilà, seul espoir de Silaurs. Bonne nuit Emrys.
Alors que Mens répétait plusieurs fois la dernière phrase, la pierre, qui avait brillé depuis le réveil d’Emrys, commença à estomper sa lumière. La voix qu’il entendit résonner dans sa tête, douce et belle, et peu à peu ses yeux se refermèrent et il sombra dans le sommeil.

Le matin fut calme, comparé à la nuit tourmentée d’hier. Le vent avait ouvert la fenêtre, et par celle-ci, Emrys entendit des oiseaux chanter le beau temps de l’aube. Le lit baignait dans les rayons du soleil. Le jeune homme ouvrit les yeux, mais resta un moment couché avant de se lever pour s’habiller et ranger ses affaires. Après cela, quelqu’un frappa à la porte, tandis qu’Emrys mettait son sac au dos. Alors Horst entra et lui demanda s’il était prêt. Le jeune homme acquiesça, le suivit déjà dans le salon, où Bardolf les attendait.
- Nous mangerons en chemin, fit le maoisien, vérifiant les sangles de son sac. Car la route est longue et si nous décidons de nous arrêter quelque peu, nous n’arriverons jamais avant le coucher du soleil. (Il mit son sac sur le dos.) En route, mes amis.
Ainsi donc, ils sortirent, Horst en tête, tandis que Bardolf fermait la marche. Ils traversèrent le village et passèrent le gué de Nahum près du moulin à l’est. Puis il pénétrèrent dans le Bois d’Orfeo.
- Surtout, ne me perdez pas de vu, déclara Horst. Ce chemin est très vieux, à certains endroits, il n’existe même plus et une foule de sentiers le traversent, alors restez près de moi. Attention, où vous marchez, il y a des racines partout.
Emrys baissa le regard sur le chemin, car ayant mal à la hanche, ce ne serait pas conseillé de trébucher.
- Nous sortirons du bois peu après midi, pour entrer dans les marais de Peleo, continua Horst. Là-bas, il faudra être extrêmement prudent. Les bêtes féroces sont nombreuses et les plus dangereuses sont les drocknites. Espérons que l’on n’en croisera pas un qui n’a pas trouvé à manger, car ils ne chassent qu’à l’heure des repas, pas avant.
- Ce qui veut dire à quelle heure ?
- Vers les douze heures, les dix-huit heures et quatre heures. Pour midi, ça devrait aller, mais pour le soir, ce sera plus dangereux.
Les trois compagnons marchèrent longtemps dans le bois, en direction du nord-est. Emrys, ainsi que Bardolf faillirent tomber à plusieurs reprises, se cognant les pieds sur de gros cailloux et racines. Le bois était très dense. Ils durent se courber pour ne pas ramasser de branches dans le visage. Au alentours des quatorze heures, ils pénétrèrent dans les marais, par l’Ouest. D’après Horst, ils devaient rejoindre une petite route, un peu plus au nord, coupant les marais d’est en ouest. Ce chemin n’était pas très fréquenté, moins qu’autrefois. Il est long de trois meah et c’est pour cette raison que plusieurs cabanes de repos, maintenant abandonnées, avaient été érigées au bord de la route.
Le parcours dans les marais fut très périlleux. Même en évitant les lieux d’eau, le sol était mou, ce qui les ralentissait énormément. A plusieurs reprises, Emrys tomba et ils durent faire également des pauses, car le jeune homme avait grand mal à la hanche. Horst craint alors qu’ils n’arrivent pas à temps chez Klaudei et ce fut malheureusement le cas. Lorsqu’ils atteignirent la route, ils la longèrent en direction de l’est.
La nuit commença à tomber dans les marais. Emrys était très fatigué et Bardolf le soutint d’un côté, car ils ne pouvaient plus faire la moindre pause. Les marais sont extrêmement dangereux la nuit. Ils pressèrent le pas et atteignirent, alors que le soleil touchait le bout de l’horizon, la cabane du milieu de la route. Celle-ci était à moitié en ruines. La porte était toujours là, mais elle battait dans le vent. Le toit ne protégeait plus rien, car il s’était effondré sur le premier étage. Horst s’arrêta devant l’entré et attendit, car, un peu plus loin, Bardolf accompagnait Emrys qui n’arrivait plus à faire un pas sans trébucher.
- Tu es sûr que ça ne risque pas de tomber ? Demanda Emrys en criant car le vent couvrait sa voix.
- Non, répondit le maoisien. Ça ne tombera pas. On se placera dans les sous-sols. C’est tout ce qui reste d’intact.
- Et tu n’as pas peur que l’on y reste coincés ?
- Non, il y a une sortie directement de la cave vers l’extérieur.
- Ha ! Si tu le dis. Passe devant.
Horst pénétra dans la cabane. Bardolf lui demanda ensuite d’aider Emrys à entrer pendant qu’il tenait la porte claquante. Puis, il les suivit à son tour.
A l’intérieur du bâtiment, il ne restait plus rien en bon état. Des chaises brisées, des meubles détruits et des tables retournées, le tout recouvert de mousse, jonchaient sur le sol de ce qui devait être autrefois une auberge. Certains murs étaient tombés et quelques blocs de pierres encombraient le passage. De l’herbe poussait entre les dalles et du lierre grimpait un peu partout, contre les murs et les colonnes, qui devait soutenir, ultérieurement, un plafond intact.
Ils empruntèrent un petit escalier, au fond des ruines, qui menait au sous-sol et à la cave. Là, ils débouchèrent dans une vaste pièce. Elle était intacte, mis à part quelques plantes et racines qui dépassaient du plafond. Bardolf qui aidait toujours Emrys, le posa dans un coin de la salle. Horst passa par une porte, le fameux couloir qui menait à l’extérieur et il revint.
- C’est bon, déclara-t-il. Le passage n’est pas bloqué. J’ai juste fermé la porte. Reposez-vous et mangez. Je vais faire le guet en attendant. Quand tu auras fini Bardolf, viens me voir. J’ai deux, trois choses à t’expliquer. Si vous voulez, vous pouvez faire un feu. Je pense qu’on ne le verra pas à l’extérieur. Il y a du bois dans la cave. Maintenant, excusez-moi.
- Tu ne manges pas ? Demanda Bardolf, alors que son ami commençait à gravir les marches.
- Non pas maintenant, mais un peu plus tard.
Bardolf alla chercher du bois et Emrys l’alluma à sa manière et ils dînèrent. Puis le loup-garou monta rejoindre son ami, alors que le jeune magicien, épuisé par la journée, resta couché et commença à dormir.

Horst se trouvait au premier étage au pied d’une fenêtre qui donnait sur la route. Il avait tiré de son sac, un arc et il scrutait les environs. Bardolf le voyant ainsi, s’approcha lentement, passa sous une poutre et arriva enfin près de la fenêtre.
- Je n’aime pas vous savoir avec moi, Bardolf, déclara Horst à voix basse. J’aurai préféré que vous passiez la nuit chez Klaudei.
- Pourquoi ?
- Ce n’est pas prudent de rester au même endroit dans les marais, et encore moins la nuit. J’espère qu’il ne se passera rien. Sinon, toi et Emrys, vous partirez tous les deux sur la route, direction est. A un moment donné, il y aura un gros rocher. Là, partez au sud et vous trouverez un sentier. Il vous mènera chez Klaudei. Tu as compris ?
- Oui, mais de quoi as-tu peur, des drocknites ?
- Je ne sais pas. Ecoute. Reste ici, pendant que je prenne de quoi manger et après retourne auprès d’Emrys. Il faudra que quelqu’un le réveille s’il se passe quelque chose.
- Très bien.
Alors que son ami se rassasia, Bardolf surveilla les environs, l’arc à faisceau de Horst en main. Tout en attendant le guetteur des marais, le loup-garou se chuchotait des propos.
- Se faire attaquer ? Moi, je suis armé, mais Emrys. Lui, il n’a rien d’autre que son bâton et ses flammes. Il est fatigué, très fatigué, voir même trop. Pourra-t-il se concentrer assez pour utiliser sa magie ? Je l’espère, mais dans tous les cas, je serai à ses côtés pour le protéger. Je n’aime pas l’idée de fuir et laisser Horst ici. (Il jeta un coup d’œil à l’extérieur.) Rien. Et bien tant mieux. Mais ça va venir. Ce brouillard, là-bas, n’annonce rien de bon.
En effet, au loin, une légère brume s’avançait dans la direction de la cabane. Alors Horst revint enfin, reprenant son arc. Bardolf lui montra les nuages en face.
- Redescends et tiens-toi sur tes gardes, fit le maoisien. Soit prêt à réveiller Emrys à mon signal.
- Très bien.
- Le mal règne là-bas. Espérons qu’il ne viendra pas ici. Surtout ne faites aucun bruit.

Bardolf partit à la cave. Il trouva Emrys endormi au pied du feu. Il avait son sac sous la tête et son bâton avait été posé contre le mur. Le loup-garou remarqua que, comme chaque nuit, Emrys portait son diamant autour du coup. Celui-ci clignotait lentement, mais part la suite, la pierre augmenta la vitesse à laquelle elle scintillait. Puis la lumière resta constante et de plus en plus forte. A ce moment-là, Bardolf entendit comme un avertissement dans son esprit qu’il considéra comme un mauvais pressentiment. Il tira alors son épée, et l’instant d’après Emrys se réveilla tandis que Mens diminua jusqu’à éteindre sa luminosité. Alors ils entendirent des hurlements de loups.
- Emrys, cria Bardolf.
Le jeune homme n’eut pas besoin d’explication. Il se leva d’un coup et empoigna son kurep-junoyai. Ensuite il se tint à côté de son ami qui avait mis rapidement son sac au dos et son bouclier activé au bras droit.

Horst se trouvait au bord de la fenêtre lorsqu’il entendit des hurlements et le cri de Bardolf. Il resta calme, jusqu’au moment où il aperçut des oiseaux se diriger vers la cabane.
Des loups et des corbeaux noirs ? Quelle est cette machination ? Se demanda le maoisien.
Le nuage d’oiseaux passa rapidement sur la cabane. Horst se cacha sous des débris de toits.
- Il arrive, cria-il.

Bardolf, tout comme Emrys, entendit Horst, et le loup-garou se retourna face au jeune homme.
- Il faut partir, déclara-t-il.
- Quoi ? Et Horst ?
- Nous n’avons pas le choix.
- Non. Je ne partirai pas sans lui et il est le seul à savoir où nous devons nous rendre.
- Il m’a dit où il faut passer et c’est lui qui veut que l’on parte.
- Non. Je ne suis pas d’accord.
Ils se regardèrent les yeux dans les yeux. Alors, Bardolf remarqua que son ami avait un regard étrange. Ses yeux devinrent blancs et luisants. Ainsi, la voix d’Emrys résonna dans la tête du loup-garou :
Nous ne le laisserons pas ici, tout seul. Nous partons tout les trois, ensemble.
Après ces paroles, Bardolf cligna des yeux et détourna la tête. Puis il soupira.
- Très bien, fini-t-il par dire. (Il se dirigea vers l’escalier.) Horst. Viens en bas.

Le maoisien était resté au premier. Il aperçut plusieurs loups dans son champs de vision et il se prépara à tirer, quand il entendit Bardolf qui l’appelait. Il abaissa son arc et descendit à toute allure les marches jusqu’au sous-sol. Il fut étonné de voir Bardolf et Emrys debout, leurs affaires sur eux et prêt à partir, mais ils ne firent aucun mouvement. Horst s’attendait à voir un problème, mais au contraire tout semblait aller bien.
- Mais ? Que se passe-t-il ? Demanda-t-il.
- Nous ne partirons pas sans toi, déclara Bardolf.
- Je t’avais dit que je restais pour les retenir. Alors partez. Vite. Partez.
- C’est trop tard, Horst, fit Emrys. Ils sont déjà là.
Ils se turent, car ils entendirent un grincement au-dessus d’eux. Le vent soufflait fortement. Ils n’osèrent plus bouger, pour faire croire qu’il n’y avait personne dans les ruines. Tout de même, ils restèrent sur leurs gardes. Horst avait encoché une lasoflèche. Bardolf leva son bouclier et son sabrolaser. Emrys empoigna son bâton dans les deux mains, mais laissa Mens autour de son cou. Le silence se faisait lourd et inquiétant, mais il finit par se briser.
- Attention, cria Emrys.
Horst se retourna vivement et tira. Juste devant lui, s’effondra un loup, une lasoflèche dans la gueule.
- Mettez-vous derrière moi, déclara Bardolf.
Dommage que ce ne soit pas la pleine lune, pensa-t-il.
Le maoisien se plaça à côté d’Emrys. Bardolf était devant eux, bouclier levé. Une autre loup descendit, mais il recula vite, car il perdit une patte avant. Un deuxième eut moins de chance, une lasoflèche dans le flanc droit et la gorge tranchée. A la vue de leurs compagnons morts, les loups repartirent dans de grands hurlements, puis le silence revint. Plus rien, ils étaient partis.
- C’était presque trop facile, fit Bardolf, en rangeant en désactivant son sabre. Je m’attendais à pire.
- Ils étaient beaucoup, répondit Horst, abaissant son arc à faisceau. Nous avons eu de la chance que le passage était étroit, sinon ils seraient venus en masse. Ils doivent attendre à l’extérieur. Restons ici. Demain ils seront partis.
- D’accord.
Emrys n’écouta point ces compagnons. Mens l’avait averti, lui montrant les corbeaux et les loups.
C’est une attaque organisée, mais par qui ? Pensa-t-il. Puis il ferma les yeux et baissa la tête. Aide-moi Mens. Que se passe-t-il ? Qu’attendent-ils ?
- Emrys ? Est-ce que ça va ? Demanda Bardolf qui s’était retourné vers lui.
Mais le jeune homme ne répondit pas. Il resta dans cette position, immobile. Il se rapprochait et il le sentait. Mens scintilla de plus belle.
- Couchez-vous, cria-t-il, ouvrant les yeux et relevant la tête.
Horst et Bardolf ne posèrent pas de questions. Ils se mirent à terre, alors qu’une immense patte apparut par la trappe. Celle-ci cogna contre le bouclier du loup-garou. Le maoisien releva son arc et prit une lasoflèche pour tirer, mais il n’en eut pas le temps. La patte lui arracha son arme, la projetant contre l’escalier. Bardolf mit la main à son sabre, mais trop tardivement et elle ne servit plus à rien. Une flamme jaillit sur le membre de l’adversaire et celui-ci le retira. Horst se risqua à reprendre son arc et avec Bardolf, ils reculèrent auprès d’Emrys.
- Un drocknite ! S’écria le maoisien. Bien joué pour votre coup de feu, magicien Bachar.
- Merci, Horst. A mon avis, nous devrions partir d’ici.
- Vous n’y songez pas, Emrys. Ce drocknite nous rattrapera, en un éclair, à l’extérieur. Il faut attendre le matin, qu’il s’en aille.
Ils se turent, car le sol se mit à trembler et ils virent les pierres du plafond se craqueler et certaines tombèrent.
- Sale créature ! Comme il n’arrive pas à passer, il veut nous enterrer vivants, déclara Bardolf. J’opte pour la première solution. Partons sur le champ.
Ils se dirigèrent vers la porte qui donnait accès à la cave, puis à l’extérieur du côté nord. Le loup-garou la poussa, mais celle-ci resta bloquée.
- Que se passe-t-il ? Demanda Horst.
- Des pierres ont dû tomber et la bloquer de l’autre côté, répondit Bardolf. Ecartez-vous.
Il activa alors son sabrolaser et commença à donner des coups de sa lame bleue sur la porte. Emrys et Horst regardaient le plafond. Ils évitèrent tous deux plusieurs pierres chacun, tandis que leur ami réussit à taillader un grand morceau dans la porte. Puis il s’arrêta surpris.
- Mais, qu’est-ce que ça fait là ? S’interrogea-t-il.
Emrys et Horst s’approchèrent de lui et furent, eux aussi, stupéfaits. Quelqu’un avait bloqué la porte en y plaçant une planche en travers.
- J’avais contrôlé, déclara Horst.
- Je sais Horst, fit Bardolf. Nous sommes victimes d’une attaque organisée. Un animal ne serrait pas assez intelligent pour nous ensevelir de cette manière. Et cette planche, c’est quelqu’un qui l’a placée là.
- Qui ? Demanda Emrys.
- Je ne suis pas sûr, mais je crois avoir une petite idée sur la chose, répondit le loup-garou.
- Parlons-en plus tard, voulez-vous ? Cria le maoisien, car le bruit de frappement résonnait. Armez-vous ! Les loups nous attendent sûrement de l’autre côté.
Bardolf enleva la planche et d’un coup de pied, enfonça le reste de la porte. Ils passèrent la cave et empruntèrent un couloir jusqu’à la porte extérieure. Horst leva son arc.
- Ouvre le judas, Bardolf, dit-il.
Le loup-garou le désintégra avec la pointe de son sabre. Une fois ceci fait, le maoisien tira, car un loup apparut par l’ouverture. Celui-ci hurla avant de mourir. Puis Bardolf défonça la porte. Horst resta sur ces gardes et tira plusieurs lasoflèches sur des loups, tandis que Bardolf se remit en position. Alors, ils sortirent. Emrys resta un peu en arrière. Il y avait dehors une dizaine de loups qui accouraient vers eux. Ils furent surpris et s’arrêtèrent net lorsque devant eux, Emrys fit jaillir des bandes de feu. Ils n’osèrent plus s’avançait et Horst en profita pour en abattre quelques-uns. Les loups n’insistèrent pas. Ils partirent en hurlant. Ils se dirigèrent tous au même endroit, à la lisière du marais. Les trois voyageurs les regardèrent et ils aperçurent la silhouette d’un homme, où se dirigeaient les bêtes.
- C’est ce que je pensais, Nigel, déclara Bardolf. Partons ! Le drocknite va bientôt charger.
Ils se mirent à courir sur la route, vers l’est. Bardolf était en tête et Horst fermait la marche. Celui-ci se retourna et vit l’homme faire un mouvement de bras. Au même instant, les loups coururent après eux, mais très vite ils ralentirent le pas, blessés ou épuisés. Puis, un long grognement sourd retentit, suivi d’un grand fracas, alors que le drocknite sortit de la cabane, détruisant toute l’entrée.
- Je crois que l’on devrait accélérer le pas, si l’on veut avoir une chance de s’en tirer, cria Horst.
Il tira sur le drocknite et le toucha à l’épaule. Celui-ci hurla de douleur, s’arrêta quelques instants, avant de reprendre sa course. Ils arrivèrent bientôt vers le rocher au bord de la route, où Horst avait dit de prendre au sud, mais il leur restait encore un long bout à parcourir et le drocknite se rapprochait dangereusement. Emrys essaya de se concentrer, mais l’effort était trop dur. A un moment donné, près du rocher, sa force le lâcha et il s’effondra dans un cri étouffé. Bardolf s’arrêta d’un coup et se retourna. Horst s’agenouilla et prit le bras du jeune homme pour le relever, mais il leva la tête, car au-dessus d’eux se dressa, dans un horrible cri, le drocknite.